L'assemblée nationale, après avoir entendu la commission extraordinaire et les comités diplomatique et militaire, considérant qu’il importe, dans les circonstances actuelles, de fixer promptement le sort des régiments suisses au service de la France, et que les capitulations de la plupart d’entre eux sont expirées, décrite qu'il y a urgence.
L’assemblée nationale, après avoir décrété l’urgence, décrète ce qui suit :
- Article I
L’assemblée nationale fidèle aux principes de la liberté française, qui ne lui permettent pas de tenir au service de la France des troupes étrangères sous un régime particulier et différent de celui des troupes françaises et vu d’ailleurs l’expiration du terme des capitulations décrète que les régiments suisses, ou de pays alliés de la suisse cessent d’être, comme tels, au service de la France.
- Article II
Le pouvoir exécutif est chargé de témoigner aux cantons helvétiques, au nom de la nation française sa reconnaissance pour les services rendus à la France par les suisses dans l’armée Française.
- Article III
Tout officier, sous-officier ou soldat servant actuellement dans les régiments suisses pourra, s’il le préfère rester au service de la France ; et dans ce cas, il y sera employé dans le grade qu’il occupe maintenant, suivant le mode qui sera incessamment décrété. Jusqu’à leur remplacement, ils recevront la paye de leur grade.
- Article IV
Tout officier, sous officier ou soldat suisse qui voudra rester au service de la nation, sera tenu de faire la déclaration à la municipalité du lieu de la résidence du régiment ou du poste où il se trouvera, immédiatement après la publication du présent décret et d’y prêter le serment du 10 août, il sera ensuite accordé à chaque sergent, à titre de gratification et d’engagement, une somme de trois cents livres, à chaque caporal une de deux cents livres, à chaque soldat une de cent cinquante livres dont la moitié sera payée à l’instant même de la prestation du serment et l’autre moitié après l’incorporation avec les troupes françaises.
- Article V
Le comité militaire présentera dans la séance de demain un mode d’incorporation des individus ou de formation des corps qui pourront recevoir cette incorporation, tel que les sous-officiers et soldats suisses puissent y conserver leurs grades et leurs droits à l’avancement sans que les corps où ils seraient incorporés perdent rien des mêmes avantages.
- Article VI
Les retraites, pensions des officiers et indemnités pour les capitaines propriétaires de compagnies, les pensions pour les sous-officiers et soldats suisses qui voudront se retirer seront fixées conformément à l’esprit des capitulations et à la générosité qui caractérise la nation française et qu’elle doit toujours témoigner à des fidèles alliés.
Ces retraites pensions et indemnités seront payées en argent comme par le passé, ainsi que celles arrêtées dans les états des suisses retirés et pensionnés jusqu’à ce jour.
- Article VII
Le pouvoir exécutif est chargé de pouvoir à la sûreté de tous les officiers et soldats suisses qui voudront se retirer et de veiller à ce qu’ils soient traités comme d’anciens alliés ; mais ils ne pourront se rendre aux frontières que par détachements qui n’excéderont pas vingt hommes, et ils seront sans armes. Le prix des armes sera remboursé par le pouvoir exécutif à qui de droit.
- Article VIII
Le pouvoir exécutif nommera des commissaires pour veiller dans chaque régiment à la prompte exécution de la présente loi, qui sera lue à la tête de chaque compagnie par la municipalité du lieu, pour y recevoir concurremment avec les municipalités des lieux où se trouveront les régiments suisses, les déclarations de ceux qui voudront se retirer ou prendre du service, dresser le tableau des indemnités et pensions de ceux qui voudront se retirer et quant aux autres veiller à leur incorporation ou formation en corps, sauf à rendre compte à l’assemblée nationale des difficultés que pourra faire naître la fixation des indemnités et retraites.
- Article IX
L’assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire déclarer aux cantons helvétiques, par l’ambassadeur de France, les intentions de la nation française d’entretenir avec eux toutes les relations d’amitié, de fraternité, de commerce et de bon voisinage, conformément au traité
d’alliance du 28 mai 1777.
- Article X
Le pouvoir exécutif est chargé de faire traduire en allemand et en italien le présent décret et de le faire distribuer immédiatement dans les régiments suisses.
Au nom de la nation, le conseil exécutif provisoire mande et ordonne à tous les corps administratifs et tribunaux, que les présentes ils fassent consigner dans leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs départements respectifs et exécuter comme loi.
En foi de quoi nous avons signé ces présentes auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l’État.
A Paris le vingt deuxième jour du mois d’Août mil sept cent quatre vingt douze.
L’an quatrième de la liberté
Signé : Roland, contre signé
Danton et scellé du sceau de l'État.