Les langues dravidiennes forment une famille d'une trentaine de langues, originaires d'Inde, essentiellement parlées par les Dravidiens dans le sud de l'Inde[1]. Elle possède également des locuteurs au Sri Lanka, au Pakistan et dans les communautés émigrées. En 2010, environ 214 millions de personnes parlent une langue dravidienne[2], les plus utilisées étant le télougou et le tamoul (respectivement 75 et 80 millions de locuteurs), mais aussi le malayalam et le kannada (33 et 38 millions de locuteurs). Chacune de ces quatre langues est la langue principale d'un État indien, respectivement l'Andhra Pradesh, le Telangana qui s’en est séparé en 2014, le Tamil Nadu, le Kerala et le Karnataka. Les langues dravidiennes sont agglutinantes, ont une typologieSOV (sujet-objet-verbe) et ne comportent qu'un verbe conjugué par phrase.
Premiers travaux sur les langues dravidiennes en Europe
Dès 1816, Alexander Campbell évoque des liens entre tamoul et télougou[3]. C'est cependant en 1856 que Francis Ellis décrit pour la première fois en Occident les langues du Sud de l'Inde en les envisageant comme membres d'une famille unique[4]. Il utilise le mot « dravidien », reprenant le mot sanskritdrāviḍa désignant les langues d'Inde du Sud.
Origine et parentés
En linguistique, l'origine des langues dravidiennes est discutée. L'écriture tamoule contemporaine serait dérivée de l'écriture brahmique, qui a également produit les écritures du groupe linguistique indo-aryen.
On a tenté de relier les langues dravidiennes à la civilisation de la vallée de l'Indus, dont les habitants se seraient dispersés après la chute de cette civilisation. Cette hypothèse est difficile à étayer linguistiquement car on ne connaît pas la langue de la vallée de l'Indus dite « langue harappéenne ». En revanche, il existe un faisceau de présomptions : l'iconographie du site archéologique de Mohenjo-daro, de possibles liens avec l'élamite qui fut parlé en Iran, du début du IIIe millénaire au IVe siècle av. J.-C.[5],[6], voire certaines ressemblances lexicales entre les langues dravidiennes et les langues ouraliennes. Cette hypothèse est toutefois critiquée par des spécialistes des langues ouraliennes et des langues dravidiennes[7].
La famille linguistique dravidienne a subi et exercé des influences de la part et sur les langues avoisinantes, de la famille indo-iranienne. En effet, les langues dravidiennes comprennent un lexique d'origine indo-iranienne assez important, comme dans le cas du telugu, largement influencé par le sanskrit. Inversement, en Inde et au Pakistan, les langues indo-iraniennes ont intégré des procédés syntaxiques propres au dravidien, comme une position finale fixe du verbe, mais aussi des sons consonantiques rétroflexes propres aux langues dravidiennes du Nord.
Classification
Les linguistes divisent cette famille en trois groupes :
le groupe septentrional, localisé dans des foyers dispersés du nord-ouest et du nord-est de la péninsule indienne, notamment le brahoui ;
le groupe central, dont les langues les plus parlées, le parji et le kolami du Nord-Ouest, ont chacune 100 000 locuteurs ;
le groupe méridional, de loin le plus important, et lui-même divisé en deux sous-groupes :
le sous-groupe le moins au sud comprend le télougou et d'autres langues de moindre importance telles que le gondi et le kui ;
le sous-groupe le plus au sud comprend lui-même de nombreuses subdivisions : la langue la plus parlée est le tamoul, parlé dans le sud de l'Inde, au Sri Lanka et dans diverses îles de l'océan Indien ; le malayalam, qui en est assez proche et le kannada qui l'est moins, sont également parlés par des dizaines de millions de personnes. Le toulou et d'autres langues moins répandues appartiennent également à ce sous-groupe.
↑(en) Alexander D. Campbell, A Grammar of the Teloogoo Language : Commonly termed the Gentoo, peculiar to the Hindoos inhabiting the northeastern provinces of the Indian peninsula, Madras, Printed at the Hindu Press, (réimpr. 1857) (1re éd. 1816) (OCLC572798823, lire sur Wikisource, lire en ligne).
↑Francis W. Ellis, Grammar of the Teloogoo Language, 1856.
↑(en) David W. McAlpin, « Is Brahui Really Dravidian? », Proceedings of the Sixth Annual Meeting of the Berkeley Linguistics Society, , p. 66-72 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
↑Krishnamurti, Bhadriraju (2003) The Dravidian Languages Cambridge University Press, Cambridge, (ISBN0-521-77111-0), pp. 40-41.
(en) Robert Caldwell, A Comparative Grammar of the Dravidian or South-Indian Family of Languages, Londres, Trübner, , 2e éd. (1re éd. 1856) (OCLC1042547185, lire en ligne).
(en) Trigant Burrow et Murray B. Emeneau, A Dravidian Etymological Dictionary [« Un dictionnaire étymologique dravidien »] (dictionnaire), Oxford, Oxford University Press, , 2e éd. (1re éd. 1961), XLI-853 p., 24 cm (OCLC1014780797, lire en ligne).
(en) Kamil V. Zvelebil, Dravidian Linguistics : An Introduction [« Linguistique dravidienne : une introduction »], Puducherry, Pondicherry Institute of Linguistics & Culture, coll. « PILC publication » (no 3), , XXVI-156 p. (ISBN978-81-85452-01-2, OCLC615013215).
(en) Mikhail S. Andronov, Dravidian Historical Linguistics [« Linguistique historique dravidienne »], Munich, Lincom Europa, coll. « LINCOM language research » (no 2), , 153 p., 23 cm (ISBN978-3-89586-413-1, OCLC925778635, BNF41096341).