Karl Freund naît le à Köninghof (aujourd'hui Dvůr Králové nad Labem, en République tchèque) dans une famille juive[2]. En 1901, il s'installe à Berlin avec ses parents Julius Freund et Marie (née Hermann). Après avoir obtenu son certificat d'études, il entre en apprentissage dans une usine de tampons[3]. En 1906, il devient projectionniste pour l'Alfred Duskes Kinematographen[4], le principal fabricant allemand de matériel pour le cinématographe. C'est à cette époque qu'il travaille à ses premiers courts métrages, considérés aujourd'hui comme perdus. En 1908, il intègre l'équipe de cadreurs d'actualités des frères Pathé, tout en travaillant comme assistant technique pour Oskar Messter, l'un des premiers producteurs allemands.
Jusqu'en 1915, Freund s'établit une solide réputation de technicien qui l'amène à travailler pour les nombreux studios indépendants qui fleurissent alors, aussi bien en Allemagne et en Yougoslavie qu'en Autriche. Cette année-là, il s'engage dans l'armée autrichienne mais se trouve réformé au bout de trois mois pour cause de surpoids. Dès l'année suivante, il travaille sur une série de films interprétés par la star de l'époque, Henny Porten. En 1919, il fonde sa propre société, la Karl-Freund-Film GmbH, et deux ans plus tard il réalise son premier film, Der Tote Gast.
Freund s'impose comme le chef opérateur vedette de la Decla-Bioscop, Gloria et Oswald-Film, et collabore étroitement avec Ernst Lubitsch, Fritz Lang, Ludwig Berger, Paul Wegener (il est le chef opérateur du Golem en 1920[5]), ou Carl Theodor Dreyer à l'UFA. Karl Freund, le réalisateur Friedrich Wilhelm Murnau, Walter Röhrig et le scénariste Carl Mayer constituent alors l'équipe artistique la plus importante du cinéma muet allemand, représentante d'un niveau d'invention et d'une liberté technique seulement égalés en France, par Abel Gance dans son Napoléon[5]. En 1924, Freund développe sa Entfesselte Kamera (« Caméra déchaînée ») révolutionnaire, une sorte de caméra légère embarquée (sur harnais ou support mobile) permettant les mouvements les plus variés[5] : il inaugure cette technique sur Le Dernier des hommes (Murnau, 1924)[4],[6], modèle de mise en scène pour toute une génération de cinéastes à venir (Jean Renoir, Max Ophüls...). En 1928 il participe à la création du Volksverband für Filmkunst, sorte de cinéma progressiste, avec Heinrich Mann, Georg Wilhelm Pabst et Erwin Piscator, dont les expériences berlinoises sont à l'origine de cette défense du film allemand d'art et d'essai[5].
Arrivée à Hollywood
Objet d'une reconnaissance internationale[5], Freund se penche sur d'autres innovations telles que l'enregistrement sonore sur support magnétique, le son optique, les effets spéciaux avec miniatures... Après avoir bouclé le tournage dantesque de Metropolis, il expérimente des méthodes de tournage en couleurs qui attirent l'attention de la Technicolor Corporation aux États-Unis[4]. Il poursuit quelque temps ses recherches à New York avant de rejoindre Hollywood en 1929[6], où l'attend avec impatience Carl Laemmle, grand patron des studios Universal[6].
On lui confie aussitôt la direction de la mémorable scène finale d'À l'Ouest, rien de nouveau. On le retrouve, toujours en tant que directeur de la photographie, sur des classiques des années 1930-40, dont Dracula, cependant John Brosnan dans The Horror People pense que le film Dracula ne laissa pas assez de liberté à Freund pour qu'il puisse ajouter sa touche personnelle au film, tandis que le film qu'il tourna l'année suivante, Double Assassinat dans la rue Morgue inspiré de la nouvelle d'Edgar Poe, lui convenait bien mieux, de par son aspect lugubre lié aux ruelles parisiennes[6],[3].
Toujours à l'affût d'innovations techniques, il met au point, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux appareils permettant de mesurer la densité des couleurs ainsi que des caméras de télévision plus performantes, et il créa en 1944 la Photo Research Corporation, entreprise de fabrication de caméras, toujours en fonction[1],[3]. La télévision va d'ailleurs devenir son ultime refuge et terrain d'expérimentation, d'abord avec Our Miss Brooks puis en 1950 la star Lucille Ball l'engage pour superviser la photographie de son show populaire I Love Lucy[7] ; il invente pour l'occasion le système multi caméras, impliquant trois caméras tournant simultanément[4]. Selon John Brosnan, cette « chute » fut difficile pour un homme ayant travaillé avec de grands réalisateurs comme Murnau, et le rendit amer, ce qui lui fit tenir des propos aigris à l'égard d'Hollywood, qu'il considérait alors comme « de la pornographie légalisée »[6].
En 1959, il se retire dans sa ferme de la vallée de San Fernando, poursuivant ses recherches, participant à des conférences internationales et autres séminaires hollywoodiens. Il meurt le à Santa Monica[5].
(en) Scott Allen Nollen, Boris Karloff : A Critical Account of His Screen, Stage, Radio, Television, and Recording Work, McFarland & Co Inc, , 487 p. (ISBN978-0-89950-580-0, lire en ligne)
(en) Jack C. Ellis, A New History of Documentary Film, Continuum International Publishing Group Ltd., , 400 p. (ISBN978-0-8264-1751-0, lire en ligne), p. 51-52
(en) Michael Minden et Holger Bachmann, Fritz Lang's Metropolis : Cinematic Visions of Technology and Fear, Camden House Inc, , 340 p. (ISBN978-1-57113-146-1, lire en ligne), p. 17, 19, 72, 76, 83, 106, 289, 299-301
Jean-Pierre Avedon, 100 ans et plus de cinéma fantastique et de science-fiction (Freund Karl, p.383), éditions Rouge Profond, 2013 (ISBN978-2-915083-56-9)