Pesant de 500 à 800 grammes, Castorocauda figure parmi les plus grands mammaliaformes connus du Jurassique. C'est également le plus ancien genre connu à posséder des adaptations aquatiques ainsi que de la fourrure sur la peau. L'animal est adapté pour creuser et ses dents sont très similaires à celles des phoques et des archéocètes de l'Éocène, suggérant qu'il se comporterait de la même manière que les ornithorynques ou les loutres de rivières, qui se nourrissent principalement de poissons. Castorocauda aurait vécu dans un environnement tempéré, humide, saisonnier et frais – avec une température moyenne ne dépassant pas les 15 °C – aux côtés des urodèles, ptérosaures, dinosaures et même d'autres mammaliaformes.
Le nom génériqueCastorocauda dérive du latincastor « castor » et cauda « queue », en référence à la queue semblable à celle des castors actuels. L'épithète spécifiquelutrasimilis vient de lutra « loutre » et similis « similaire », car les dents et les vertèbres partagent de nombreux points communs avec celles des loutres modernes[1].
Description
Castorocauda est le plus grand des représentants connus des docodontes[3]. La longueur du spécimen holotype est de 42,5 centimètres de la tête à la queue, mais il semble manquer quelques éléments sur le fossile, ce qui pourrait donner un animal légèrement plus grand. Sur la base des dimensions de l'ornithorynque, son poids est estimé entre 500 et 800 grammes, ce qui en fait le plus grand mammaliaforme connu de tout le Jurassique[1].
Les dents recourbées de Castorocauda ressemblent davantage à celles des mésonychiens, des archéocètes de l'Éocène et des phoques qu'à ceux des autres docodontes. Cette même dentition lui aurait permis à retenir les poissons glissants[5]. Les deux premières molaires ont des cuspides alignées et imbriquées lorsque la mâchoire est fermée. Cette caractéristique est similaire à la condition ancestrale chez les mammaliaformes (comme chez les triconodontes), mais est un caractère dérivé chez Castorocauda[1],[4]. La mandibule contient de chaque côté quatre incisives, une canine, cinq prémolaires et six molaires[1].
Les membres antérieurs de Castorocauda ressemblent beaucoup à ceux des ornithorynques : l'humérus s'élargit vers le coude, les os de l'avant-bras ont des épicondyleshypertrophiés (où le joint s'attache), les articulations radiales et ulnales sont largement séparées, le cubitus a un olécrâne massif (où il s'attache au coude), les os du poignet ressemblent à des blocs et les os des doigts sont robustes. Les docodontes auraient été probablement des fouisseurs qui auraient eu une démarche rampante, et Castorocauda peut aussi avoir utilisé ses bras pour pagayer, comme les ornithorynques actuels. La présence de tissus mous entre les orteils suggère que les pattes postérieures auraient été palmées[1]. Castorocauda avait probablement des griffes[6], l'holotype montrant un éperon sur la cheville postérieure, qui, chez les ornithorynques mâles, est venimeux[1].
Castorocauda possède quatorze vertèbres thoraciques, sept vertèbres lombaires, trois vertèbres sacrées et vingt-cinq vertèbres caudales. Comme certains mammifères, l'animal a des côtes resserrées et ces derniers s'étendent dans les vertèbres lombaires. Le placage se produit sur les marges proximales, la partie de la côte la plus proche de la vertèbre, et chez Castorocauda, elles peuvent avoir servi à augmenter la zone d'insertion (la partie d'un muscle qui bouge en se contractant) du muscle ilio-costal sur le dos, ce qui emboîterait les côtes voisines et soutiendrait mieux le torse de l'animal[1]. Les côtes plaquées sont présentes chez les xénarthresarboricoles et fouisseurs. Les vertèbres caudales sont aplaties dorso-ventralement, raccourcies verticalement et élargies plus horizontalement, et chaque centrum a deux paires de processus transverses (qui font saillie en diagonale du centrum), du côté de la tête et une autre du côté arrière, ce qui fait que le centrum ressemble un peu à la lettre « H » vue de dessus et en regardant vers le bas. L'anatomie de la queue est similaire à celle des castors et des loutres, qui utilisent celle-ci pour pagayer et se propulser[1],[4].
La fourrure présente sur l'holotype est la plus ancienne conservé à ce jour[3],[7]. Cela montre que la fourrure, avec ses nombreuses utilisations, y compris la thermorégulation et le senstactile, est un caractère ancestral antérieur aux mammifères[7]. Les mammifères de la formation d'Yixian conservés avec de la fourrure présentent peu de poils sur la queue, alors que le contour de la fourrure conservé sur la queue de Castorocauda est 50 % plus large que le bassin. Le premier quart est couvert de poils de garde, la moitié médiane d'écailles et d'une petite couverture de poils et le dernier quart d'écailles avec quelques poils de garde supplémentaires. Ces caractéristiques sont très similaires à ce qu'on trouve chez les castors[1]. Les traces de fourrure, avec les sens tactiles associés, laissent présumer un néocortex développé, une partie du cerveau spécifique aux mammifères qui contrôle la perception sensorielle[7].
Taxonomie
Castorocauda fait partie des Docodonta, un ordre éteint de mammaliaformes. Les mammaliaformes comprennent les mammifères et le groupe-souche des formes basales les plus proches, parmi lesquelles figurent les docodontes. Lorsque Castorocauda fut décrit en 2006, les chercheurs pensaient qu'il était lié aux genres européens Krusatodon et Simpsonodon[1]. Dans une synthèse publiée en 2010 sur les docodontes, le taxon Docodonta est divisé en trois familles : Docodontidae, Simpsonodontidae et Tegotheriidae, avec Castorocauda considéré comme un incertae sedis, ce dernier possédant des affinités indéterminées[8]. Simpsonodontidae est maintenant considéré comme paraphylétique et donc invalide, et Castorocauda semble être plus étroitement lié à Dsungarodon[9],[6], un petit omnivore provenant du bassin de Junggar(en) (Chine)[10].
Castorocauda est le plus ancien mammaliaforme semi-aquatique connu, repoussant la date d'apparition des premières adaptations aquatiques de plus de 100 millions d'années lors de sa découverte[12]. Les dents s'emboîtent lorsque la mâchoire est fermée, suggérant qu'elles auraient été utilisées pour saisir des proies, les molaires recourbées pouvant retenir des proies glissantes comme les poissons. Il s'agirait d'une convergence évolutive avec les phoques et les cétacés anciens de l'Éocène, suggérant une position écologique similaire. Avec ses adaptations à la nage, au creusement, ainsi que par sa taille, Castorocauda peut être rapproché des ornithorynques, des loutres de rivière et autres mammifères semi-aquatiques similaires en écologie et se nourrissant principalement de poisson[1].
↑(en) A. O. Averianov, A. V. Lopatin, S. A. Krasnolutskii et S. V. Ivantsov, « New docodonts from the Middle Jurassic of Siberia and reanalysis of Docodonta interrelationships », Proceedings of the Zoological Institute, vol. 34, , p. 121-148 (lire en ligne [PDF])
↑(en) H.-U. Pfretzschner, T. Martin, M. W. Maisch et A. T. Matzke, « A new docodont mammal from the Late Jurrasic of the Junggar Basin in Northwest China », Acta Palaeontologica Polonica, vol. 50, no 4, , p. 799-808 (lire en ligne [PDF])
↑(en) W. Yongdong, S. Ken'ichi, Z. Wu et Z. Shaolin, « Biodiversity and palaeoclimate of the Middle Jurassic floras from the Tiaojishan Formation in western Liaoning, China », Geology, vol. 16, , p. 222-230 (DOI10.1080/10020070612330087A, S2CID132269969, lire en ligne)
↑(en) T. Ning, A. Xie, Y. Wang, Z. Jiang, L. Li, Y.-L. Yin, Z. Zhu et J. Wang, « New records of Jurassic petrified wood in Jianchang of western Liaoning, China and their palaeoclimate implications », Science China Earth Sciences, vol. 58, no 12, , p. 2154-2164 (DOI10.1007/s11430-015-5208-1, Bibcode2015ScChD..58.2154T, S2CID131558706)