Trésor ecclésiastique de Lima

Le trésor ecclésiastique de Lima est un trésor amassé par l'église pendant l'occupation de Lima par l'Empire espagnol[1]. Lors de la guerre d'indépendance du Pérou[1], le trésor fut le 19 août 1821 mis à l'abri par les autorités de Lima, comme le raconte dans ses mémoires l'amiral anglais Thomas Cochrane[2], afin de l'évacuer, puis perdu ou volé par le marin chargé de l'évacuer[1], ce qui a donné lieu depuis à une chasse au trésor[1].

Histoire

Les événements de 1820-1822

Contexte général

Après avoir vaincu au XVIe siècle l'Incas, l'Empire espagnol contrôlait depuis trois siècles l'ensemble Pérou-Bolivie et les riches mines d'argent de Potosi, à partir de Lima où était installé le vice-roi des Indes, José de la Serna (1770-1832). Au cours des siècles, l'Église catholique y rassembla un énorme trésor, sous forme de pierres et métaux précieux fondus dans du mobilier ecclésisatique. Selon un inventaire repris par les archéologues[3], ce « trésor de Lima » comptait 113 statues religieuses en or, dont des statues de Marie tenant l'enfant Jésus, 200 couronnes de joaillerie, 273 épées incrustées de pierre, environ un millier de diamants et couronnes en or, 150 calices et des centaines de barres d'or et d'argent[4]. Le trésor dans son ensemble a été évalué entre 12 millions et 60 millions de dollars[5].

Mais au début du XIXe siècle, l'Empire espagnol vit ses premières graves difficultés avec ses colonies en raison des guerres d'indépendance en Amérique du Sud, qui entraineront sa dislocation dans les années 1820 sous la pression du révolutionnaire Simón Bolívar père des indépendances nationale du continent sud-américain.

Bolivar recrute le Français Gabriel Lafond de Lurcy comme lieutenant à bord du Santa Rita (1821), effectuant la jonction avec l'amiral anglais Thomas Cochrane, ex-éminence de la Royal Navy.

La pression militaire contre Lima

Lima subit alors une forte pression militaire avant d'être finalement évacuée. Avant même l'évacuation, le vice-roi de Lima avait décidé de transporter hors de la ville les fabuleuses richesses du trésor. Cet épisode sera raconté en 1860 dans les mémoires de l'amiral anglais Thomas Cochrane[2],[6].

L'été 1821 voit ensuite l'arrivée massive de navires de commerces anglais et disparition du trésor ecclésiastique de Lima[4] que le vice-roi José de la Serna confie au capitaine William Thompson, face à l'avancée de la flotte de Thomas Cochrane. L'anglais William Thompson, originaire de Terre-neuve, avait fait partie dans les années 1810 des 17 marins qui ont survécu à la mutinerie contre le corsaire anglais Bennet Graham, qui avait amené ce dernier à débarquer une partie de son équipage sur les côtes[7]. Le 28 juillet 1821, José de San Martín s'empare de Lima et déclare l'indépendance du Pérou et à l'automne 1821 les défaillances dans la solde et l'alimentation génèrent des désertions en masse de marins étrangers au service du Pérou à Lima et Callao, générant de gros problèmes de discipline [8]. Les négociants espagnols se plaignent à Thomas Cochrane des saisies de navires [8]. Le 22 octobre 1821, William Thompson, commandant de la "Mary Dear" reçoit de la couronne espagnole[9] la mission de transporter le trésor vers Mexico[9]. Il était accompagné de six gardes armés et d'ecclésiastiques espagnols[3].

Piraterie à bord de la "Mary Dear"

Thompson et son équipage ne purent résister à la tentation ; après avoir tranché la gorge des gardes et des prêtres[1], ils jetèrent leurs corps à la mer[4],[10].

D'autres actes de piraterie sont alors constatés. Le capitaine Robert Simpson commande le navire "Araucano", dont l'équipage se mutine et attaque la ville de Loreto[Laquelle ?], où Simpson est abandonné et les églises espagnoles pillées avant de fuir à Honolulu, sur Hawaï, puis Huahine, dans les îles de la Société[11]

Thompson se dirigea vers l'île Cocos[réf. nécessaire], à 350 miles au large de la côte de l'actuelle Costa Rica[4], où lui et ses hommes auraient enterré le trésor, puis décidé de se séparer et de faire profil bas jusqu'à ce que la situation se soit calmée, pour plus tard se répartir le butin. Ils brûlèrent la Mary Dear et regagnèrent l'île sur des canots de sauvetage.

La réaction espagnole

Cependant, les pirates improvisés ne purent échapper à un procès pour piraterie, car les corps de certains des prêtres égorgés furent retrouvés. Thompson et son second furent condamnés à être pendus. Pour sauver leur vie, ils acceptèrent de guider les Espagnols vers le trésor volé. Une fois sur l'île Cocos, ils réussirent à s'échapper dans la jungle, où ils passèrent six mois. Thomson retourna par la suite à Terre-Neuve avec l'aide d'un baleinier où il vécut jusqu'à sa mort.

Il confia, peu avant sa mort, son histoire et une carte du trésor à l'aventurier canadien John Keating[3]. Celui-ci réunit associés et capitaux pour fouiller l’île, où il fut victime d’une mutinerie et dut s’enfuir à la hâte, à bord d’une chaloupe, puis mourut avant d’avoir pu organiser une seconde expédition[3].

La chasse au Trésor

L'île Cocos du Costa Rica

Les chasseurs de trésors du monde entier ont entrepris plus de 500 expéditions entre 1846 et 1997 à la recherche du Trésor ecclésiastique de Lima[4], essentiellement sur l'île Cocos, à 350 miles à l'ouest du Costa Rica, d'une superficie de 24 km2[9]. Le trésor n'a jamais été retrouvé sur cette île[9], très pluvieuse, infestée de rats, dont le sol a été troué de toutes parts[9].

Les rivières et les cascades de l'île recèlent de nombreuses grottes cachées, selon les scientifiques et celle où William Thompson aurait mis à l’abri le trésor a probablement vu son accès bouché par un glissement de terrain, selon l'archéologue Shaun Whitehead[3].

L'un des chasseurs de trésors les plus notables a été l'Allemand August Gissler, qui a vécu sur l'île de 1889 à 1908[9] puis perdu sa femme[9]. Un autre a été le gangster américain Bugsy Siegel[réf. nécessaire]. La légende du trésor sur l'île Cocos attire des dizaines de chasseurs de trésor chaque année[12],[9].

L'ex-île Cocos de Polynésie

Dans un livre paru en allemand en 2005, traduit en français en 2017 avec des ajouts[13], l'écrivain franco-suisse Alex Capus a soutenu la thèse voulant que le trésor de Lima n'ait pas été dissimulé par ses voleurs sur l’île Cocos, mais sur Tafahi, une petite île de Polynésie aux dimensions quasi-similaires[13], elle aussi issue d'un strato-volcan, dans l'archipel des Tonga, à moins de 24 heures en pirogue du lieu de l’archipel des Samoa où le romancier écossais Robert Louis Stevenson a passé les quatre dernières années de sa vie[13], avant de décéder en 1893 à 44 ans seulement[13].

Selon lui, Robert Louis Stevenson a découvert que cette île était appelée île Cocos sur les anciennes cartes navales[3], et qu'avec les courants marins, il était tout à fait possible que le navire de William Thomson, en prenant la fuite depuis le Pérou, se soit échoué dans les environs[13]. Pour Alex Capus, Stevenson a passé la fin de sa vie à y chercher le trésor[3] et l'a peut-être trouvé, ce qui expliquerait son choix d'y investir tout son patrimoine[13], dont la valeur a fortement augmenté à cette période[13], ses héritiers se chargeant ensuite de continuer à recycler, peu à peu et discrètement, les biens ecclésiastiques découverts à Tafahi[13].

Chronologie

Culture

L'exposition artistique des années 2010

Trésor de Lima : une exposition enterrée est un projet d'art organisé par Nadim Samman pour le musée Thyssen-Bornemisza et commandé par Francesca Thyssen-Bornemisza[39], qui a réuni des biologistes marins, des collectionneurs, et des marins pour s'engager sur les questions de conservation de la nature, tout en explorant l'histoire de la piraterie sur l'Île Cocos. Des artistes de renom ont été mobilisés pour une exposition ; leurs œuvres ont été enfermées dans un coffre, conçu par les architectes Aranda / Lasch[40], puis enterrées dans un lieu secret sur l'île Cocos en . Les coordonnées GPS cryptées du lieu d'exposition ont été placées à l'intérieur d'une deuxième version du coffre et vendues aux enchères le pour amasser des fonds pour une recherche sur les requins et la conservation de la nature à l'Île Cocos.

Sources

  • "A la caza del gran tesoro pirata" par Tommaso Koch, à Madrid le 24 août 2012 dans El País[9].
  • "Peru and the british naval station (1808-1839)" par Jorge Ortiz-Sotelo. Thèse de doctorat à l'Université de St Andrews [8].
  • "Autobiography of a Seaman" II, Volume 2, Editions Richard Bentley, autobiographie de l'amiral anglais Thomas Cochrane, comte de Dundonald, première publication en 1860, Volume 1 [2].
  • registres maritimes du Lloyds consultés par l'historien Jack Fitzgerald[23], utilisé pour son article "From Newfoundland to Treasure Island" dans le quotidien The Telegram[23].
  • "L'écrivain Alex Capus part sur les traces de Robert Stevenson" par la Radio télévision suisse le 22 mai 2017[41].
  • "Stevenson, l'homme au trésor", par Philippe Chevilley, dans Les Echos le 30 juin 2017[27].
  • "La véritable et étonnante histoire de «L’Ile au trésor»" par Lisbeth Koutchoumoff Arman, dans le quotidien suisse Le Temps 26 mai 2017 [42].
  • "Voyageur sous les étoiles" par Alex Capus aux Éditions Actes Sud en 2017[13].

Notes et références

Notes

  1. Toutes proportions gardées, cela équivaudrait en 2010 à une somme aux alentours de trois millions d'euros.

Références

  1. a b c d et e "The True Story That Inspired Pirates Of The Caribbean" par Absolute History, avril 2022 [1]
  2. a b c d et e "Autobiography of a Seaman" II, Volume 2, Editions Richard Bentley, par l'amiral anglais Thomas Cochrane, comte de Dundonald, première publication en 1860, Volume 1 [2]
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r et s Costa Rica : L'île au trésor va enfin livrer ses secrets, par Renaud Malok, dans Le Matin du 10 août 2012 [3]
  4. a b c d e et f Jasper Copping, dans le Daily Telegraph du 5 août 2012 [4]
  5. « Legends and Lore (Part 2) », PBS.org (consulté le )
  6. a et b « Aujourd’hui, les Espagnols ont soulagé et renforcé la forteresse de Callao et sont repartis calmement avec de l’argent et des assiettes à hauteur de plusieurs millions de dollars — en fait, toute la richesse de Lima — qui, comme on l’a dit, a été déposée dans le fort pour des raisons de sécurité. »
  7. a b c et d Article du journaliste et écrivain de Chicago Walter Noble Burns, (W.G. Chapman copyright), dans le Moffat County Courier, publié le 17 décembre 1911 dans le Comté de Moffat du Colorado, édition reliée [5]
  8. a b c d e f g h i j k l m n o et p "Peru and the british naval station (1808-1839)" par Jorge Ortiz-Sotelo. Thèse de doctorat à l'Université de St Andrews [6]
  9. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s et t "A la caza del gran tesoro pirata" par Tommaso Koch, à Madrid le 24 août 2012 dans El País [7]
  10. Joe MacInnis, Underwater Man, New York, Dodd, Mead and Company, (ISBN 0-396-07142-2, LCCN 75-680), p. 28
  11. "Quinze ans de Voyages autour du Monde" par Gabriel Lafond de Lurcy, publié en 1851
  12. (en) « Briton given permission to look for legendary treasure of Lima », The Daily Telegraph,‎ (lire en ligne)
  13. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Alex Capus, Voyageur sous les étoiles, Éditions Actes Sud,
  14. Dictionnaire de biographie nationale d' Oxford
  15. "The lure of pirate treasure" par Alan Hassell, 1998
  16. "Verborgenen Schätzen auf der Spur" par Reinhold Ostler, Editions Pietsch Verlag, Stuttgart 2001
  17. Georg Bremer, Les secrets de l'île Cocos: des aventuriers à la recherche des plus grands trésors de pirates du monde sur la véritable île au trésor de Stevenson, (ISBN 978-3837096552, lire en ligne), p. 137.
  18. ""The Life that Jack Built: Secrets of a School Teacher" par John Butler, Pneuma Springs Publishing novembre 2013 [8]
  19. a b c et d "Profession : inventeur de trésors", par Michel Bagnaud [9]
  20. a b et c Livre de Robert Vergnes [10]
  21. a b c d e f g h i et j "Historian John Fitzgerald weighs in on grave mystery" par l'historien Jack Fitzgerald dans The Telegram du 24 août 2013 [11]
  22. a b c et d "Newfoundland most intriguing corner" par l'historien Jack Fitzgerald dans The Telegram du 16 août 2014
  23. a b c d e f g h i j k l m n o p et q "From Newfoundland to Treasure Island", par l'historien Jack Fitzgerald dans le quotidien The Telegram du 11 décembre 2017 [12]
  24. "The Great Treasure Hunts", par Rupert Furneaux, en 1969, cité par par l'historien Jack Fitzgerald dans ((en)) The Telegram du 24 août 2013 [13]
  25. "Our Search for the Missing Millions of Cocos Island: Being an Account of a Curious Cruise and a More Than Curious Character" par John Chetwood" aux Editions South Sea Bubble Company, en 1904
  26. [14]
  27. a b c et d "Stevenson, l'homme au trésor", par Philippe Chevilley, dans Les Echos le 30 juin 2017 [15]
  28. "The Lost Treasure of Cocos Island " par Ralph Hancock, Julian A. Weston aux Editions T . Nelson en 1960
  29. a b c d et e "Ships and Sailors, Tales of the Sea" par Stanley Rogers (1928) réédité en 1935 avec le chapitre 2 Golden Isles
  30. a et b "The Book of Buried Treasure: Story Pirates" par Ralph Delahaye Paine 2015
  31. Article du journaliste et écrivain de Chicago Walter Noble Burns, (W.G. Chapman copyright), dans le Moffat County Courier, publié le 17 décembre 1911 dans le Comté de Moffat du Colorado, édition reliée [16]
  32. a b c et d "Treasure For The Taking" par P. E. CLEATOR, 1960 [17]
  33. "On the track of a treasure; the story of an adventurous expedition to the Pacific island of Cocos in search of treasure of untold value hidden by pirates" De Montmorency, Hervey, 1868-1942, chez l"éditeur Hurst and Blackett, 1904 [18]
  34. Revue Historia de 1954, édition reliée, page 373
  35. Carl Nolte, « The Great Quake: 1906-2006. Days before the disaster », San Francisco Chronicle, 4 septembre 2006.
  36. a et b Les Trésors Perdus de France et d'Ailleurs, 2015 [19]
  37. Dig for Pirate Treasure, by Robert I. Nesmith (New York: 1958). Chapter 11 "Loot from Lima"
  38. Sunken treasure books. A Bibliography of 1200 Non-Fiction Sunken Treasure & Underwater Archaeology Books", édition actualisée en 2017 [20]
  39. « Sur Isla del Coco, l'art de la chasse au trésor », sur Le Monde,
  40. (en) « Treasure Chest », sur Aranda / Lasch
  41. "L'écrivain Alex Capus part sur les traces de Robert Stevenson" par la Radio télévision suisse le 22 mai 2017 [21]
  42. "La véritable et étonnante histoire de «L’Ile au trésor»" par Lisbeth Koutchoumoff Arman, dans le quotidien suisse Le Temps

Voir aussi

Articles connexes