Fait prisonnier par les Britanniques avec ses compagnons, il apprend que sa femme a demandé le divorce et attend le jugement pour pouvoir se remarier avec celui que son fils considère déjà comme son père.
En 1944, il réussit à s'évader et commence alors une longue errance qui le mène, avec son ami Peter Aufschnaiter, à Lhassa, la capitale du Tibet, où il fait la connaissance du 14edalaï-lama, Tenzin Gyatso, alors âgé de 11 ans, dont il devient l'ami. Cette rencontre le transforme.
L'invasion du Tibet par la Chine en 1950 l'oblige à fuir. Il quitte le dalaï-lama à regret. À l'occasion de cette séparation, Tenzin Gyatso lui offre une boite à musique pour son fils.
Finalement, Heinrich Harrer découvre son fils, se réconcilie avec lui grâce à la boîte à musique et lui fait partager sa passion de l'alpinisme.
Le réalisateur Jean-Jacques Annaud a déclaré dans une interview en 1997 que, lorsqu'il avait reçu le scénario du film, il le considérait comme un mauvais film d'action hollywoodien. Il décide néanmoins de lire le travail original. Il remarque alors la tendance de Harrer à laisser derrière lui son propre état émotionnel. Annaud décide donc d'axer son travail sur l'évolution de la personnalité de Harrer sous l'influence d'une culture étrangère[5].
Le budget du film était de 70 millions de dollars[6].
En raison de pressions diplomatiques — vraisemblablement d'origine chinoise[5] —, les sites de tournage initiaux dans une vallée himalayenne sur le territoire indien ne reçurent pas l'agrément des autorités[7], ce qui amena le réalisateur à tourner l'essentiel du film en Argentine. Le film a d'abord été tourné pendant trois mois à Uspallata, puis à Mendoza et enfin à Buenos Aires, où la gare de La Plata a été transformée en gare de Graz[8]). Le tournage a également eu lieu au Canada (Campbell River et Vancouver en Colombie britannique) pour les scènes d'alpinisme en haute altitude, ainsi qu'à Lienz dans le Tyrol en Autriche, à Santiago au Chili et au Royal Leamington Spa au Royaume-Uni[9]. Enfin, le réalisateur a révélé que le film contenait également des rushs tournés au Tibet durant 20 minutes[10].
Le film a reçu des critiques mitigées, recueillant 59 % de critiques positives, avec une note moyenne de 6,3/10 et sur la base de 32 critiques collectées, sur le site internet Rotten Tomatoes[13]. Il obtient un score de 55/100, sur la base de 18 critiques, sur Metacritic[14].
Dans son livre My China Eye: memoirs of a Jew and a journalist (2005), Israel Epstein, journaliste juif membre du Parti communiste chinois, voit dans Sept Ans au Tibet une locomotive de la propagande internationale en faveur du séparatisme tibétain qui aurait déraillé à la suite de la découverte que Heinrich Harrer, le protagoniste autrichien et auteur du livre dont le film s'inspirait, dissimulait depuis longtemps un passé nazi bien attesté[17].
Entorses à la vérité historique
Pour Vanessa Frangville, chercheuse affiliée au Center for Asian Area Studies de l'université Rikkyō à Tokyo[18], le film s'écarte du livre, notamment en faisant de Harrer un anti-nazi alors que dans la réalité il était déjà membre du parti nazi avant la guerre. Elle fait remarquer que le film dépeint l'invasion chinoise comme des plus violentes et impitoyables alors que dans son livre Harrer souligne le comportement plutôt discipliné et tolérant des troupes chinoises en comparaison de l'invasion de 1910[19].
La fidélité du film par rapport aux événements et aux personnages historiques est contestée également par Gary Wilson, journaliste du Workers World, organe d'un Parti communiste américain pro-chinois[20]. Ce dernier reproche au film de faire un héros d'un membre des troupes de choc nazies, en l'occurrence Heinrich Harrer[21] et de ne pas montrer le sort réservé aux esclaves fugitifs[22]. De plus, à la différence de ce que le film donne à voir, continue-t-il, l'armée chinoise a été bien accueillie à son arrivée[23].
Le spécialiste de l'Asie orientale Marc Abramson, cité par Naomi Greene, affirme que le film, tout comme Kundun, ne montre pas la nature spoliatrice, rétrograde et en définitive autodestructrice de la double hiérarchie, religieuse et temporelle, qui a régné sur le Tibet[24].
Une critique publiée dans la revue maoïsteMIM Notes[25] qualifie le film de « version cinématographique aseptisée et romancée » des mémoires de Harrer et déplore la falsification des positions et des actions de l'Armée populaire de libération[26]. On voit en effet trois généraux chinois gagner Lhassa pour rencontrer le dalaï-lama. Ces généraux se comportent grossièrement avec tout le monde, dédaignent un mandala, un symbole de paix et d'amitié fabriqué par un religieux pour l'occasion, tandis que leur chef dit à un ministre tibétain que la religion est un poison. Ces façons de faire, déclare l'auteur, sont inexactes sur le plan historique[27].
Lors d'un entretien avec le 14e dalaï-lama, Patrick French lui fait part de critiques concernant l'aspect historique du film (tableau inexact de la politique de Lhassa et de l'invasion, traitement diffamatoire du conseiller Ngabo Ngawang Jigme, lequel se demande : « Si ce n'était pas une idée du Dalaï-Lama, comment ce film a-t-il pu être tourné ? ». Le pontife tibétain répond que le film est un film d'aventure dramatique et non un documentaire historique, « Il n'a pas besoin de réfléter la réalité ». Et d'ajouter : « Je ne l'ai pas regardé jusqu'à la fin. »[28].
Comparaison entre le film et le livre
Interrogés en 1998, l'ancien négociateur et signataire de l'Accord en 17 points en 1951, Ngabo Ngawang Jigme, ainsi que son 3e fils, Ngapo Jigmé, conviennent du fait que les événements dépeints dans le film sont totalement fictifs et n'ont rien à voir avec ceux relatés par Heinrich Harrer. Ainsi, selon Ngapo Jigmé, Harrer ne fut jamais confronté aux troupes chinoises, puisqu'il quitta Lhassa bien avant l'entrée de l'Armée populaire de libération dans la ville. Selon Ngabo Ngawang Jigme, un seul détail est proche de la réalité, l'Autrichien a appris l'anglais au dalaï-lama[29].
Pour le critique cinématographique Jared Hohlt, il n'est pas prouvé que le vrai Harrer ait été transformé par son périple et par ses liens avec le dalaï-lama ; au contraire, un certain nombre d'indices montrent que, sur les grandes questions, il n'a pas varié. On est censé croire que le Harrer du film s'est bonifié, à preuve son changement d'attitude à l'égard de son fils, Rolf (dans la réalité Peter). Après avoir quitté sa femme enceinte pour le Nanga Parbat, le Harrer du film pense avec nostalgie au fils laissé derrière lui et lui écrit des lettres. Rolf, dont la mère s'est remariée et qui considère son beau-père comme s'il était son père, ne veut pas entendre parler de Harrer. En fait, dans la réalité, Harrer, dont les mémoires couvrent les années 1939-1952, ne souffle pas un mot de son fils. Dans le film, Harrer retourne en Autriche et retrouve son fils, avec lequel il gravit un sommet alpin, y plantant un drapeau tibétain. Cette ascension n'eut jamais lieu. Peter ne fut même pas invité aux remariages d'un père avec qui, selon ses termes, il n'avait guère de rapports[30].
Le centre Simon Wiesenthal ayant déclaré qu'en faisant interpréter le rôle de Harrer par Brad Pitt, on courait le risque de transformer en héros un ancien nazi et d'occulter ainsi le legs du Troisième Reich[31], l'avocat de Harrer, le commanditaire et le réalisateur du film Seven years in Tibet conclurent un accord pour ne pas en compromettre la sortie. On tournerait de nouvelles scènes montrant l'appartenance de Harrer aux organisations nazies tout en laissant apparaître qu'il se serait déjà détaché de ses idéaux de jeunesse[32].
Le journaliste américain Karl E. Meyer (en) rapporte que lorsque Jean-Jacques Annaud, jusque-là « curieusement peu curieux » du passé nazi de Harrer, en prit connaissance, le film fut remanié en toute hâte, Annaud expliquant désormais que celui-ci « tournait autour de la culpabilité, du remords et de la rédemption »[33].
Ces révélations gâchèrent les dernières années de Harrer[34].
Jean-Jacques Annaud sur Harrer
Interrogé par Le Nouvel Observateur à la sortie du film en 1997, Jean-Jacques Annaud s'étonnait des silences du livre Sept Ans d'aventures au Tibet sur les débuts de Harrer : « Lorsque j'ai découvert le livre de Heinrich Harrer, j'ai compris qu'il cachait quelque chose (...). On ne peut pas écrire un livre qui raconte sept ans de sa vie sans au moins une phrase qui raconte ce qui a été vécu précédemment. Pas une seule référence à la défaite, à la guerre, à l'Holocauste, pas un mot sur sa famille, ses origines »[35].
Annaud complète ainsi son appréciation de Heinrich Harrer: « C'est un homme qui se sent… une énorme honte… Je le respecte en tant qu'homme qui a des remords »[36].
↑(en) Israel Epstein, My China Eye: memoirs of a Jew and a journalist, Long River Press, 2005, 358 p., p. 285 (ISBN1-59265-042-2) : « Barbed, too, were the comments about the film Seven Years in Tibet. Intended as a super-bomb of international propaganda for Tibetan separatism, but waylaid by the discovery that Heinrich Harrer, its Austrian protagonist and author of the book on which it was based, had long hidden his own documented Nazi past. »
↑(en) Vanessa Frangville, Mis-representations of Tibet in the West and in China: Seven Years in Tibet versus Red River Valley, Paper presented at the East-AsiaNet Workshop: "Mistaking Asia", University of Leeds, 30-31 May 2008 : « Interestingly, the film differs from the book, notably by making Harrer an anti-Nazi while he in reality joined the Nazi Party before the War. » et « Besides, while in the book Harrer draws reader’s attention to a relatively disciplined and tolerant behavior of the Chinese troops comparing to the previous 1910’s Chinese invasion, the film depicts the Chinese invasion as extremely violent and pitiless. »
↑Gary Wilson, op. cit. : « The movie "Seven Years in Tibet" not only glorifies feudal Tibet and its aristocrats; it also makes a hero of a Nazi storm trooper - Heinrich Harrer ».
↑Gary Wilson, op. cit. : « « While Seven Years [...] does not show the slaves who had their heels slashed for attempting to flee slavery ». »
↑Gary Wilson, op. cit. : « « Contrary to what is being shown by Hollywood, the Tibetans people welcomed the Chinese Red Army when it arrived. »
↑(en) Naomi Greene, From Fu Manchu to Kung-Fu Panda: Images of China in American films, Hong Kong University Press, 2014, 280 p., p. 236, note 62 : « Marc Abramson argues that neither Seven Years in Tibet nor Kundun shows the exploitive, regressive and ultimately self-defeating nature of the dual religious and secular hierarchies which governed Tibet. »
↑Two Long Hours of Historical Revisionism, op. cit. : « the sanitized and romanticised film version of the self-promoting memoir of an elite Nazi », « (...) it fabricates the positions and actions of the Chinese People's Liberation Army ».
↑Two Long Hours of Historical Revisionism, op. cit. : « (...) the methods used by the PLA in the film are (...) historically inaccurate ».
↑(en) Jasper Becker, Interview with Ngapoi Ngawang Jigme, in South China Morning Post, 2 avril 1998, reproduit sur le site World Tibet News : « Both he and his son agree that the events portrayed in the film are completely fictitious and bear no resemblance to the book by Heinrich Harrer (...) Jigme said: "(...) Only one of the details is close to the truth - that Harrer taught the Dalai Lama English (...)" His son is far blunter. (...) "Harrer never saw the Chinese troops, he left Tibet long before the PLA entered" ».
↑(en) Jared Hohlt, Seven Years in Tibet, Slate, 1997 : « We are supposed to believe that Pitt's Harrer has learned to be a better person; offered as proof is his changed attitude toward his son, Rolf (whose name in real life is Peter). In life and in the movie, Harrer left for Nanga Parbat when his wife was still pregnant. (In the movie, Harrer knows she's pregnant. Time reports that Harrer denies having known she was.) She divorced him while he was gone. At various points in the film, Harrer thinks longingly of Rolf and writes him letters. His overtures are rebuffed; his son has come to think of his stepfather as his true father. (Vanity Fair reports that Peter actually was abandoned by his mother, too; he was raised by his grandmother during Harrer's absence. Harrer's memoir, which covers the years 1939-1952, never mentions him.) Pitt's Harrer finally returns to Austria, dropping a music box--a gift from the Dalai Lama--in his son's bedroom. The last scene shows father and son climbing a mountain in the Alps. The Nazi flag of the opening scene has become a Tibetan one, which they place on the summit. However, this climb never happened. Peter, who wasn't invited to either of Harrer's subsequent weddings, told Vanity Fair, "We didn't have much of a relationship". »
↑(en) Elaine Dutka, 'Tibet' Revised to Stress Character's Nazi Past, Times, 15 août 1997 : « The Simon Wiesenthal Center had charged that casting Pitt into the role of a onetime Nazi could turn the man into a hero and inadvertently whitewash the legacy of the Third Reich. »
↑Ren Yanshi, op. cit. : « Harrer's lawyer, a representative for the producer and the director reached a secret agreement in London to cope with the emergency situation. A minor revision in the movie added various plots which portrayed Harrer as, though having a relationship with the Nazis, resenting and disavowing the organization. The revisions drew a distinct line between Harrer and the Nazis. »
↑(en) Karl E. Meyer, One Hell of a Gamble, World Policy Journal, vol. 18, no 1 (printemps 2001), p. 113-115 : « In 1997, not long before the movie's scheduled premiere, the curiously incurious Annaud finally learned that Harrer had concealed his Nazi past, indeed he had served as a ski instructor in the SS […]. When the German press broke the news, the film was hastily amended, and the director now explained, "Seven Years in Tibet revolves around guilt, remorse, and redemption." ».
Beck Johnston, Jean-Jacques Annaud, Laurence B. Chollet, Alisa Tager, David Appleby, Heinrich Harrer, Pat Morrow, Bill Kaye, The Seven Years in Tibet: Screenplay and Story Behind the Film, Newmarket Press, New York, 1997, 224 p..