Lugosi commence à monter sur les planches hongroises en 1902. Après avoir joué dans 172 productions dans sa Hongrie natale, il apparaît dans des films muets hongrois à partir de 1917. Il doit cependant soudainement émigrer en Allemagne après l'échec de la révolution communiste hongroise de 1919 en raison de ses anciennes activités socialistes (organisation d'un syndicat d'acteurs de théâtre), laissant dans la foulée sa première épouse. Il joue dans plusieurs films dans la république de Weimar, avant d'arriver à La Nouvelle-Orléans en tant que marin sur un navire marchand, puis de se diriger vers le nord, jusqu'à New York et Ellis Island.
En 1927, il incarne le comte Dracula dans une adaptation à Broadway du roman de Bram Stoker, déménageant avec la pièce sur la côte ouest en 1928 et s'installant à Hollywood[2]. Il joue ensuite dans la version cinématographique de Dracula de 1931 réalisée par Tod Browning et produit par Universal Pictures. Au cours des années 1930, il occupe une niche importante dans les films d'horreur, mais sa notoriété en tant que Dracula et son fort accent hongrois limitent considérablement les rôles qui lui sont proposés, et il essaie sans succès pendant des années d'éviter d'être catalogué.
Il joue dans plusieurs films avec Boris Karloff, qui est en mesure d'exiger que son nom soit en haut de l'affiche. À sa grande frustration, Lugosi, membre fondateur de la Screen Actors Guild américaine, est de plus en plus limité aux rôles de savant fou en raison de son incapacité à parler anglais plus clairement. Il est employé par les studios principalement pour qu'ils puissent inscrire son nom sur les affiches. Durant sa collaboration avec Boris Karloff, il ne joue des rôles majeurs que dans Le Chat noir (1934), Le Corbeau (1935), et Le Fils de Frankenstein (1939). Mais même dans Le Corbeau, le nom de Karloff est inscrit en haut de l'affiche malgré le fait que c'est Lugosi qui ait le rôle principal.
À cette époque, Lugosi prend régulièrement des médicaments contre la névralgie sciatique, et il devient dépendant à la morphine et la méthadone que son médecin lui prescrit. Cette dépendance à la drogue (et son alcoolisme qui s'aggrave progressivement) devient évidente aux producteurs, et après Deux Nigauds contre Frankenstein (1948), les offres se réduisent à des rôles dans des films à petit budget. Certains d'entre eux sont réalisés par Ed Wood, dont une brève apparition dans son film Plan 9 from Outer Space (sortie à titre posthume en 1957)[3].
Lugosi s'est marié cinq fois et a eu un fils, Bela G. Lugosi(en) (avec sa quatrième femme, Lillian)[3].
Biographie
Jeunesse et formation
Béla, Ferenc, Dezső Blaskó naît en dans la ville de Lugos en Hongrie (aujourd'hui Lugoj en Roumanie). Il est le plus jeune des quatre enfants[4] d'un père magyar István Blaskó, banquier, et de sa mère serbe Paula Vojnić (Vojnich)[5]. Avec sa sœur Vilma, il est élevé dans la foi catholique[6]. À l'âge de 12 ans, il quitte l'école[4].
Il commence sa carrière d'acteur en 1901 ou 1902. En 1903, il prend comme nom de famille « de Lugos » : en hongrois « Lugosi »[4],[7]. Ses premières interprétations dans des théâtres provinciaux en 1903-1904, sont de petits rôles dans plusieurs pièces et opérettes[8]. Parfois il décroche des rôles principaux dans des pièces de William Shakespeare. Après son arrivée à Budapest en 1911, il joue une douzaine de rôles avec le théâtre national de Hongrie entre 1913 et 1919 : il utilise alors à la scène les pseudonymes d'Olt Arisztid et d'Albert Legosi[9]. Bien qu'il s'affirma par la suite « acteur principal du théâtre national de Hongrie », presque tous ses rôles dans ce grand établissement étaient petits ou de soutien[10].
Après quelques années difficiles à cause de sa méconnaissance de l'anglais, il décroche à Broadway le rôle de Dracula, qu'il jouera des centaines de fois, dans la pièce de théâtre tirée du roman homonyme de Bram Stoker. Dans ce rôle, son accent hongrois devint un atout et contribua grandement à son jeu d'acteur. C'est ce même rôle de vampire d'Europe centrale (si exotique pour le public américain) qu'il reprend, en 1931, pour Universal Pictures, dans le film de Tod Browning, qui consacre sa célébrité. La même année, ne souhaitant pas rester cantonné aux films d'horreur, il refuse de jouer la créature du film Frankenstein, qui aura un grand succès (le rôle sera tenu par Boris Karloff).
Des années plus difficiles suivent : Lugosi n'est sollicité que pour les films d'horreur dont il aurait préféré se passer (et dont la qualité baisse lentement à partir de 1950), éprouve des problèmes de santé traités à la morphine dont il devient dépendant, et de plus, il est inquiété dans le cadre de la « chasse aux sorcières » en raison de sa participation aux instances de la première république communiste hongroise et de son engagement syndical aux États-Unis.
Vie privée
En 1917, Béla Lugosi se marie à Ilona Szmik (1898–1991). Le couple divorce en 1920, à cause des divergences politiques avec les parents d'Ilona. En 1921, il se marie à Ilona von Montagh, et divorce en 1924. En 1929, il épouse la riche résidente de San Francisco, Beatrice Weeks (1897–1931), alors veuve de l'architecte Charles Peter Weeks : il prend place dans la société hollywoodienne mais un scandale éclate et Beatrice demande le divorce quatre mois plus tard, expliquant que l'actrice Clara Bow est l'« autre femme » de son mari[12].
Le , il est naturalisé américain. En 1933, il se marie à une femme de 22 ans, Lillian Arch (1911–1981), fille d'immigrants hongrois. Ils ont un fils en 1938 : Bela G. Lugosi(en)[13]. Béla Lugosi a 4 petits-enfants et 6 arrière-petits-enfants.
Béla Lugosi, son épouse Lillian et sa belle-mère passent des vacances dans leur propriété du Lake Elsinore, en Californie, entre 1944 et 1953, où leur fils Bela Lugosi Jr. s'inscrit à l'école militaire navale d'Elsinore. Béla et Lillian divorcent en 1953[14], en partie parce que cette dernière est devenue l'assistante de Brian Donlevy sur les plateaux et les studios pour la série radiophonique et télévisée Dangerous Assignment de Brian Donlevy[15]. En 1955, Béla Lugosi se marie à Hope Lininger, sa cinquième épouse. Ils sont restés ensemble jusqu’à sa mort.
Mort
Après avoir été près de vingt ans dépendant de la morphine, le , Béla Lugosi meurt d'un infarctus du myocarde, à 73 ans, dans son appartement de Los Angeles[1]. Il semble qu'au moment de sa mort, il lisait le scénario de The Final Curtain d'Ed Wood, mais cela ne signifie pas qu'il pensait y jouer un rôle[16].
Il est enterré au cimetière Holy Cross Cemetery (Culver City), en Californie. Contrairement aux rumeurs publiques, l'acteur n'a jamais demandé à être enterré dans son habit de vampire : son fils Bela G. Lugosi a confirmé maintes fois que ce sont lui-même et sa mère Lillian, qui avaient pris la décision d'utiliser l'un des costumes de Dracula, pensant que Béla n'y aurait pas fait objection[17].
Il est le sujet d'une chanson du groupe gothique anglais Bauhaus : Bela Lugosi's Dead, qui figure dans la bande-son d'un autre film de vampires, Les Prédateurs (The Hunger) de Tony Scott (1983) ainsi que dans le film Good Luck Chuck, et qui fut reprise par le groupe Nouvelle Vague dans l'album Bande à part, puis en 2017 par le groupe Dead Cross (Mike Patton, Dave Lombardo) ainsi que par de nombreux groupes de punk rock, metal, industriel, rockabilly, gothique, etc.
La marque d'instrument ESP Guitars, en collaboration avec Kirk Hammett, du groupe Metallica, a conçu des modèles de guitares dont le corps est orné de l'affiche d'un film où Lugosi a joué, Dracula ou White Zombie par exemple.
1949 : Suspense : le général Fortunato (saison 2, épisode 6 : A Cask of Amontillado)
1950 : The Paul Winchell and Jerry Mahoney Show : le comte Dracula (saison 1, épisode 3)
1954 : The Red Skelton Show : le professeur Lugosi (saison 3, épisode 40 : Dial 'B' for Brush with guest performers Bela Lugosi, Lon Chaney, Jr. & Vampira)
En Bande Dessinée
2023 : Bela Lugosi par Philippe Thirault (Scénario) et Marion Mousse (Dessin) - Edition Glénat Collection 9 1/2 - (ISBN9782344042670)
Notes et références
↑ a et b(en) « From the Archives: Actor Bela Lugosi, Dracula of Screen, Succumbs After Heart Attack at 73 », Los Angeles Times, (lire en ligne, consulté le ).
↑Bela Lugosi: Dreams and Nightmares by Gary D. Rhodes, with Richard Sheffield, (2007) Collectables/Alpha Video Publishers, (ISBN0977379817) (hardcover)
↑ abcdef et g(en) Jennifer Osborn et Roy Milano, Monsters : A Celebration of the Classics from Universal Studios, New York, Del Ray Books, imprint of Random House, Inc., (ISBN0-345-48685-4), p. 38.
↑(en) « United States Census, 1930 », database with images, FamilySearch (https://familysearch.org/ark:/61903/1:1:XCJB-Z61 : accessed 20 May 2018), Bela Lugosi, Los Angeles (Districts 0001-0250), Los Angeles, California, United States; citing enumeration district (ED) ED 47, sheet 9A, line 4, family 193, NARA microfilm publication T626 (Washington D.C.: National Archives and Records Administration, 2002), roll 133; FHL microfilm 2,339,868.
↑(en) Gary Rhodes, Lugosi : His Life in Films, on Stage, and in the Hearts of Horror Lovers, (ISBN0-7864-0257-1, lire en ligne).
↑(en) « 15 Intriguing Halloween-Related Factoids! », Huffington Post, (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) « Friedemann O'Brien Goldberg & Zarian Names Bela G. Lugosi Of Counsel », Metropolitan News-Enterprise, (lire en ligne, consulté le ) :
« Bela G. Lugosi, a well-known Los Angeles trial and entertainment lawyer and son of the actor famed for his portrayals of Count Dracula, has become of counsel to the downtown office of Friedemann O'Brien Goldberg & Zarian. »
.
↑(en) « Divorced », Time, (version du sur Internet Archive) : « Bela Lugosi, 68, veteran Hollywood cinemonster (Dracula); by his third wife, Lillian Arch Lugosi, 41, on the ground that his 'unfounded jealousy' constituted mental cruelty; after 20 years of marriage, one son; in Los Angeles. ».
↑(en) Gary Don Rhodes, Lugosi: His Life in Films, on Stage, and in the Hearts of Horror Lovers, McFarland, (ISBN0-7864-0257-1), p. 36.
↑Bela G. Lugosi l'a déclaré dans le supplément du documentaire The Road to Dracula, dans le DVD Dracula - (1931) [Universal Studios Classic Monster Collection, Universal DVD #903 249 9.11].
↑Pour la traduction française, voir Dracula fait maigre (trad. Simone Hilling), Gallimard, coll. « Série noire » (no 1831), ; réédition 10/18, coll. « Grands détectives » (no 3211), 2000 (ISBN2-264-03018-6).
(en) Arthur G. Lennig, The Count : The life and films of Bela "Dracula" Lugosi, Putnam, , 347 p. (ISBN0-399-11340-1)
(en) Gary J. Svehla (dir.) et Susan Svehla (dir.), Bela Lugosi, Midnight Marquee Press, coll. « Actors Series », , 312 p. (ISBN1-887664-01-7) ; rééd. 2007 (ISBN978-1-887664-77-6)
(en) Gary Don Rhodes et F. Richard Sheffield, Lugosi : His Life in Films, on Stage, and in the Hearts of Horror Lovers, Jefferson (N.C.)/London, McFarland & Company, , 414 p. (ISBN0-7864-0257-1) ; rééd. 2006 (ISBN0-7864-2765-5)
(en) Gary Don Rhodes et F. Richard Sheffield, Bela Lugosi : Dreams and Nightmares, Collectables Press, , 352 p. (ISBN978-0-9773798-1-1 et 0-9773798-1-7)
(en) Gregory William Mank, Bela Lugosi and Boris Karloff : The Expanded Story of a Haunting Collaboration, with a Complete Filmography of Their Films Together, McFarland Company, , 701 p. (ISBN978-0-7864-3480-0)
(it) Edgardo Franzosini, Bela Lugosi : Biografia di una metamorfosi, Milan, Adelphi, , 156 p. (ISBN88-459-1370-8)