L'épreuve de rugby à XV aux Jeux olympiques de 1920 est la troisième édition depuis l'introduction du rugby à XV comme sport olympique aux Jeux de 1900. En raison du désistement de dernière minute de la Tchécoslovaquie et de la Roumanie, une seule rencontre est disputée entre l'équipe des États-Unis et celle de France le . Les Américains deviennent champions olympiques en battant les Français peu préparés sur le score de 8 à 0. Un match de revanche est organisé le suivant et les Français dominent 14 à 5 les Californiens, surnom donné à l'équipe américaine, composée essentiellement d'étudiants des universités californiennes.
Historique
Contexte
Le rugby à XV fait son retour en compétition olympique après douze ans d'absence depuis sa deuxième apparition lors des Jeux olympiques de 1908. En 1912, les organisateurs suédois veulent initialement limiter la compétition aux épreuves d'athlétisme, de lutte, de gymnastique et de natation. Plusieurs pays contestent l'idée et, après de longues négociations, plusieurs sports sont ajoutés à cette liste réduite mais le rugby n'en fait pas partie[1]. En 1916, il n'y a pas de Jeux olympiques en raison de la Première Guerre mondiale, et, au lendemain de celle-ci, la Belgique organise les Jeux olympiques au pied levé et n'a pas le temps de prévoir l'hébergement des participants ailleurs que dans des écoles transformées en dortoirs[2]. L'épreuve de rugby est facultative et son organisation laissée à l'appréciation du comité organisateur[3]. Les nations britanniques refusent d'y participer prétextant que l'épreuve prévue au mois de septembre est programmée trop tôt dans la saison pour que leurs équipes soient compétitives par rapport aux autres participants[4]. Initialement, quatre équipes doivent disputer l'épreuve de rugby à XV : la Tchécoslovaquie, les États-Unis, la France et la Roumanie.
Aux États-Unis, le rugby à XV est promu dans de nombreuses universités de la côte ouest américaine après que le football américain a été interdit en 1904 dans le pays en raison de sa dangerosité[5]. Malgré la levée de l'interdiction de la pratique du football américain en 1918, il reste néanmoins populaire en Californie et une sélection y est constituée principalement à partir d'étudiants de plusieurs universités californiennes : Stanford, Californie à Berkeley et de Santa Clara[2],[5]. Cette sélection effectue peu de temps avant les Jeux une tournée victorieuse en Colombie-Britannique[5]. Cependant, l'équipe américaine ne trouve pas de ressources auprès du comité olympique américain qui refuse de participer au financement de leur périple[6]. Une collecte de fonds est alors lancée en Californie et l'équipe récolte 20 000 dollars[6]. L'un des plus gros mécènes n'est autre que John O'Neil, un joueur de la sélection américaine dont la riche famille a fait fortune dans l'exploitation du pétrole au Texas[7]. Cette somme d'argent ne permet cependant pas au groupe de faire la traversée de l'Atlantique autrement qu'à bord d'un navire de l'armée américaine, the Sherman[2].
Récit de l'épreuve
Après une longue traversée, l'équipe des États-Unis arrive en Europe à la surprise générale, les équipes de Tchécoslovaquie et de Roumanie s'étant retirées de la compétition et aucune épreuve de rugby n'étant prévue par les organisateurs[2],[6]. Le comité belge d'organisation des Jeux contacte alors l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA) pour qu'un tournoi olympique soit organisé[6]. Frantz Reichel, directeur de l'USFSA, compose en urgence une équipe pour représenter la France en rassemblant des joueurs de divers clubs parisiens : le CASG, l'Olympique, le RCF et le SCUF[6]. Finalement, seuls quatre des joueurs de l'équipe ainsi constituée sont de véritables internationaux[8]. Un unique match est donc disputé le après la finale des repêchages de football, le dernier du tournoi, dans le stade olympique d'Anvers entre les deux équipes, au moment où la saison redémarre en France[6].
Les Français n'ont donc pas le temps de se préparer, et la rencontre est remportée par les États-Unis qui battent la sélection française dominée physiquement[6]. La rencontre se déroule devant 20 000 spectateurs, et sous la pluie[9]. Les conditions météorologiques favorisent le jeu des avants mais les Français choisissent le jeu de mouvement avec les arrières. Ils sont victimes du terrain glissant et perdent beaucoup de ballons[9]. En revanche, les Américains établissent leur stratégie de jeu sur le combat des avants ce qui leur permet de maîtriser le déroulement du match et de dominer l'adversaire sans produire de jeu[6],[9]. Le score à la mi-temps est de 0 partout. Au cours de la seconde période, les Américains ouvrent le score avec un coup de pied d'arrêt de volée[Note 1] de Dink Templeton à 55 yards des poteaux[Note 2] puis augmentent leur marque grâce à un essai de Lou Hunter transformé par Templeton[9],[10]. Ils remportent finalement la rencontre sur le score de 8 à 0[Note 3],[11]. L'entraîneur-joueur australo-américain Daniel Carroll remporte là sa deuxième médaille d'or après celle obtenue en 1908 en tant que joueur avec l'équipe australienne[6].
Cette rencontre n'est pas comptabilisée comme une sélection officielle pour les joueurs français[11].
La tournée américaine
Après la campagne olympique, l'USFSA propose d'organiser une tournée en France pour l'équipe américaine[12]. Cette tournée comprend quatre matches, le dernier étant un test match contre l'équipe de France. Les Californiens, surnom donné à l'équipe des États-Unis, acceptent cette proposition[12].
Lors de la première rencontre disputée le à Lyon, l'équipe américaine bat largement une sélection du Sud-Est sur le score de 26 à 3[12]. Une semaine après, le , les Américains disposent du Stade toulousain sur le score de 11 à 3 au stade des Ponts-Jumeaux devant 15 000 spectateurs[13], avant de gagner difficilement par 6 à 3 contre une sélection du Sud-Ouest à Bordeaux[12]. La « revanche d'Anvers » a lieu à Paris au stade de Colombes le . Les Français battent alors les Américains par 14 à 5, inscrivant quatre essais par Eugène Billac, François Borde, Raoul Got et Adolphe Jauréguy[14].
Le lendemain de la rencontre, le , la Fédération française de rugby est officiellement créée pour remplacer l'USFSA en tant qu'organe dirigeant du rugby à XV en France et Octave Léry en devient le premier président[12]. Par la suite, une partie de la presse française affirme que ce second match constitue la véritable épreuve olympique et que les Français sont les champions olympiques[5]. Mais ce lobbying partisan ne change pas le fait que les Américains sont les véritables vainqueurs lors de ces septièmes olympiades[5].
Résultats
Les équipes de France et des États-Unis s'affrontent deux fois à l'automne 1920. La première rencontre compte pour l'attribution du titre olympique alors que la seconde est un test match officiel.
Trente joueurs, quinze américains et quinze français, disputent la rencontre olympique. Les deux sélections comptent des joueurs remplaçants mais aucun changement n'est effectué pendant le match. Néanmoins, le Comité international olympique attribue les médailles à tous les joueurs, quel que soit leur nombre de matches joués[15]. Le tableau suivant présente la liste des médaillés par ordre alphabétique.
↑À cette époque, lorsqu'un joueur effectue un arrêt de volée, il obtient la possibilité de tenter un tir au but – Goal from a mark – sous forme d'un coup franc ou d'un drop. Cette manière de marquer des points est abandonnée en 1977 avec l'autorisation des arrêts de volée uniquement dans la zone des 22 mètres.
↑Un yard valant 0,9144 mètre, Dink Templeton tire son coup de pied à un peu plus de 50 mètres des poteaux.
↑De 1906 à 1948, le décompte des points au rugby à XV est le suivant : l'essai vaut 5 points lorsqu'il est transformé et 3 points sinon ; le drop vaut 4 points ; le coup-franc et la pénalité valent 3 points.
↑ a et bGeorge Davis et Harold von Schmidt ne font pas partie de la liste des médaillés dans la base de données du CIO, mais ils font tout de même partie de la sélection américaine et disputent le test match contre la France le .
↑ ab et cBien que Pierre Petiteau, Jean Bruneval et Alphonse Castex ne soient pas mentionnés dans la base de données du CIO (Petiteau, Bruneval et Castex), le site www.espnscrum.com les mentionne sur la feuille de match. Pierre Petiteau est également mentionné dans le livre Un siècle de rugby de Richard Escot et Jacques Rivière.
La version du 10 juin 2012 de cet article a été reconnue comme « bon article », c'est-à-dire qu'elle répond à des critères de qualité concernant le style, la clarté, la pertinence, la citation des sources et l'illustration.