La rue du Faubourg-Saint-Denis doit son nom au fait qu'elle traversait le hameau à l'extérieur du mur d'enceinte, symbolisé aujourd'hui par la porte Saint-Denis, situé sur l'ancienne route vers Saint-Denis, dénommé « faubourg Saint-Denis », attesté dans le plan de Turgot, et qui desservait l'abbaye de Saint-Denis. Le faubourg est primitivement un quartier « fors le bourg » (de l'ancien français « fors », issu du latin foris, « en dehors » et de borc, « bourg », forsborc vers 1200, forbours vers 1260[1]).
Cette voie est restée jusqu'à l'ouverture des boulevards de Strasbourg et de Sébastopol au milieu du XIXe siècle un élément de cet axe de communication majeur de Paris vers le nord de la France. La rue conduisait à la ville de Saint-Denis et à sa basilique où étaient enterrés les rois de France.
Jusqu'au cours du Premier Empire, la portion comprise entre la rue Saint-Laurent et la place de la Chapelle a porté le nom de « rue du Faubourg-Saint-Lazare », du fait qu'elle longeait la maison Saint-Lazare. Elle a également porté le nom de « rue du Faubourg-de-Gloire » à cause du voisinage d'un terrain qui portait ce nom[3].
Durant la Révolution, la rue porta brièvement le nom de « rue du Faubourg-Franciade » en 1793[4],[5], la commune de Saint-Denis ayant été renommée « Franciade[5] ».
Depuis quelques années, un processus de gentrification dans la partie basse de la rue s'est amorcé entre la porte Saint-Denis et le boulevard Magenta[6]. Ainsi, la rue fait figure de trait d'union entre deux Paris : le Paris bourgeois des quartiers centraux et le Paris populaire des arrondissements du nord. Elle reste donc aujourd'hui une rue populaire et à forte population immigrée, tout en étant devenue un nouveau lieu de la jeunesse branchée parisienne[7].
Bâtiments remarquables et lieux de mémoire
Mistinguett, bien que née à Enghien-les-Bains, a popularisé le faubourg en chantant Je suis née dans le faubourg Saint-Denis.
No 12 : le passage du Prado fait la jonction en « L » entre la rue et le boulevard Saint-Denis, ouvert en 1785 sous le nom de « passage du Bois de Boulogne », il a été couvert en 1925 ; il est réputé pour sa décoration Art déco.
Au no 16 se trouve le restaurant Julien, un ancien bouillon devenu brasserie chic, Chez Julien, dont la réputation des profiteroles fait le tour de Paris. Le restaurant et l'immeuble qui l'abrite sont classés monuments historiques[8], décor Art nouveau, on peut y voir des panneaux peints sur pâte de verre de Louis Trézel. À cet emplacement avait été fondée en 1787 une auberge à l'enseigne du Cheval Blanc, qui sera par la suite un des premiers cafés-concerts[9].
No 19 : en 1834, domicile du peintre, graveur et enseignant Jean Éloi Malenfant (1802-après 1855)[10].
Au no 21 se place le Café Saint Denis, un bistrot traditionnel imprégné de l'esprit populaire et de la chaleur des habitants locaux.
no 23 : emplacement d'une salle d'entraînement de boxe ouverte par Jean Bretonnel[11].
No 45 : la plus ancienne pharmacie de Paris, la pharmacie Vée, a été fondée ici en 1783, à l'angle de la rue du Faubourg-Saint-Denis et de la rue d'Enghien.
No 46 : le passage Brady, inauguré en 1828, abritait à l'origine des magasins de vêtements ; aujourd'hui, il est réputé pour ses restaurants pakistanais, devenant ainsi le quartier pakistanais de Paris, parfois surnommé Little Islamabad.
Au no 57 se trouvait le Central sporting club, salle de boxe au gymnase Christmann. Une scène du film L'Air de Paris (1954), avec Jean Gabin, a été tournée au Central ; la salle est fermée en 1968, occupée depuis par l'école de théâtre Jacques-Lecoq.
Au no 60 se trouvait la Manufacture de porcelaine du faubourg Saint-Denis, fondée par Pierre Antoine Hannong (1761-1785), en 1771 ou 1772, qui sera sous la protection du second frère du roi Louis XVI, Charles-Philippe, comte d'Artois. Cette manufacture sera reprise en 1798 par Marc Schœlcher, fermée et finalement vendue en 1834[12],[13]. C'est dans ce lieu qu'est né son fils, Victor Schœlcher, le .
Au no 61 bis se trouve l'entrée de la cour des Petites-Écuries, située sur l'emplacement qu'occupaient les petites écuries royales à la fin du XVIIIe siècle.
À l'actuel no 65 est né le président Félix Faure ; sur son acte de naissance, en 1841, il est noté « demeurant rue du Faubourg-Saint Denis, 71[14] » ; après enquête du Petit Journal[15], le no 71 correspondait alors au no 65 actuel.
No 85 : l'ancien atelier parisien du peintre, photographe et graveur français et fondateur du Centre national d'art contemporain de la villa Arson, Henri Maccheroni.
Nos 99, 101, 103 et 105 : plusieurs bâtiments du début du XVIIIe siècle, construits par les pères de la Mission de la Maison de Saint-Lazare, afin de les louer à des séculiers ; ces bâtiments sont toujours visibles.
Au no 110 se trouvait l'échoppe de coiffeur de la famille Reggiani ; Serge Reggiani évoque la rue dans une chanson autobiographique (Le Barbier de Belleville).
Le dernier tronçon de la rue du Faubourg-Saint-Denis est surnommé Little Jaffna, c'est ici que se retrouvent les Tamouls de la région parisienne qui ont fui le Sri Lanka en guerre civile dans les années 1980. Le Ganesh Chaturthi y est fêté, et de nombreux commerces indiens ou srilankais s'y sont implantés[17].
No 132 : un bureau de renseignements pour les ouvriers français travaillant en Allemagne permissionnaires est ouvert à cette adresse durant l'occupation allemande.
No 176 : plaque commémorative du Réseau AGIR, à la mémoire de Michel Hollard et de trois membres de son réseau, arrêtés le au Café des Chasseurs, alors situé à cette adresse.
↑Adolphe Alphand (dir.), Adrien Deville et Émile Hochereau, Ville de Paris : Recueil des lettres patentes, ordonnances royales, décrets et arrêtés préfectoraux concernant les voies publiques, Paris, Imprimerie nouvelle (association ouvrière), (lire en ligne), « Décret du 21 avril 1866 », p. 366-367.