Par exemple, l’accusatif est le cas du complément d'objet direct (fonction syntaxique) ; l’élatif est le cas indiquant le lieu de l’intérieur duquel on sort (rôle sémantique).
Le cas ainsi défini de façon large peut s'exprimer dans les langues de trois manières :
par l'ordre respectif des éléments dans la proposition ; par exemple, en français, l'élément correspondant à l'accusatif (complément d'objet direct) se place presque toujours après le verbe transitif (entre le sujet et le verbe si cet élément est un pronom personnel) ;
Souvent l'utilisation du mot « cas » est limitée au troisième sens, restreinte aux situations où ledit cas s'exprime morphologiquement. L'ensemble des marques casuelles forme la déclinaison des noms, des adjectifs et des pronoms. Il existe souvent plusieurs séries de tels affixes, qui répartissent les mots déclinables en plusieurs déclinaisons selon la série de marques qu'ils sont susceptibles de porter.
Origine du terme
La formulation du concept de cas remonte à la Grèce ancienne : c'est en effet un trait grammatical saillant du grec ancien, qui comporte cinq cas. Les premiers grammairiens grecs ont nommé πτῶσις « chute » l'ensemble des variations formelles susceptibles d'affecter les mots : le terme s'apparentait donc plus à la notion moderne de flexion. Ce sont les stoïciens qui ont par la suite restreint le terme à son sens actuel de flexion liée à la fonction syntaxique.
Le choix de ce terme provient d'une métaphore conceptuelle des variations formelles comme déviation loin d'une position d'équilibre, assimilée à la forme habituelle de citation du mot (son lemme, en terminologie moderne). Cette position d'équilibre a reçu le nom de πτῶσις ὀρθή ou πτῶσις εὐθεῖα « cas direct » (correspondant au nominatif), les autres formes étant dénommées πτώσις πλάγια « cas oblique »[1],[2]. Cette terminologie subsiste encore de nos jours pour décrire certains systèmes à deux cas. Les termes spécifiques à chaque cas n'ont été introduits que plus tard.
Les grammairiens latins ont rendu la notion dans leur langue par un calque lexical : cāsus « chute », et ajouté, selon une métaphore semblable, le terme de dēclīnātiō, littéralement « inclinaison ». D'autres langues ont suivi le même exemple, telles l'allemand avec Fall (à côté de Kasus), le tchèque avec pád, etc.
Hiérarchie des cas
Dans la typologie linguistique, la hiérarchie des cas désigne un ordre de cas grammaticaux . Si une langue a un cas particulier, elle a également tous les cas inférieurs à ce cas particulier. Pour le dire autrement, si une langue n'a pas de cas particulier, il est également peu probable qu'elle développe des cas supérieurs à ce cas particulier. Cette théorie a été développée par le linguisteaustralien Barry Blake[3]. Sa théorie s'inspire de l'approche du linguiste italien Guglielmo Cinque[4].
Ce n'est cependant qu'une tendance générale. De nombreuses formes d'allemand central comme le colologien ou le luxembourgeois ont un cas datif mais n'ont pas de génitif. Dans les noms irlandais, le nominatif et l'accusatif sont tombés ensemble, et le cas datif est resté séparé dans certains paradigmes. L'irlandais a également un cas génitif et vocatif. En pendjabi, l'accusatif, le génitif et le datif ont fusionné en un cas oblique, mais la langue conserve toujours les cas vocatifs, locatifs et ablatifs. Le vieil anglais avait un cas instrumental mais non un locatif ou prépositionnel.
Blake soutient qu'il est "douteux que la hiérarchie puisse être étendue beaucoup plus loin" mais suggère que les cas les plus courants non répertoriés dans la hiérarchie sont les cas comitatifs, téléologiques, allatifs, perlatifs et comparatifs.
Les systèmes casuels et leur évolution
Le nombre de cas dans les langues qui le marquent dans leur morphologie est extrêmement variable. Dans le cas le plus simple, certaines ne distinguent que deux cas : c'est par exemple le cas de l'ancien français, du hindi, du pachto, de l'abkhaze. À l'inverse, les langues daghestaniennes ont typiquement des systèmes de plusieurs dizaines de cas, qui marquent très précisément un grand nombre de relations spatiales.
Les systèmes casuels sont susceptibles de varier au cours de l'évolution des langues. Ils ont souvent tendance à s'éroder au cours du temps : l'évolution phonétique crée des homonymies qui amènent des syncrétismes de cas ainsi que le développement d'autres moyens de distinguer les fonctions grammaticales, ce qui peut aboutir à la perte complète des déclinaisons.
Les langues slaves ont en général conservé sept cas, les emplois de l'ablatif ayant été repris par le génitif. En russe, le vocatif est moribond.
En latin, l'ablatif a absorbé l'instrumental, le locatif ne subsiste que pour certains termes géographiques et le vocatif se confond souvent avec le nominatif.
En grec ancien, il ne reste que cinq cas, les mêmes qu'en latin moins l'ablatif, dont les emplois ont été repris par le génitif. Le passage du grec ancien au grec moderne a vu la disparition du datif.
Les langues germaniques anciennes avaient quatre cas : nominatif, accusatif, génitif, datif (avec parfois des restes de vocatif et d'instrumental). Dans les langues modernes, ils ne se sont conservés tels quels qu'en islandais, en féroïen et en allemand ; encore le génitif est-il couramment supplanté en allemand moderne par des tournures au datif.
En ancien français et en ancien occitan, il ne reste de la déclinaison latine que deux cas, le cas sujet (fusion du nominatif et du vocatif) et le cas régime (fusion des quatre autres cas). En français et en occitan modernes, le cas régime a pratiquement fini par absorber le cas sujet. Les autres langues romanes avaient perdu leur déclinaison dès leurs premières attestations, à l'exception du roumain. Dans toutes cependant, les pronoms conservent des vestiges de déclinaison, par exemple qui (sujet) que (complément d'objet direct ou attribut), etc.
Les langues sémitiques donnent un autre exemple de réduction d'une déclinaison. Elles possédaient à l'origine trois cas : nominatif, accusatif, génitif, bien représentés en akkadien et en arabe classique. Ils se sont beaucoup réduits dans les dialectes arabes modernes et ont entièrement disparu en hébreu et en araméen.
Un cas n'a pas de signification dans l'absolu, il s'inscrit dans un système grammatical propre à la langue considérée ; des cas de même dénomination peuvent donc recouvrir des fonctions syntaxiques quelque peu divergentes d'une langue à l'autre. Dans de nombreuses langues, certains cas sont susceptibles d'exprimer plusieurs fonctions : on parle alors de syncrétisme. L'appellation des cas peut aussi varier selon les traditions grammaticales. La liste ci-dessous ne doit donc être prise qu'à titre indicatif.
Les typologues recourent fréquemment à une subdivision fonctionnelle des cas en trois groupes[6] :
les cas centraux indiquent les différents actants, c'est-à-dire les groupes nominaux dont la présence est régie (et parfois requise) par la valence du verbe ;
les autres cas indiquant les circonstants forment un groupe résiduel sans dénomination bien fixée.
Cas centraux
Ce sont les cas les plus répandus, en ce qu'ils marquent les constituants fondamentaux de la proposition. Certaines langues ne possèdent que ce type de cas, et marquent les circonstants par l'usage secondaire de certains cas centraux ou l'intervention d'adpositions. L'inventaire des cas centraux d'une langue est directement lié à sa structure d'actance, c'est-à-dire la façon dont elle organise le marquage des différents actants par rapport aux différents types de verbes, en particulier selon leur transitivité.
1) sujet, dans un système à deux cas (dit aussi cas sujet, s'oppose au cas régime ou oblique) 2) sujet ou objet, dans un système à deux cas (s'oppose à cas oblique)
1) fonctions autres que le sujet, dans un système à deux cas (dit aussi cas régime, s'oppose au cas sujet ou direct) 2) fonctions autres que le sujet et l'objet direct, dans un système à deux cas (s'oppose au cas direct)
Les cas locaux expriment d'abord les différentes possibilités de complément circonstanciel de lieu, mais ont souvent des fonctions figurées exprimant l'état, le temps, la cause, le but, l'attribution ou la possession.
Les langues à déclinaisons diffèrent considérablement quant à leur façon d'exprimer le lieu. Certaines ont des systèmes complexes de cas locaux, variant selon plusieurs paramètres : c'est par exemple le cas du basque, des langues daghestaniennes et de la plupart des langues ouraliennes[7]. Pour ces dernières, on peut établir le tableau récapitulatif suivant :
La nomenclature dépend quelque peu des traditions descriptives : certains noms d'application spécifique dans les langues à nombreux cas locaux peuvent s'employer dans un sens plus large dans des langues qui en ont moins.
D'autres langues n'ont pas du tout de cas locaux, exprimant plutôt le lieu par un usage secondaire de cas centraux éventuellement associé à l'emploi d'adpositions : c'est par exemple le cas du grec ancien, où l'accusatif exprime le lieu où l'on va, le génitif le lieu d'où l'on vient et le datif le lieu où l'on est.
Il est enfin des systèmes mixtes : ainsi le sanskrit a un locatif pour le lieu où l'on est et un ablatif pour le lieu d'où l'on vient, mais utilise l'accusatif pour le lieu où l'on va (à côté de son rôle principal de marqueur de l'objet) ; le turc a également un locatif et un ablatif mais utilise le datif pour le lieu où l'on va.
Maléfactif : cas indiquant le détriment d'un objet ou d'une personne dû à une action. Il est présent dans certaines langues africaines [réf. nécessaire].
Le latin possède un système de six cas (plus un locatif résiduel restreint à certains noms de lieu). C'est une langue flexionnelle où les marques de cas sont amalgamées en une désinence à celles de nombre et de genre et forment plusieurs séries, traditionnellement réparties en cinq déclinaisons. Le tableau ci-dessus illustre leurs emplois principaux, appliqués aux noms amīca « amie » (nom féminin de la première déclinaison) et amīcus « ami » (nom masculin de la deuxième déclinaison) au singulier. Les désinences sont soulignées en gras.
L'arabe littéral a un système à trois cas (ce qui correspond bien à son système de trois voyelles).
Nom latin
Nom arabe
Utilisation
Marqueurs
Nominatif
مرفوع (marfūʿ)
• Sujet
• Dans les phrases d'égalité au présent (mon chat = gris)
-u, -un, -aan, -uun
Accusatif
منصوب (manṣūb)
• Objet direct
• À la suite de إنّ ou أنّ (bien qu'il soit le sujet logique)
• Après une forme visible du verbe être (كان) ou une de ses sœurs
• Utilisation adverbiale de noms, dans le temps (عامَين 2005 و 2006) et l'espace (ضمنَ)
• Après certaines quantités (11-99, kg, l, كم)
• Dans les comparaisons complexes (فاس أكثر ازدحامًا من مكنس)
-a, -an, -ayn, -iin
Génitif
مجرور (majrūr)
• Les noms qui suivent le premier dans un état construit (إضافة)
• Après les prépositions, c'est-à-dire les objets indirects.
• Après certaines quantités (3-10, 100s, 1000s)
-i, -in, -ayn, -iin
Annexes
Notes
↑ ab et cDans une optique de vulgarisation, la description des fonctions suit ici une terminologie usuelle en linguistique francophone pour la description du français et des langues européennes, malgré son caractère souvent impropre dans des langues de structures éloignées.
↑Séparatif est employé dans l'étude des langues ouraliennes comme terme générique pour les différents cas indiquant le lieu d'où l'on vient, mais pas comme désignation de cas individuel. Dans les langues qui ne font pas de subdivisions selon la position, c'est généralement ablatif qui s'emploie pour désigner cette relation de manière indifférenciée, selon le modèle du latin (où l'ablatif a cependant un emploi beaucoup plus large).
↑Les noms proviennent de traditions descriptives différentes mais recouvrent approximativement le même emploi.
↑Les noms proviennent de traditions descriptives différentes mais recouvrent approximativement le même emploi. Le cas appelé traditionnellement prolatif en basque correspond plutôt dans son usage à un essif ou un translatif.
↑C'est le nom traditionnel en russe du cas locatif des autres langues slaves : en russe moderne, en effet, il se construit toujours avec une préposition. De plus, certains mots russes possèdent un locatif distinct accentué sur la finale et, sauf à la 3e déclinaison, terminé par -у, et un prépositionel générique terminé par -е ou parfois par -и: p.ex. на двери́ sur la porte (emplacement): locatif; о две́ри au sujet de la porte: prépositionnel; на полу́ sur le sol; par terre (L), о по́ле à propos du sol (P); etc.
↑ a et bLa terminologie direct/indirect, qui fait référence à l'absence ou la présence d'une préposition, est à vrai dire impropre en latin, puisque l'opposition y est plutôt portée par la différence des formes casuelles.
↑Littéralement : « beaucoup de livres sont à mon ami(e) ».
Jean Dubois, Mathée Giacomo, Louis Guespin, Christiane Marcellesi, Jean-Baptiste Marcellesi et Jean-Pierre Mével, Le dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, coll. « Les Grands dictionnaires Larousse », (1re éd. 1994), LX-514 p., 24 cm (ISBN978-2-03-588845-7, OCLC835329846, présentation en ligne)