Les élections législatives autrichiennes de 2017 (en allemand : Nationalratswahl in Österreich 2017) se sont tenues le et ont pourvu à la désignation des 183 députés de la XXVIe législature du Conseil national pour un mandat de cinq ans.
Ces élections législatives, qui devaient initialement être convoquées en 2018, sont anticipées de quelques mois et prennent place dans un contexte politique inédit pour l'Autriche, moins d'un an après un scrutin présidentiel laborieux à l'issue duquel les partis traditionnels — SPÖ et ÖVP — ont été désavoués par les électeurs.
Le Parti populaire (ÖVP), dirigé par Sebastian Kurz, remporte les élections avec un peu plus de 31 % des voix ; pour la première fois depuis 2002, les conservateurs constituent la première force politique représentée au Conseil national, suivi par le Parti social-démocrate (SPÖ), dirigé par le chancelier fédéral sortant Christian Kern, et le Parti de la liberté (FPÖ), formation d'extrême droite menée par Heinz-Christian Strache. De leur côté, Les Verts subissent une débâcle en recueillant le plus mauvais résultat de leur histoire, ce qui les prive d'une représentation parlementaire pour la prochaine législature.
À l'issue du scrutin, Sebastian Kurz est appelé par le président fédéral Alexander Van der Bellen à former le prochain gouvernement fédéral ; le , Kurz invite officiellement le FPÖ à démarrer des négociations pour la mise en œuvre d'une coalition. Heinz-Christian Strache accepte le jour même et les négociations commencent le lendemain. D'une durée habituelle d'environ deux mois, elles aboutissent à la formation du gouvernement Kurz I le .
Michael Spindelegger, vice-chancelier, ministre fédéral des Finances et président du Parti populaire autrichien, démissionne en 2014. Reinhold Mitterlehner lui succède à la tête de l'ÖVP et à la vice-chancellerie.
En a lieu l'élection présidentielle. Les candidats des partis au gouvernement sont largement battus, Rudolf Hundstorfer candidat du Parti social-démocrate d'Autriche obtient 11,28 % et Andreas Khol du Parti populaire autrichien obtient 11,12 %. Les deux réunis, ils ne rassemblent que 22,40 % des suffrages, ce qui constitue le pire score historique à une présidentielle pour eux. À l'inverse, le candidat FPÖ Norbert Hofer réalise une percée historique en totalisant 35,05 %. Alexander Van der Bellen, soutenu par les Grünen, se qualifie pour le second tour en obtenant 21,34 % des voix.
Avant le second tour, Werner Faymann, chancelier fédéral et président fédéral du Parti social-démocrate d'Autriche (SPÖ) depuis , démissionne. Il est alors remplacé, par Christian Kern, président de la compagnie publique des chemins de fer (ÖBB).
Au second tour, Alexander Van der Bellen bat de peu Norbert Hofer avec 50,35 % des suffrages, soit 30 000 voix d'avance. Le scrutin est invalidé pour irrégularités. Lors d'un nouveau second tour, Van der Bellen est élu avec 53,79 %. Il est alors le second chef d'État écologiste en Europe, le premier écologiste élu à une telle fonction au suffrage universel, et le premier président fédéral autrichien qui n'est pas issu des deux grands partis depuis .
Le , Mitterlehner annonce qu'il démissionne de la présidence de l'ÖVP et du gouvernement fédéral. Sebastian Kurz, jeune ministre fédéral des Affaires étrangères connu pour ses positions très conservatrices, prend sa succession. Il négocie alors avec Kern la tenue de nouvelles élections législatives, convoquées le [1], soit avec un an d'avance. Il crée une Liste Sebastian Kurz - Le Nouveau Parti populaire (en allemand : Liste Sebastian Kurz – Die Neue Volkspartei).
Eva Glawischnig-Piesczek annonce le qu'elle démissionne de la présidence des Verts pour raisons familiales. Elle est remplacée par Ingrid Felipe mais c'est la députée européenne Ulrike Lunacek qui sera la candidate à la chancellerie pour les Verts.
Le , les sociaux-démocrates abandonnent l'interdiction de former une coalition avec l'extrême droite. Cette interdiction existait depuis 30 ans. Le parti présente une « boussole des valeurs » qui sont des exigences demandées par le parti à ces partenaires au gouvernement. Ces exigences sont le salaire minimum à 1 500 € par mois, une politique pro-européenne, l'égalité entre les deux sexes et le respect des droits de l'homme.
Le , Team Stronach annonce qu'il ne disputera pas les élections car Frank Stronach souhaite quitter la vie politique.
Le , Irmgard Griss, qui était candidate à l'élection présidentielle de 2016 se joint à NEOS. Elle n'est pas membre du parti mais elle est la deuxième sur la liste après le chef du parti, Matthias Strolz. Les délégués du parti réunis à Vienne approuvent.
Le , le député écologiste Peter Pilz quitte le groupe écologiste du conseil national. Le , la majorité des délégués des Verts avaient refusé de le placer sur la liste écologiste. Le , il annonce en conférence de presse qu'il crée sa propre liste, la Liste Peter Pilz.
La campagne législative se déroule alors que l'Autriche est économiquement prospère et que l'immigration est un sujet majeur[2].
Mode de scrutin
L'Autriche est une république semi-présidentielle dotée d'un parlement bicaméral. Sa chambre basse, le Conseil national, ou Nationalrat, est composée de 183 sièges dont les députés sont élus pour cinq ans selon un mode de scrutin proportionnel de listes bloquées dans neuf circonscriptions correspondant aux landers autrichiens, à raison de 7 à 36 sièges par circonscription selon leur population. Ces neuf circonscriptions sont elles-mêmes subdivisées en un total de 43 circonscriptions régionales. Le seuil minimum de voix exigé d'un parti pour obtenir une représentation au parlement est fixé à 4 % ou un siège d'une circonscription régionale.
La clé de répartition proportionnelle se fait à la méthode de Hare au niveau régional puis d'Hondt au niveau fédéral. Bien que les listes soit bloquées, interdisant l'ajout de noms n'y figurant pas, les électeurs ont la possibilité d'exprimer une préférence pour un maximum de trois candidats, permettant à ces derniers d'être placés en tête de liste pour peu qu'ils totalisent un minimum de 14 %, 10 % ou 7 % des voix respectivement au niveau régional, des Landers, et fédéral.
Le vote, non obligatoire, est possible à partir de l'âge de seize ans[3].
Moyennes des sondages. Les cercles à l'extrémité droite représentent les résultats réellement obtenus lors de l'élection.
Campagne électorale
La campagne est marquée par la nette hausse dans l'opinion du Parti populaire autrichien (ÖVP) mené par le ministre des Affaires étrangères Sebastian Kurz. Celui ci devient le grand favori pour le poste de Chancelier fédéral, ce qui à 31 ans ferait de lui la plus jeune personne à occuper cette fonction. Kurz effectue des changements d'ordre d'image, en abandonnant le noir pour le turquoise et en parlant de « mouvement » au lieu de « parti », et axe son programme sur une fermeté en matière d'immigration et des questions identitaires.
L'immigration étant en train, selon lui de « changer le pays de manière plus négative que positive », il estime qu'il faut « protéger notre système social [...] sur le long terme. Pour y parvenir, nous devons le préserver d'une montée de l'immigration ». Ayant par le passé exprimé son soutien au mur construit par la Hongrie à sa frontière pour mettre un terme au flux migratoire traversant le pays, il promet de réduire les aides aux réfugiés à 560 euros, soit la moitié du seuil de pauvreté autrichien, et propose également de fermer les jardins d'enfant musulmans[8],[9].
Ce tournant amène le Parti de la liberté (FPÖ) à accuser Kurz de plagier son programme. Le FPÖ axe sa campagne sur ses fondements : le rejet de l'immigration et de l'islam, qui n'aurait « pas sa place en Autriche ». Son dirigeant Heinz-Christian Strache affirme « Nous ne voulons pas d'islamisation de notre patrie (...) nous ne voulons pas devenir une minorité dans notre propre pays » et plaide pour un rapprochement avec le Groupe de Visegrád[8],[9].
La campagne du Parti social-démocrate d'Autriche (SPÖ) peine face à la montée de la droite. Un scandale impliquant un conseiller proche du chancelier Christian Kern (SPÖ) et accusé d'avoir mis en place des sites Internet destinés à dénigrer Sebastian Kurz et à propager des commentaires xénophobes et antisémites porte un coup dur aux sociaux-démocrates[8],[9].
Le parti Les Verts - L'Alternative verte (Grünen) est sévèrement affaibli par la mise en place d'une liste dissidente, dite Liste Peter Pilz (PILZ), par le candidat écologiste éponyme à la suite d'un conflit ouvert sur la politique du mouvement ayant conduit à son exclusion par Grünen de la quatrième place qu'il occupait sur la liste des candidats du parti. La formation politique est également affaiblie par la dissidence de sa section Jeunesse qui s'allie avec le Parti communiste pour former une liste indépendante, dite KPÖ Plus (KPÖ+).
Le Parti populaire et les sociaux-démocrates ayant exprimé leur souhait de ne pas reconduire leur coalition gouvernementale au pouvoir depuis dix ans, le FPÖ se retrouve au cours de la campagne en situation de faiseur de roi. Si une alliance entre droites est jugée probable, une coalition entre le SPÖ et le FPÖ n'est pour autant pas exclue. Une telle coalition avait déjà eu lieu en 1983 et 1986, quand le FPÖ était un parti libéral et pro-européen. Heinz-Christian Strache se refuse ainsi à exprimer une préférence entre l'un ou l'autre parti au cours de la campagne, se contentant de poser ses conditions : tout futur gouvernement devant laisser au FPÖ les ministères des Affaires étrangères et de l'Intérieur, et reprendre sa proposition de recourir à des référendums calqués sur le système des votations suisses[8],[9].
Résultats
National
Les résultats préliminaires, qui ne prennent pas en compte les électeurs ayant voté de manière anticipée par voie postale, et dont le nombre avoisine alors les 900 000, donnent le FPÖ à la seconde place en nombre de voix, et à égalité avec le SPÖ en nombre de sièges avec 52 candidats élus. Les résultats officiels, pré-votes compris, sont rendus publics le . Ils font finalement du SPÖ le second parti en nombre de voix, tandis qu'un siège initialement attribué au FPÖ revient à NEOS.
Résultats des législatives autrichiennes de 2017[10]
Le parlement nouvellement élu prend ses fonctions le . Le , après la publication des résultats officiels, le président fédéral, Alexander Van der Bellen, charge Sebastian Kurz de former un gouvernement[11].
Celui-ci précise immédiatement qu'il engagera des négociations ouvertes avec l'ensemble des partis représentés au Conseil national, alors qu'une alliance entre l'ÖVP et le FPÖ était jugée hautement probable par les acteurs et les observateurs de l'échiquier politique autrichien. Deux jours plus tard, il s'entretient avec chacun des chefs de partis, dont en dernier le chancelier Christian Kern. Celui-ci annonce peu après que le SPÖ va se préparer à entrer dans l'opposition.
Le , Sebastian Kurz invite officiellement le FPÖ à démarrer des négociations pour la mise en œuvre d'une coalition. Heinz-Christian Strache accepte le jour même et les négociations commencent le lendemain. D'une durée habituelle d'environ deux mois, elles devraient aboutir à la formation d'un gouvernement avant Noël, selon Kurz[12]. Le , les négociations aboutissent à la formation d'un gouvernement de coalition entre l'ÖVP et le FPÖ[12].
Analyse post-électorale
Analyse sociologique
Résultats des analyses des instituts SORA et ISA[13]