L'Ukraine n'a plus d'armes de destruction massive actuellement. L'arsenal nucléaire de l'Ukraine s'est constitué lorsqu’elle se retrouva indépendante à la suite de la dislocation de l'URSS en décembre 1991. Elle hérita de vastes stocks d'armes, la plaçant au troisième rang des puissances nucléaires mondiales en nombre d'ogives[1].
Le , le Conseil suprême d'Ukraine adopte la déclaration de souveraineté d'État d'Ukraine et annonce que l'Ukraine n'utilisera pas, ne produira pas et ne stockera pas d'armes nucléaires. Le 24 octobre 1991, le parlement ukrainien adopte un statut non-nucléaire. En novembre 1993, le parlement ukrainien ratifie le protocole de Lisbonne signé le 23 mai 1992 complétant le Traité de réduction des armes stratégiques du 7 juin 1991 et concernant les États successeurs de l’URSS[9].
En 1993, le théoricien des relations internationales et professeur à l'université de Chicago John Mearsheimer publie un article dans lequel il prédit qu'une Ukraine totalement dépourvue de dissuasion nucléaire, serait susceptible d'être agressée par la Russie, bien qu'il s'agisse d'une opinion très minoritaire à l'époque[10].
Son aviation n'exploita que peu les appareils dont elle disposa. Dès 1994, des négociations ont lieu avec la Russie pour qu'elle reprenne une part des avions et les missiles de croisière constituant leurs munitions. En 1995, une commission militaire russe déclara que seuls 15 % des bombardiers stratégiques étaient en état de vol. Le 14 octobre 2002, la démolition de l'ensemble des bombardiers restants, effectuée par Raytheon à la suite d'un contrat dans le cadre d'un programme de désarmement, est effective[15].
Pavlo Rizanenko, alors membre du parlement ukrainien, déclare en mars 2014 à USA Today que l'Ukraine pourrait avoir à se doter de ses propres armes nucléaires si les États-Unis et les autres chefs d'État ne respectaient pas leur part du traité. Il dit : « Nous avons renoncé aux armes nucléaires par le fait de cet accord. Maintenant, il y a le fort sentiment en Ukraine que nous avons fait une grosse erreur. »[18] Il déclare également : « À l'avenir, peu importe manière dont la situation se résout en Crimée, nous avons besoin d'une Ukraine bien plus forte. Si vous avez des armes nucléaires, les gens ne vous envahissent pas. »[19]
Une étude publiée en 2016 dans la revue américaine World Affairs prend le parti de dire que la dénucléarisation de l'Ukraine n'a pas été une "erreur stupide", et qu'il n'était pas certain que le pays s'en serait mieux sorti en tant que puissance nucléaire[21]. L'étude suggère que l'engouement pour l'indépendance de l'Ukraine allait de pair avec la vision d'en faire un État non nucléaire[21]. Selon les auteurs, les États-Unis n'auraient, dans tous les cas, pas fait de l'Ukraine une exception en ce qui concerne la dénucléarisation d'autres États post-soviétiques tels que la Biélorussie et le Kazakhstan[21]. La valeur dissuasive des armes nucléaires en Ukraine y est également discutée, car il est estimé que le pays aurait dû passer 12 à 18 mois à établir le contrôle de l'ensemble de l'arsenal nucléaire laissé par les Russes[21]. De plus, les missiles ICBM abandonnés ont une portée de 5 000 à 10 000 km (initialement dirigés vers les États-Unis), ce qui signifie qu'ils n'auraient pu être re-configurés que pour frapper l'Extrême-Orient russe[21]. Les missiles de croisière à lancement aérien (ALCM) laissés par les Russes ont été désactivés par les Russes lors de l'effondrement de l'Union soviétique, néanmoins, même s'ils avaient été mis en état de fonctionner par les Ukrainiens, il est peu probable qu'ils auraient eu un effet dissuasif[21]. En effet, si l'Ukraine avait décidé de prendre le contrôle de ces armes nucléaires, elle aurait fait face à des sanctions de la part de l'Occident, qui auraient pu aller jusqu'à un retrait de la reconnaissance diplomatique de l'Ukraine par les États-Unis et d'autres alliés de l'OTAN[21]. L'Ukraine aurait également dû faire face à des représailles de la part de la Russie[21]. Les Ukrainiens auraient également eu du mal à remplacer les missiles une fois leur durée de vie expirée, car le pays n'avait pas de programme nucléaire[21]. Ainsi, en échange de l'abandon de son arsenal nucléaire, l'Ukraine reçoit une compensation financière, ainsi que les garanties de sécurité du Mémorandum de Budapest[21].
Invasion par la Russie et remilitarisation
Après l'annexion de 2014, la fédération de Russie déploie de nouveau des armes à capacité nucléaire dans la péninsule, notamment des missiles antiaériens S-300, puis des bombardiers Tu-22M3 Backfire et des missiles balistiques Iskander-M[22],[23],[24]. En 2020, un responsable ukrainien du Conseil national de Sécurité et de Défense affirme que la Russie a effectué des travaux sur l'entrepôt d'armes nucléaires soviétique Feodosiia-13 à Krasnokamianka en plus d'avoir ajouté de nouveaux tunnels à une base de sous-marins nucléaires à Balaklava[25].
En juillet 2014, le ministre russe des Affaires étrangèresSergueï Lavrov affirme publiquement que son pays a le droit de défendre la Crimée à l'aide d'armes nucléaires[26], puis, en mars 2015, le président Vladimir Poutine révèle que lors de l'invasion de la Crimée, il était prêt à mettre ses forces de dissuasion nucléaire en état d'alerte[27]. À peu près au même moment, un membre du ministère russe des Affaires étrangères déclare que la Russie a le droit de déployer des armes nucléaires en Crimée, péninsule pourtant reconnue internationalement comme territoire ukrainien[28].
Le 15 avril 2021, Andriy Melnyk, ambassadeur d'Ukraine en Allemagne, déclare à la radio Deutschlandfunk que si l'Ukraine n'était pas autorisée à devenir membre de l'OTAN, son pays pourrait avoir à reconsidérer son statut d'État non doté d'armes nucléaires dans le cadre du TPN pour assurer sa défense[29],[30].
En février 2022, (à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine), le président ukrainien Volodymyr Zelensky exprime à nouveau ce sentiment, suggérant que l'Ukraine pourrait potentiellement considérer le mémorandum de Budapest comme invalide si les garanties de sécurité qu'il décrit n'étaient pas respectées[31].
En 1992, sur les 10 466 ogives nucléaires stratégiques dont disposait l'Armée rouge à cette date, 1 408 étaient stationnées en Ukraine ainsi qu'environ 2 500 armes nucléaires tactiques (2 275 selon Arms Control Today[12]) qui furent rapatriées l’année suivante.
En 1993, 1 264 ogives stratégiques étaient en Ukraine, en 1994, 1 594 et en 1995, 1 056. En juin 1996, la dernière est rapatrié en Russie[34],[12].
En mars 2012, l'Ukraine a complètement éliminé les quantités restantes d'uranium hautement enrichi de son territoire.
Missiles intercontinentaux
À la suite de la dissolution de l'Union soviétique, la 43e armée de fusées ((ru) : 43-я ракетная Краснознаменная армия) passa sous le contrôle des forces des fusées stratégiques ukrainiennes. Elle dispose alors des bases de Khmelnytskyï dépendant de la 19e division de missiles, de celle de Pervomaïsk où est stationnée la 46e division de missiles ainsi que d'un centre de stockage de missiles balistiques. Ses 176 missiles balistiques intercontinentaux emportaient un total de 1 944 ogives[35]. Elle est dissoute le 8 mai 1996[36].
46 RT-23 Molodets (code OTAN : SS-24) emportant chacun 10 MIRV de 300 à 550 Kt[40] dont la fabrication se faisait dans des sites de l'industrie de la défense soviétique en Ukraine se trouvent également sur son sol sur la base de Pervomaïsk en 1991 et sont démantelés ou détruits du 1er juillet 1998 au 4 janvier 2001. Au total, l'infrastructure disposait de 46 silos à missiles, 5 centres de contrôle de lancement, et 54,5 missiles avec les pièces détachées [39].
À la suite d'un accord d'avril 2010 entre les présidents ukrainien et américain, les États-Unis financent à 90 % (soit 24 millions de dollars) un site d'élimination des fuselages des moteurs de fusée RT-23 (ainsi que de munitions conventionnelles) et d'environ 5 000 tonnes de combustible solide dans l'oblast de Dnipropetrovsk. Le site de l'usine chimiquePavlohradskyi Khimichnyi Zavo destiné à l'élimination d'éléments de missiles ouvre le 21 mai 2013 et la destruction des moteurs démarre en juin 2013[43].
Une partie de la base de Pervomaïsk est devenue le musée des forces de missiles stratégiques[44].
Deux brigades de missiles tactiques sol-sol ont également été intégrées dans l’armée ukrainienne en 1992. Elles disposaient alors de 70 des quelque 500 lanceurs de roquettes 9K52 Luna M (code OTAN. : FROG-7) de l'armée rouge, 132 des quelque 550 lanceurs de Scud et 72 ou environ 90 des quelque 300 lanceurs de OTR-21 Tochka (code OTAN : SS-21 Scarab) [45] de la défunte armée soviétique[46], ces engins pouvant emporter des charges conventionnelles, chimiques ou nucléaires.
En 2011, seuls les OTR-21 sont en service dans la 19e brigade de fusées des forces de fusées et d'artillerie ((uk) : Ракетні війська та артилерія, Raketni Viys’ka ta artilleriya) stationnée à Khmelnytskyï[47] et un site privé américain estime en 2014 leur stock à 90 lanceurs[48].
Le nombre de missiles OTR-21 qu'avait l’Ukraine est estimé à environ 500. Il est possible que 80 aient été exportés au Yémen et 40 avec 12 TEL en Syrie[55].
Aviation
L'Ukraine récupéra également un total de 1 100 avions de combat dont un grand pourcentage de la 46e armée aérienne ((ru) : 46-я воздушная армия}, une des trois armées de l’aviation à long rayon d'action ((ru) : Дальняя Авиация, Dal'nyaya Aviatsiya) chargée du bombardement stratégique, ainsi que quatre régiments de l'aviation navale soviétique de la flotte de la mer Noire.
Les 19 Tupolev Tu-160 appartenaient au 184e régiment de bombardement lourd de la Garde (184 GvTBAP, 184 Gvardeyskyy Tyazhelyy Bombardirovochnyy Aviatsionnyy Polk) de l'armée de l'air soviétique stationné sur la base aérienne de Prylouky[57]. Ces avions passèrent sous le contrôle de la force aérienne ukrainienne. À partir du 5 novembre 1999, un échange se fit entre la Russie et l'Ukraine qui donna alors 8 de ses appareils pour rembourser une partie de sa dette concernant l’achat de gaz. L'Ukraine a détruit les autres « Blackjacks » en sa possession entre le 16 novembre 1998 et le 2 février 2001[15].
Les 25 Tupolev Tu-95 furent détruits sauf 3 qui furent transférés à la Russie, ou exposés dans des musées entre 1998 et 2001[58].
En comptant les appareils de l'aéronavale, on compta 59 Tupolev Tu-22M (dont 42 Tu-22M3 et 17 Tu-22M2) furent détruits à partir de la fin des années 1990, le dernier le 27 janvier 2006, sauf trois exposés dans des musées[59].
Les missiles de croisière furent soit envoyés à la ferraille soit expédiés en Russie[60]. Le premier des 225 Kh-22 est détruit le 6 novembre 2002 dans la base aérienne d'Ozerne[39]. Environ 487 Kh-55 furent détruits, environ 587 envoyés en Russie mais en 2005, la justice ukrainienne révéla qu'en 2001, 12 Kh-55 avaient été vendus au marché noir à l'Iran et 6 à la Chine[61].
Depuis son indépendance en 1991, l'Ukraine ne s'est pas engagée dans des activités concernant les armes biologiques. Bien que certaines installations de recherche ukrainiennes sur la peste ont été historiquement impliquées dans la guerre biologique défensive soviétique, ils étaient principalement responsables des enquêtes épidémiologiques civiles. Cependant, comme avec d'autres instituts soviétiques, elles peuvent avoir fourni les souches virulentes au programme de recherche bactériologiques du ministère de la Défense de l'URSS ou Biopreparat. Ils peuvent aussi avoir développé des vaccins et du matériel de diagnostic pour les agents pathogènes utilisés comme armes par les militaires soviétiques.
Après l'effondrement de l'URSS, les responsables ukrainiens ont déclaré publiquement qu'ils considéraient la prolifération des armes biologiques comme une menace à la sécurité nationale. L'Ukraine n'a pas de programme d'armes biologiques, et a adhéré à la Convention sur l'interdiction des armes biologiques. En vertu d'un accord de coopération sur la réduction de la menace biologique d'août 2005, les États-Unis ont financé pour environ 150 millions de dollars l'amélioration de la sécurité dans les instituts biologiques ukrainiens où des agents pathogènes dangereux sont gardés. Le 15 juin 2010, un nouveau laboratoire de recherche sur les pathogènes de classe 3 est ouvert à Odessa dans le cadre de cet accord. Le laboratoire étudie les agents biologiques tels que la tularémie, la fièvre charbonneuse et la fièvre Q[62],[63].
↑(en) « Estimated Russian (CIS) Nuclear Stockpile », Bulletin of the Atomic Scientists, vol. 50, no 5, (lire en ligne)
↑« Ukraine Votes to Quit Soviet Union : Independence: More than 90% of voters approve historic break with Kremlin. The president-elect calls for collective command of the country’s nuclear arsenal. », Los Angeles Times, (lire en ligne, consulté le )
↑Norris, « The Soviet Nuclear Archipelago », Arms Control Today, Arms Control Association, vol. 22, no 1, january–february 1992, p. 24–31 (JSTOR23624674)
↑House of Commons Hansard Debates for 22 Jun 1993, (lire en ligne)
↑William C. Martel, Pulling Back from the Nuclear Brink: Reducing and Countering Nuclear Threats, Psychology Press, , 88–104 p. (ISBN9780714648569, lire en ligne), « Why Ukraine gave up nuclear weapons : nonproliferation incentives and disincentives » :
« There are some reports that Ukraine had established effective custody, but not operational control, of the cruise missiles and gravity bombs. ... By early 1994 the only barrier to Ukraine's ability to exercise full operational control over the nuclear weapons on missiles and bombers deployed on its soil was its inability to circumvent Russian permissive action links (PALs). »
↑Alexander A. Pikayev, « Post-Soviet Russia and Ukraine: Who can push the Button? », The Nonproliferation Review, vol. 1, no 3, spring–summer 1994, p. 31–46 (DOI10.1080/10736709408436550, lire en ligne [archive du ])
↑(en) Richard A. Falkenrath, Shaping Europe's Military Order : The Origins & Consequences of the CFE Treaty, mit press, 320 p. (ISBN978-0-262-56086-3, présentation en ligne)
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