9 : Lydia Gouardo, son frère et sa sœur et ses six enfants
Jugement
Statut
Affaire jugée : condamnation de sa belle-mère à quatre ans de prison avec sursis pour non-empêchement de crime (son père étant mort avant la révélation des faits)
En 1956, Raymond Gouardo et Jacqueline se marient. Le couple a deux enfants, Bruno et Nadia. En 1962, alors que Raymond Gouardo purge cinq ans de prison pour vol à main armée, elle lui apprend qu'elle est enceinte d'un autre homme. Il reconnaît cependant l'enfant, Lydia, qui naît le à Maisons-Alfort[1] ; elle serait en réalité la fille du père de Raymond Gouardo[2]. À sa sortie de prison, Raymond Gouardo, séparé de sa femme, refait sa vie avec une visiteuse de prison, Lucienne Ulpat. Il apprend que ses enfants ont été abandonnés et placés par la DDASS dans une famille d'accueil. Un soir, il vient les chercher, armé d'un fusil chargé et force la famille à les lui rendre.
Raymond Gouardo, sa nouvelle compagne et les trois enfants vivent dans un appartement dans la cité populaire de Meaux. Les deux parents sont imprimeurs et décident que les enfants n'iront plus à l'école. Raymond Gouardo commence à violer Nadia, puis, à huit ans, Lydia, lui faisant parfois sentir de l'éther avant les viols quotidiens lorsqu'elle se rebelle. Un jour, Lucienne Ulpat fait prendre un bain d'eau bouillante à Lydia qui fait un malaise à cause de la douleur terrible. Puis Lucienne rajoute de l'eau de javel et utilise une brosse pour chien qui arrache la peau fragile de l'enfant qui est brûlée au troisième degré et subit une dizaine de greffes à l'hôpital où elle reste pendant huit mois jusqu'à ce que son père la fasse sortir de force. Raymond Gouardo séquestre ses filles dans leurs chambres et va même jusqu'à violer leur intimité en perçant des trous dans chaque pièce. Parfois, Lucienne Ulpat observe ces viols par l'œilleton.
Raymond Gouardo perçoit la pension d'invalidité consécutive aux brûlures de Lydia et, pour toucher l'invalidité totale, l'oblige à rester en fauteuil roulant. Parfois, Lydia Gouardo souffre tellement de ses brûlures que les voisins portent plainte, si bien que la famille se fait expulser de son logement. En 1975, la famille emménage dans une vieille ferme d’un village de Coulommes, achetée à crédit grâce à la pension d'invalidité. Là, jusqu'en 1999, l'année où il meurt, Raymond Gouardo, imprimeur ambulant, frappe et viole ses enfants. Bruno s'enfuit du domicile familial lorsqu'il a 15 ans, Nadia 18 ans. Le jour où Lydia atteint la majorité, Raymond lui annonce qu'elle a l'âge d'avoir des enfants. Six garçons naissent de 1982 à 1996. Pour être sûr d'obtenir une grossesse, il l'enchaîne à une poutre dans le grenier pendant plusieurs jours[3].
Les faits et l'enquête
Pendant sa séquestration par son père, Lydia fait plusieurs fugues et des appels à l'aide judiciaire. Lors de la deuxième fugue, Raymond l'enferme dans le grenier pendant six mois et la viole avec des ustensiles de cuisine puis avec des outils. Elle serait allée se réfugier à la gendarmerie, à plusieurs reprises. Mais les forces de l'ordre l'auraient livrée de nouveau à son bourreau, « par peur de son père[1] » et ni le système judiciaire, ni l'aide sociale, pas plus que les personnes environnantes de cette famille n'auraient agi[1].
Quatre ans après la mort de son père, la jeune fille intente un procès contre sa belle-mère qui est condamnée pour non-dénonciation de crime et agression sexuelle sur l'un des fils de Lydia. Elle est condamnée à trois ans de prison avec sursis en première instance puis quatre ans de prison avec sursis en seconde instance[4],[5],[6].
À la suite des procès et de l'affaire Fritzl, une indignation médiatique s'abat sur les habitants de Coulommes où habitait la famille et la cité de Meaux où le père travaillait[11].
Léonore Le Caisne, ethnologue au CNRS, a publié un livre sur l'affaire (Un inceste ordinaire. Et pourtant tout le monde savait, Belin, 2014[12]). À partir d'une enquête ethnographique d'une année dans le village de Coulommes et Meaux, la chercheuse a essayé de comprendre pourquoi, alors que tout le monde (habitants et élus) « savait » que Raymond Gouardo « faisait des enfants à sa fille », personne n'a signalé les faits.
Lydia a depuis refait sa vie avec Sylvain Skirlo, avec qui elle a deux enfants[1].
« Violée, battue, torturée pendant vingt-huit ans, Lydia Gouardo a eu six fils de son père, aujourd'hui décédé. Tout le village savait, et aucune autorité, école, médecins ou services sociaux, n'est jamais intervenue. »