Édouard de Max, de son nom d'acteur de Max, né Eduard Alexandru Max le à Iași en Moldavie et mort le à Paris 9e[1], est un acteur de théâtre et de cinéma français d'origine roumaine.
En juillet 1891, après les concours d'usage qui le consacrent comme tragédien[3], il est engagé pour jouer Néron dans Britannicus au théâtre de l'Odéon[4].
Il est identifié dès ses débuts comme un interprète atypique[5] dont le style emprunte à Mounet-Sully et qui divise la critique: sensationnel pour les uns, il est insupportable aux autres[6].
Original en tout point - il porte des tenues extravagantes, affiche ouvertement son homosexualité, arrête un Britannicus d'un « - Une minute, laissez asseoir les nouveaux riches »[7] et joue Prométhée nu de sa seule initiative aux arènes de Béziers[8] -, de Max devient un véritable phénomène médiatique[9], construit par une certaine presse qui s'offusque un jour et s'amuse un autre du singulier du personnage[10],[11].
De Max travaille un jeu de scène très personnel où la gestuelle et les intonations de la voix sont particulièrement présentes, et il développe une psalmodie très personnelle, à égale distance de la diction et du chant, qu'il appelle la troisième manière de vocaliser. Il lui est souvent reproché de se démarquer dans les mises en scène.
Il joue dès ses débuts de nombreuses pièces en compagnie de Lucien Guitry et de Sarah Bernhardt[12]« La Patronne » qu'il rencontre en 1892 et avec laquelle il n'aura de cesse de jouer et de tourner parfois à l'étranger. Elle l'intègre à la troupe du Théâtre de la Renaissance dont elle prend la direction en 1893 et elle le conviera plus tard à rejoindre celle des permanents du Théâtre des Nations qu'elle acquiert en 1899. De Max partage avec Sarah Bernhardt une manière de jouer faite d'exagérations, « le souci des attitudes, la science des gestes, l'art de se draper », etc. Excessivement maniéré et taxé de féminin, ce jeu, pourtant très similaire à celui de Sarah Bernhardt, lui est reproché plus souvent qu'à elle. À ce sujet, son apostrophe à Sarah Bernhardt« Madame, je suis autant femme que vous! » a fait le tour du monde[13].
Leur relation est à leur image, extravagante: en avril 1904, n'obtenant pas d'explication de la part de Sarah Bernhardt sur la primeur qui est donnée à Guillaume Guy sur l'affiche du spectacle Varennes en préparation alors que celui-ci n'est engagé que pour l'occasion, de Max abandonne soudainement les répétitions[14]. Un contentieux financier les opposera un temps[15].
« Ils se boudèrent tous deux raconte-t-on, pendant un moment. Un soir, la grande Sarah, magnifique, venait de donner. au public une impression d'art. inoubliable. De Max était dans la salle. Dès la représentation terminée, tremblant d'enthousiasme et d'émotion, lui qui peut-être fut aussi grand qu'elle, il se jeta. à ses pieds et s'écria : « Je vous demande pardon, Madame. »
— Stéphane Manier, journaliste et homme de lettres, (1896-1943) , Paris-Soir - 30 octobre 1924 – La mort de de Max
En 1908, lors du procès qui l'oppose au dramaturge Henry Bataille à qui elle avait passé commande d'une adaptation de Faust pour son théâtre, Sarah Bernhardt prétexte que de Max, initialement prévu pour le rôle principal, est un personnage trop narcissique.
« Il y a vingt ans que Mme Sarah Bernhardt se refuse à accepter cette vérité astronomique qu'une étoile ne peut
briller au firmament que par comparaison avec d'autres constellations et en surmontant leur éclat… Elle voudrait être seule
à briller dans un ciel dévasté. »
— Henry Bataille par la voix de M. Chenu, avocat, 13 mai 1909
Leurs brouilles, fréquentes, ne portent pas pour autant atteinte à leur collaboration qui dure jusqu'en 1911.
Il est un acteur de la première heure du cinéma français encore relativement décrié avant-guerre.
En 1908, il découvre le jeune Jean Cocteau et, fasciné par son style, le fait connaître du tout Paris au cours d'une matinée poétique qu'il organise au théâtre Femina[16],[17] avec le premier récital des poésies de l'auteur[18],[19]
En 1911, il est proche du jeune écrivain et futur instigateur de la Première avant-garde du cinéma français Louis Delluc, qui écrit sa biographie Chez de Max en 1918, et plusieurs articles élogieux à son égard [20]. Celui-ci lui confie ses premiers textes[21] et les deux hommes travaillent ensemble à l'époque à la finalisation des projets théâtraux de Delluc[22],[23].
De Max est engagé en 1915 à la Comédie-Française pour la durée de la guerre et se voit confier quelques rôles importants[24]. L'idée qu'il puisse un jour devenir sociétaire de la prestigieuse institution suscite chez certains une forte indignation: la presse rend publiques ses origines Roumaines et une confession juive sur lesquelles de Max était resté discret jusque là[25] et « l'affaire » implique jusqu'au gouvernement[26]. La polémique sur les origines roumaines de de Max est ridiculisée par la presse[27] et en réaction à celle-ci, ce dernier s'engage dans la légion étrangère et est affecté auprès de l'état-major de l'Armée d'Orient en Salonique en qualité d'interprète[28].
Sous la pression et par crainte du ridicule, la Comédie Française se résout, malgré elle[29] et désavouée par une partie de la presse[30], à nommer de Max sociétaire le 3 octobre 1916à part entière avec prise d'effet immédiatement à la fin du conflit[31]. De retour du conflit en 1917, il devient le 355esociétaire de la Comédie-Française en 1918.
Conscient de l'engouement qu'il suscite auprès du public, de Max n'hésite pas à faire valoir ses prétentions financières à la hausse.
De Max met sa notoriété au service de nombreux projets de jeunes auteurs et s'implique également beaucoup pour la Roumanie, son pays d'origine.
La lecture de ses rares écrits et de ceux de ses amis et journalistes témoignent d'un de Max d'une grande générosité et soucieux des autres, cultivé à l'extrême et particulièrement raffiné.
On ignore comment Édouard de Max fit la connaissance de Pierre de Massot, son cadet de 31 ans, mais une tendre affection liera les deux hommes.
De Max s'éteint le entouré de nombreux proches à son domicile parisien du no 66 rue de Caumartin (9e arrondissement) à l'âge de 55 ans, victime d'une congestion pulmonaire. Une plaque commémorative lui rend depuis hommage.
Sa mort fait les Grands titres de la presse française et l'hommage au géant du théâtre qu'il était est unanime[32].
Il est enterré à Paris au cimetière du Montparnasse (12e division) à la suite d'une cérémonie où abondent les curieux et où il ne veut « Ni fleurs, ni couronnes », et au sujet de laquelle il ajoute « …, et pas de discours, laissez-moi partir tranquille. »
Une plaque apposée sur l'immeuble où il vécut rappelle son souvenir.
1898 : Satan dans Les Mystères d'Adam, farce du XIIe Siècle adaptée par Pascal de Lannoy, mai, place de la Sorbonne au Quartier Latin lors de La Fête des Fous et de l'Âne
« C'est l'artiste déconcertant, jamais égal, toujours curieux, dont les conceptions étonnent et irritent les pontifes sucrés de la critique; le grand enfant intraitable dont un caprice a failli dix fois briser la carrière; l'esprit ombrageux, entier et irréductible que révolte l'apparence même d'un joug » — Georges Champenois, Revue d'art dramatique.
« Mes amis sont partis tous mes amis sont morts
Edouard Edouard toi que j'ai tant aimé
Toi sur le cœur de qui j'ai dormi tant de soirs
Toi à cause de qui je meurs de vivre et de t'attendre. »
« C'est à mon ami bien-aimé Edouard de Max, l'illustre tragédien roumain, que je pense spécialement. L'ayant vu mourir en octobre 1924, et lors du dernier soupir, tourner son visage du côté du mur pour cacher son agonie de ceux qui l'entouraient, je n'oublierai jamais l'expression de son regard et l'impression que j'en rapportai. » — Pierre de Massot, Prolégomènes à une éthique sans métaphysique, p. 65[38]
Portraits et caricatures
D. de Losques : Édouard dans Nabuchodonosor, Le Roi
Il a inspiré le personnage du Monsieur aux chrysanthèmes qui eut un franc succès et une bonne critique en 1908.
Hector Fleischmann, De Max : Etude Critique par Hector Fleischmann, Aux Chandelles par Raon-L'Etape (Vosges), L.Geisler, 1904, 20 p.
Louis Delluc, Chez de Max, Paris, L'Edition, 1918, 282 p.
Louis Delluc, La Princesse qui ne sourit plus, précédée de Chansons de route d'un qui n'est pas parti, Marche funèbre des Hohenzollern, Le Porc-épic, Prière aux aviateurs, Poèmes écrits pour M. Edouard de Max de la Comédie-Française et interprétés par lui, Paris, L'Edition, 1918, 54 p.
Maurice Magre, De Max, célébrité de la scène française, Paris, Editions Sansot, 1926, 35 p.
Robert Kemp, « Notes sur de Max », in L'Illustre Théâtre, 2ème année, n° 5, hiver 1955-1956.
Jeanne Sully, Un Prince de la tragédie : Edouard de Max, Paris, In Les Annales (Revue mensuelle des lettres françaises), n°171, Janvier 1965, 14 p.
Claudette Joannis, Edouard de Max, Gloire et décadence d'un prince de la scène française, Paris, Cohen & Cohen éditeurs, Collection Saint-Germain-des-Prés inédit, 2020, 184 p.
↑Les articles de presse qui traitent de la vie privée de l'artiste ou qui moquent son aspect physique et ses attitudes se comptent par centaines de 1891 à 1924 (Retronews)
↑Dans son livre, L'inconcevable Jean Cocteau, Éditions du Rocher, 1993, page 145 (ISBN978-2-268-01425-8), Jean Marais écrit que de Max fit un triomphe au théâtre Fémina lorsqu'il lut les vers du jeune Cocteau, âgé seulement de dix-huit ans, en 1908.
↑ La polémique tardive autour de la paternité de ce film incorrectement attribuée à Albert Capellani provient semble-t-il d'une erreur d'interprétation d'un journaliste cinématographique à l'occasion des obsèques de Pierre Decourcelle en page 5 du Chanteclerc artistique et littéraire du 6 novembre 1926. Albert Capellani, s'il collabore de longue date avec Michel Carré, n'est, contrairement à ce dernier, cité nulle part au sujet du film dans la presse à la sortie du film en 1910 ni dans les 10 années qui suivent.« Le Progrès de la Côte-d'Or, 27 novembre 1910 - page 2 - colonne 6 - Spectacles - Programmes - Cinéma Pathé - Hawkins et ses chiens dressés ... », sur Retronews