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Le socle commun des valeurs kanak et les principes fondamentaux des droits autochtones coutumiers sont un ensemble de normes et images sociales ou culturelles définies et compilées par les autorités coutumières de Nouvelle-Calédonie (représentées par le Sénat coutumier) dans les années 2010 pour servir de fondement à l'identité et au droit kanak[1].
Dans le cadre des réflexions et des réformes juridiques menées en Nouvelle-Calédonie pour accompagner le droit civil effectué le 1er juillet 2013 et dans la perspective de la sortie du dispositif institutionnel prévu par l'Accord de Nouméa, le Sénat coutumier, comme l'a souligné Christine Demmer, « s'est emparé de la question des modalités d'incorporation d'un ordre juridique kanak dans l'ordre juridique étatique. Pour ce faire, il se donne pour mission de recenser les valeurs et normes kanak[1] ».
Le Sénat coutumier a engagé en 2012[2] une vaste réflexion sur la définition du socle commun des valeurs kanak et des principes fondamentaux des droits autochtones kanak. Il reçoit officiellement dans cette démarche le mandat du Congrès de la Nouvelle-Calédonie par la délibération-cadre n°02/2013/SC du 30 avril 2013 pour établir ce socle[1]. Des États généraux ont ainsi été organisés en plusieurs ateliers concernant « le droit civil coutumier », « les terres et ressources » et « l'organisation sociale et l'ordre public coutumier »[1]. La brochure de synthèse finale présente une liste, en 60 points, du SCVK qui suit, (dans son intégralité). Elle a été publiée en décembre 2013[3], mais n'est plus accessible. Le document vaut également pour les problématiques contemporaines et les annexes (non reprises ici), avec schémas et tableaux.
Le SCVK version 2013 est un état de cette réflexion. Il se présente ou s'analyse en trois domaines :
Le texte du socle commun des valeurs kanak (SCVK) a été présenté, amendé, validé et entériné par les (375) autorités coutumières en 2014. La Charte du peuple kanak est un texte plus riche, plus complet, composé de 115 points, disponible sur le site du Sénat coutumier[4],[5],[6],[7],[8].
La charte est précédée d'un exercice de mémoire, d'un préambule.
La proclamation le 26 avril 2014 est suivie d'une décision, accompagnée d'un discours du porte-parole Luc Wema, et d'un discours du président Paul Wakié.
Le texte de la Charte se compose de trois chapitres, et de 115 articles, ainsi répartis :
Le Peuple Kanak est le peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie.
Les populations mélanésiennes, comme les autres peuples autochtones dans le monde, ont une vision du cosmos, un rapport à l’espace, une organisation sociale et une pratique coutumière qui tendent à une recherche permanente d’équilibre et d’harmonie. C’est cette vision dialectique, vécue à chaque fois dans des conditions singulières de par le monde, que les peuples autochtones transmettent de génération en génération et qui leur donne des capacités infinies d’adaptation et de résilience dont témoigne la société Kanak en Nouvelle Calédonie.
Les mélanésiens en tant que groupe civilisé constitué sont présents en Nouvelle-Calédonie depuis 4000 ans ce dont attestent les traces archéologiques présentes sur le Territoire, en particulier les poteries Lapita fabriquées par les ancêtres austronésiens.
Les populations mélanésiennes sont disséminées sur l’ensemble du Pacifique Sud sur un vaste ensemble appelé l’Arc mélanésien comprenant la Nouvelle-Calédonie, les États des Fidji, du Vanuatu, des Îles Salomon et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elles partagent des caractères culturels communs, en particulier s’agissant de la Province des Iles de Nouvelle Calédonie et des Iles toutes proches de la Province de Tafea au sud du Vanuatu.
Le peuplement de la Grande Terre et des Iles s’est fait naturellement au cours de ces trois derniers millénaires. La mémoire de cette histoire et les conditions particulières de l’apparition de l’Ancêtre ont été transmises, de manière continue et pour chaque clan, à travers les récits, contes et légendes. L’histoire contée par les grands groupes de populations mélanésiennes présente une nature et une identité communes.
Au cours de cette histoire et sur le territoire de Nouvelle-Calédonie, les clans Kanak se sont répartis du centre au nord et vers le sud ainsi que vers les Iles.
Tout comme dans la plupart des régions de l’Océanie, l’histoire première des clans Kanak et de leur déplacement dans l’espace a été totalement bouleversée par la colonisation et par l’arrivée de la religion au milieu du XIXe siècle. La prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France proclamée à Balade le 24 septembre 1853 sera pour le Peuple Kanak une nouvelle étape de son destin.
La colonisation va ériger les nouvelles frontières de cette colonie française des antipodes dont la population sera désormais juridiquement et artificiellement séparée du reste du monde mélanésien. La colonisation a frappé la totalité des chefferies du pays Kanak. Dans pratiquement toutes les régions de la Grande Terre, la violence de la colonisation a engendré la disparition de clans et de chefferies, le déplacement de tout ou partie de populations de tribus et de régions entières. Les traumatismes de ces violences ont marqué durablement les structures coutumières et les Hommes qui les habitent. Dans les Iles Loyauté, l’histoire des clans et chefferies a été marquée plus particulièrement par l’implantation des religions à la fois catholique et protestante. Cette histoire n’a pas fondamentalement remis en cause, l’organisation sociale établie mais de nouveaux rapports de forces entre chefferies ou internes aux chefferies apparurent à la faveur de l’adhésion à l’une ou l’autre des deux églises protestante ou catholique.
La création des réserves lors de l’indigénat a été un instrument de ségrégation et de contrôle des Kanaks tout en favorisant l’accaparement des terres pour la colonisation. Au même moment, la création des missions chrétiennes a permis de contourner la répression coloniale et a favorisé la reconstruction des tribus et le rétablissement d’un ordre coutumier nouveau. Pour résister à l’entreprise coloniale de spoliation et l’anéantissement, les atouts du peuple Kanak auront été, d’une part, l’autonomie des chefferies entre elles, ce qui leur a permis d’éviter une guerre coloniale frontale et, d’autre part, la capacité de la Civilisation Kanak à s’adapter en s’appuyant sur des valeurs sociétales sûres. Ces valeurs qui fondent encore aujourd’hui l’organisation sociale Kanak, sont l’hospitalité, la générosité, le respect à tous les niveaux, la dignité, le travail, encadrées par la force des relations et de l’organisation sociale de la chefferie. Elles ont porté une dynamique interne forte, laquelle a permis de s’adapter et d’intégrer les nouveaux arrivants.
Par ailleurs, les valeurs chrétiennes et la croyance en un Dieu tout puissant ont transformé la conscience des hommes et des femmes Kanak sans remettre en cause fondamentalement leur vision spirituelle de l’être et de la nature, la référence à l’esprit de l’Ancêtre ainsi que les fondements de la Coutume. La spiritualité Kanak et la spiritualité chrétienne ont pour fondement la même croyance en un Etre - Esprit divin. Pour le Kanak, croire en Dieu se situe dans le prolongement de la croyance à l’Esprit des ancêtres. Ainsi a été accompli l’enracinement dès l’origine de la chrétienté dans le monde Kanak.
Durant les années sombres de son histoire et jusqu’à ce jour, le Peuple Kanak n’abdiquera donc jamais, ni sa mémoire, ni son lien à la terre, ni son identité culturelle et sociale et conservera une volonté indéfectible de maintenir et restaurer sa souveraineté.
À la suite de l’adoption le 5 mai 1946 de la loi abrogeant le Régime de l’indigénat et octroyant la citoyenneté aux indigènes des TOM dont les Kanaks, le 13 avril 1949, le premier Conseil de notables et ensuite l’Union Calédonienne seront créés par l’Union des Indigènes Calédoniens Amis de la Liberté dans l’Ordre (UICALO) et l’Association des Indigènes Calédoniens et Loyaltiens (l’AICLF) respectivement d’obédience protestante et catholique.
Le 23 juin 1956 une loi-cadre ouvre la voie de l’autonomie avec la création de l’assemblée territoriale. Mais devant la poussée des Kanaks majoritaires, la France supprimera ce régime d’autonomie, ce qui donnera naissance au mouvement nationaliste Kanak en faveur de l’indépendance et marquera le début de la radicalisation des deux courants politiques loyaliste et indépendantiste.
En 1975, le Peuple Kanak va affirmer son identité en tant que peuple issu de cette terre de Mélanésie à l’occasion du Festival des Arts Mélanésien, Mélanésia 2000, et s’inscrire dans une dynamique d’émancipation politique.
La période de 1984 à 1988 connue comme celle des évènements sera marquée par la mobilisation nationaliste Kanak qui aboutira à la signature de l’Accord de Matignon par le FLNKS, le RPCR et l’État Français. En 1998, l’Accord de Nouméa, signé par les mêmes partenaires, lui succédera. L’Accord de Nouméa souligne que : « La colonisation de la Nouvelle-Calédonie s’est inscrite dans un vaste mouvement historique où les pays d’Europe ont imposé leur domination au reste du monde… » Le préambule de l’Accord de Nouméa rappelle le caractère unilatéral de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie et la présence sur son sol d’un peuple autochtone souverain.
Dans la logique de ce contexte et en accord avec le Droit international l’Accord de Nouméa a proclamé que :« … La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps …Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun… »
Le préambule de la charte affirme : « Nous autorités coutumières, Grand Chefs, Chefs, présidents de conseils de districts et présidents de conseils des chefs de clans seuls représentants traditionnels et légitimes du Peuple Kanak de Nouvelle-Calédonie, agissant au nom de la population autochtone, des chefferies et des clans Kanak, résolus, à sauvegarder et promouvoir les valeurs et les principes fondamentaux de la Civilisation Kanak et à les porter haut et fort dans la construction, en Nouvelle Calédonie, d’une société enfin libérée de toute forme d’emprise coloniale ; avons en commun décidé d’adopter la présente Charte afin de doter le Peuple Kanak d’un cadre juridique supérieur embrassant une réalité historique, de fait, et garantissant son unité et l’expression de sa souveraineté inhérente. Ainsi, nous engageons nous solennellement à ce jour, à unir nos efforts et notre énergie collective pour mettre en œuvre et promouvoir à tous les niveaux ce qui constitue désormais le Socle Commun des Valeurs et les Principes Fondamentaux de la Civilisation Kanak ; ?à œuvrer pour, l’affirmation d’un pluralisme juridique coopératif et équilibré permettant aux Valeurs et Principes de la présente Charte fondée sur l’humanisme Kanak/océanien de se décliner dans les différents secteurs et domaines de la société, ainsi que dans l’ensemble des institutions du Territoire ou de l’Etat ; cette démarche étant une contribution préalable et incontournable à la construction d’un destin commun, déclarons ce qui suit, pour le présent et pour l’avenir… »
Chapitre 2, article 3 (page 20) : "Les chefferies et les clans exercent au nom de leur antériorité ancestrale et de leur présence continue- malgré le fait colonial - leur souveraineté sur leur territoire traditionnel ou coutumier quel que soit son statut."
Chapitre 2, article 8 (page 21) : "8. Le consentement préalable, libre, éclairé et en connaissance de cause de la chefferie et des clans concernés est requis quel que soit le statut juridique de l’espace considéré"
Chapitre 2, articles 10-11-12 (page 21) : "10. La perte du patrimoine naturel et les solutions alternatives de compensation et de protection des milieux devront être envisagées par le porteur de projet et conditionneront le consentement préalable.
11. Le consentement préalable, libre, éclairé et en connaissance de cause sera conditionné par la mise en place de mesures compensatoires sur le plan environnemental, sur le plan patrimonial et socioculturel.
12. Ces exigences s’imposent quel que soit l’état de la législation provinciale, territoriale ou nationale en vigueur."
Ces affirmations très largement partagées par bon nombre d'autochtones kanaks de Nouvelle Calédonie, sont le révélateur d'une vision menant inévitablement à de nombreux conflits fonciers où l'on fait fi des lois en vigueur et où les dérapages vers la violence sont fréquents (brûler les engins, coups de fusil, occupations illégales).
L’absence de traces tangibles de l’identité des occupants antérieurs (au sens de familles ou clans nommément définis) rend impossible une attribution objective des terres revendiquées, celle-ci se fait alors sur la base d’un consensus de l’instant entre les clans et tribus présents alentour.
La décision finale suit directement la liste des 115 articles :
« En foi de quoi, Considérant que le Sénat Coutumier de Nouvelle-Calédonie est l’assemblée délibérante du Pays Kanak chargée, dans les conditions actuelles, de porter la légitimité autochtone au sommet des institutions étatiques républicaines ; Considérant que le Sénat Coutumier a compétence sur le droit coutumier ; Considérant que le Sénat Coutumier, institution de la République, n’en a pas moins été hérité du combat pour l’émancipation du Peuple Kanak et habité dans son œuvre par les Valeurs et Principes qui fondent l’Identité Kanak ; Convaincus que le Peuple Kanak doit mettre en place par lui-même des institutions propres à le gouverner et à unifier son Droit ; Conscient du fait que la souveraineté du Peuple Kanak doit s’exprimer à travers une instance qui soit l’émanation de l’ensemble des chefferies de la Grande Terre et des Iles et trouve sa légitimité dans la Coutume et la Parole ; Nous autorités coutumières, Grand Chefs, Chefs, présidents de conseils de districts et présidents de conseils des chefs de clans, seuls représentants traditionnels et légitimes du Peuple Kanak de Nouvelle-Calédonie, nous constituons, aux termes des présentes, en ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK. L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK regroupe l’ensemble des chefferies et les districts des huit Pays coutumiers ainsi que les représentants désignés par eux. L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK est chargée d’exercer les attributs de la souveraineté autochtone Kanak jusqu’à ce qu’un nouveau Contrat Social soit fondé avec les autres composantes de la Nouvelle-Calédonie. Toute institution de l’État ou du Territoire destinée à la gestion des composantes de l’Identité Kanak et de la Coutume devra nécessairement émaner des chefferies et donc de L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK ; Tel est le cas aujourd’hui du Sénat Coutumier et des huit Conseils Coutumiers ; À cet égard, L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK décide dès à présent de confier au Sénat Coutumier une mission conventionnelle afin de pouvoir dans les plus brefs délais, d’une part, organiser et renforcer la souveraineté du Peuple Kanak et, d’autre part, redéfinir un cadre mutuellement accepté des relations du Peuple Kanak à l’État français et au Territoire de Nouvelle-Calédonie quel qu’en soit le devenir. Après avoir lu, signé et adopté la présente Charte sur le Socle Commun des Valeurs et Principes Fondamentaux de la Civilisation Kanak, Nous soussignées, chefferies et autorités coutumières, constituant L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK, la proclamons pour faire et valoir ce que de droit, invitons instamment nos populations à la respecter et à la promouvoir, invitons toutes les autorités de l’État et du Territoire à la mettre en œuvre et lançons un appel à la Communauté internationale et notamment aux Pays et Peuples du Pacifique afin qu’ils appuient cette démarche, la diffusons pour faire œuvre de contribution au destin commun, de transparence, de dialogue et d’humanité. Les CHEFFERIES : Pays HOOT MA WHAAP, Pays PAICI-CAMUKI, Pays AJIE-ARO, Pays XARACUU, Pays DRUBEA KAPUME, Pays NENGONE, Pays DREHU, Pays ÏAAÏ. »
« En foi de quoi,
Considérant que le Sénat Coutumier de Nouvelle-Calédonie est l’assemblée délibérante du Pays Kanak chargée, dans les conditions actuelles, de porter la légitimité autochtone au sommet des institutions étatiques républicaines ;
Considérant que le Sénat Coutumier a compétence sur le droit coutumier ;
Considérant que le Sénat Coutumier, institution de la République, n’en a pas moins été hérité du combat pour l’émancipation du Peuple Kanak et habité dans son œuvre par les Valeurs et Principes qui fondent l’Identité Kanak ;
Convaincus que le Peuple Kanak doit mettre en place par lui-même des institutions propres à le gouverner et à unifier son Droit ;
Conscient du fait que la souveraineté du Peuple Kanak doit s’exprimer à travers une instance qui soit l’émanation de l’ensemble des chefferies de la Grande Terre et des Iles et trouve sa légitimité dans la Coutume et la Parole ;
Nous autorités coutumières, Grand Chefs, Chefs, présidents de conseils de districts et présidents de conseils des chefs de clans, seuls représentants traditionnels et légitimes du Peuple Kanak de Nouvelle-Calédonie, nous constituons, aux termes des présentes, en ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK.
L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK regroupe l’ensemble des chefferies et les districts des huit Pays coutumiers ainsi que les représentants désignés par eux.
L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK est chargée d’exercer les attributs de la souveraineté autochtone Kanak jusqu’à ce qu’un nouveau Contrat Social soit fondé avec les autres composantes de la Nouvelle-Calédonie.
Toute institution de l’État ou du Territoire destinée à la gestion des composantes de l’Identité Kanak et de la Coutume devra nécessairement émaner des chefferies et donc de L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK ;
Tel est le cas aujourd’hui du Sénat Coutumier et des huit Conseils Coutumiers ;
À cet égard, L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK décide dès à présent de confier au Sénat Coutumier une mission conventionnelle afin de pouvoir dans les plus brefs délais, d’une part, organiser et renforcer la souveraineté du Peuple Kanak et, d’autre part, redéfinir un cadre mutuellement accepté des relations du Peuple Kanak à l’État français et au Territoire de Nouvelle-Calédonie quel qu’en soit le devenir.
Après avoir lu, signé et adopté la présente Charte sur le Socle Commun des Valeurs et Principes Fondamentaux de la Civilisation Kanak,
Nous soussignées, chefferies et autorités coutumières, constituant L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE KANAK,
la proclamons pour faire et valoir ce que de droit,
invitons instamment nos populations à la respecter et à la promouvoir,
invitons toutes les autorités de l’État et du Territoire à la mettre en œuvre et lançons un appel à la Communauté internationale et notamment aux Pays et Peuples du Pacifique afin qu’ils appuient cette démarche,
la diffusons pour faire œuvre de contribution au destin commun, de transparence, de dialogue et d’humanité.
Les CHEFFERIES : Pays HOOT MA WHAAP, Pays PAICI-CAMUKI, Pays AJIE-ARO, Pays XARACUU, Pays DRUBEA KAPUME, Pays NENGONE, Pays DREHU, Pays ÏAAÏ. »
L’ensemble de ces valeurs humanistes doit être respecté et développé, à titre individuel et collectif, dans la vie en société. Au-delà de la sphère Kanak, ces valeurs ont une portée universelle et renvoient aux notions de Paix, de Fraternité, de Solidarité, de Justice, de Respect, d’Humilité, de Responsabilité et d’Honneur.
Les articles 19 à 55 sont une reformulation des articles du Socle. Quelques modifications sont à remarquer :
Article 56 : « La société Kanak est une société patriarcale. Son système social fonctionne à partir d’une transmission des droits, des pouvoirs et des responsabilités, basée sur l’homme (même si l'aînée d'un clan peut être une femme, si nécessaire, puisque les femmes sont appelées à servir dans d’autres clans) » (art. 57).
Article 58 : « Les droits individuels s’expriment dans les droits collectifs du groupe (famille/clan). C’est parce que la personne est reconnue dans sa famille et dans son clan qu’elle peut s’épanouir dans la société. »
Article 60 : « La femme est l’être sacré qui donne la vie. Une fille ou une femme a pour symbole végétal et naturel, le taro d’eau, le cocotier et l’eau. Elle est source de vie et de fertilité. Elle est la source de nouvelles alliances et le lien entre les clans et entre les générations. Elle est la valeur absolue pour la paix et la prospérité. »
Article 61 : « L’homme a autorité sur la terre. Un garçon ou un homme a pour symbole la sagaie, le casse-tête, le sapin, l’igname…Il assure la descendance et la perpétuation du nom qu’il porte ainsi que la fonction sociale inhérente. Il est et assume la réputation et l’honneur du clan. »
Article 72 : « Les grands parents sont les détenteurs de l’histoire familiale et clanique et du patrimoine immatériel du clan. Les enfants et les petits enfants prennent soin des grands parents en reconnaissance de leur travail antérieur, de leur bienfait et du respect des ancêtres. »
Les sections traitant des droits fonciers (73-79), de la souveraineté sur la nature et les ressources (80-91), des savoirs traditionnels (92-94), et de la culture et de l'éducation (95-99) sont refondus.
Les sections 5 Des conflits et des juridictions (100-104), et 6 Des relations avec les autres peuples (105-106) et le chapitre III Exercice du droit du peuple kanak à l'autodétermination (107-115) peuvent être considérés comme approfondissement du socle.
La Charte a été prise en compte (ou non) par les différents partenaires de l'accord de Nouméa[9],[10] et repris par les tribunaux coutumiers « en focalisant les jugements sur la conformité aux seules valeurs et comportements affirmés par la "Charte"[1] ».
Des critiques ont été formulées par plusieurs chercheurs ou spécialistes en sciences sociales ou juridiques, comme les anthropologues Alban Bensa et Éric Wittersheim[11] ou l'anthropologue politique Christine Demmer[1]. Tous soulignent le caractère « conservateur » et exclusif entrant en conflit avec une partie de la population mélanésienne défendant une autre définition de leurs valeurs et de leur identité en tant que Kanak. Ainsi, s'ils reconnaissent que le SCVK « interpelle les politiques, jusqu’ici accaparés par les problèmes économiques », Alban Bensa et Éric Wittersheim estiment que « le renversement de perspective proposé, plaidoyer pour un monde kanak idéalisé qui devrait infuser les institutions (scolaires, économiques, judiciaires, etc.), occupe une place importante dans le discours médiatique, à contre-courant des évolutions contemporaines de la Nouvelle-Calédonie[11] ». Ce qui rend saillant le « malaise profond » de « nombre de jeunes Kanaks [qui] ne se reconnaissent plus dans certaines valeurs coutumières » car celles-ci, « élaborées au sein d’un univers rural devenu de moins en moins prégnant, [...] affirment l’autorité des aînés, des vieux, des hommes, au détriment de l’expression des jeunes et des femmes, et ne peuvent par conséquent répondre aux désirs d’émancipation personnelle[11] ».
De même, Christine Demmer y voit une vision de l'identité kanak qui « se démarque des principes égalitaristes du début du mouvement nationaliste » car les autorités coutumières « y valorisent plutôt la séniorité (au sens statutaire et générationnel) comme ils défendent la masculinité (les principes de filiation patrilinéaire, la virilocalité, et certaines formes du mariage coutumier)[1] ». D'après elle, par l'application qu'ils en font, les tribunaux coutumiers « excluent mécaniquement de leur identification ceux qui ne relèvent pas du statut et du droit coutumier » comme « ceux qui ne se reconnaissent pas dans la définition identitaire qui s'élabore : ceux qui se disent métis (9 % lors du dernier recensement) et/ou qui ont tout simplement une autre idée de l'identité kanak[1] », et de ce fait ils « retravaillent également les appartenances personnelles à l'entité "kanak", rendant l'adhésion identitaire plus difficile chez tous ceux qui s'écartent des référents adoptés en ces lieux[1] ». Elle conclut finalement que :
« Dans une phase politique où le nationalisme populaire est moins important que dans les années 1980, et face à des changements sociaux accélérés depuis les accords de Matignon (notamment avec l'essor de l'exploitation du nickel), le chercheur en sciences sociales peut douter de la possibilité de susciter une réelle adhésion populaire aux élaborations identitaires - plutôt conservatrices - en cours. Lors des trois manifestations des États généraux, il semble que le public ait été plutôt rare, exprimant parfois même son scepticisme sur le chantier en cours, manifestant notamment des inquiétudes sur la fixation des principes oraux par écrit ou sur la rapidité du processus devant gommer les différences existantes d'une aire à l'autre. Certaines femmes exprimèrent aussi leur souci des droits qui leur seront accordés dans ce dispositif[1]. »
Divers projets ou avant-projets[12] ont été proposés par le Sénat coutumier au gouvernement, dont une concerne la succession coutumière (environ 200 réclamations par an), et qui exige un toilettage de l'acte coutumier (loi de 2007)[13].
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