Né dans une famille de la bourgeoisie parisienne, René Crevel suit sa scolarité au lycée Janson-de-Sailly, où il rencontre Jean-Michel Frank (qui devient décorateur) et Marc Allégret (qui devient cinéaste). Après son bac, il fait des études de lettres et de droit à la Sorbonne mais délaisse les cours pour la lecture ou les discussions avec des artistes. Il fait la connaissance de Marcelle Sauvageot. Il n'a que 14 ans quand son père se suicide[3].
Pendant son service militaire, il rencontre Roger Vitrac et Max Morise. Il fait la connaissance d'André Breton en 1921 et rejoint les surréalistes. À la fin de 1922, il entraîne le groupe dans les expériences des « sommeils forcés », que Breton accepte avec bonne volonté dans un premier temps. Crevel impressionne par la qualité de son éloquence au point que celui-ci regrettera que les séances n'aient pu être enregistrées : « Nous aurions eu un document inappréciable, quelque chose comme le « spectre sensible » de Crevel. »
Exclu du mouvement en octobre 1925, il rejoint Tristan Tzara et dada. Il participe comme acteur à la mise au point de la pièce de Tzara Cœur à gaz dans un costume dessiné par Sonia Delaunay. Pour elle, il écrit l'article Les Robes de Sonia Delaunay, dans lequel il exalte le talent de l'artiste[4]. En 1926, il est atteint de tuberculose. En 1929, l'exil de Léon Trotski l'amène à renouer avec les surréalistes. Fidèle d'André Breton, il s'épuise à essayer de rapprocher surréalistes et communistes. Membre du Parti communiste français depuis 1927, il en est exclu en 1933.
Il s'investit beaucoup dans l'organisation du Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, en 1935, où s'inscrit le groupe surréaliste[5]. Breton est désigné comme porte-parole. Cependant, par suite d'une violente altercation avec Ilya Ehrenbourg, qui représente la délégation soviétique, ce dernier obtient l'interdiction de parole de Breton et son exclusion du congrès[6].
René Crevel, qui ne peut pas imaginer l'absence des surréalistes à ce congrès, en sort désabusé et écœuré. De plus, il vient d'apprendre, le 16 juin, qu'il souffrait d'une tuberculose rénale alors qu'il se croyait guéri[7]. La nuit suivante, il se suicide au gaz dans son appartement, après avoir griffonné sur un papier « Prière de m'incinérer. Dégoût »[8].
« ...il était tuberculeux. Perdu. Mais cachait avec tant de courage sa maladie. Je ne pourrai jamais oublier son visage. Tant de fraîcheur, de générosité, de passion, en lui ; de dégoût pour les choses basses, de violences contre un monde bourgeois ... il y a deux semaines, nous étions à côté l’un de l’autre, à une réunion du congrès ... et voilà, Crevel est mort. Pas dans notre souvenir ... »
Tandis que Klaus Mann, un ami proche, résume dans son livre Le Tournant : "Il se suicida parce qu'il avait peur de la démence, il se suicida parce qu'il tenait le monde pour dément"[9].
« Crevel, écrivait André Breton en 1952 dans ses Entretiens, avec ce beau regard d'adolescent que nous gardent quelques photographies, les séductions qu'il exerce, les craintes et les bravades aussi promptes à s'éveiller en lui... à travers tout cela c'est l'angoisse qui domine. Il est d'ailleurs psychologiquement très complexe, contrecarré dans une sorte de frénésie qui le possède par son amour du XVIIIe et particulièrement de Diderot. »
René Crevel a entretenu une relation amoureuse avec le peintre américain Eugene McCown[10],[11], modèle d'Arthur Bruggle dans La mort difficile, ainsi qu'avec Mopsa Sternheim à partir de 1928[12]. Sa dernière compagne sera la comtesse argentine « Tota » de Cuevas de Vera[13].
1928 : L'Esprit contre la raison, Marseille, Les Cahiers du Sud ; rééd. sous le titre L'Esprit contre la raison et autres écrits surréalistes, préface de Annie Le Brun, Paris, Pauvert, 1986.
1930 : Paul Klee, Paris, Gallimard, coll. « Les peintres nouveaux » ; rééd. Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana (2011)
1931 : Dalí ou l'anti-obscurantisme, Paris, Éditions surréalistes.
1932 : Le Clavecin de Diderot, Paris, Éditions surréalistes ; rééd. Pauvert, préface de Claude Courtot (1966) ; éditions Prairial (2015) — Wikisource.
1933 : Les Pieds dans le plat, Paris, Éditions du Sagittaire — Wikisource.
Publications posthumes
1936 : Le Roman cassé [1934-1935], publication partielle par Tristan Tzara dans la revue Inquisitions ; édition complète sous le titre Le Roman cassé et derniers écrits, préface de Louis Janover, Paris, Pauvert, 1989.
1996 : Lettres de désir et de souffrance, préface de Julien Green, Paris, Fayard.
1997 : Lettres à Mopsa, textes établis et présentés par Michel Carassou, paris, Paris-Méditerranée, coll. « Cachet Volant ».
2010 : Elle ne suffit pas l'éloquence, gravures de Jean-Pierre Paraggio, postface de Michel Carassou, Brest, Éditions Les Hauts-Fonds.
2013 : Les Inédits. Lettres, textes, édition établie, préfacée et annotée par Alexandre Mare, Paris, Le Seuil.
2013 : Lettre pour Arabelle et autres textes, avec en addenda Vif de Franck Guyon et À propos du suicide de René Crevel de David Gascoyne, Angoulême, éditions Marguerite Waknine.
2014 : Œuvres complètes, 2 tomes, édition établie, préfacée et annotée par Maxime Morel, Paris, Éditions du Sandre.
2016 : La sagesse n'est pas difficile, correspondances inédites, édition établie par Alexandre Mare, Toulon, Éditions de la Nerthe.
Bibliographie
René Char, La parole en archipel - Au-dessus du vent : Le pas ouvert de René Crevel , Paris, Gallimard, 1962[15]
Claude Courtot, René Crevel, Paris, Seghers, coll. « Poètes d'aujourd'hui », 1969
(it) Paola Dècina Lombardi, René Crevel o il Surrealismo come rivolta, Genève-Paris, Slatkine, 1988
Michel Carassou, René Crevel, Paris, Fayard, 1989
(de) Torsten Daum, René Crevel. Eine Verständigung mit fiktivem Gespräch, Berlin, 1989
René Crevel ou l'esprit contre la raison : actes du colloque international, Bordeaux, 21 au 23 novembre 2000, études réunies par Jean-Michel Devésa, Lausanne, L'Âge d'Homme, 2002 (ISBN9782825116883)
(en) Lawrence R. Schehr, French Gay Modernism, Urbana [etc.], University of Illinois Press, 2004 (ISBN9780252029455)
Patrice Trigano, L'Amour égorgé, Paris, éditions Maurice Nadeau, 2020 (roman inspiré par la vie de René Crevel)
Salvador Dali, Journal d’un génie, Paris, Éditions de la Table ronde, 1964 ; réed. Gallimard, coll. "L'imaginaire", 1994, pp. 85-91. [Sur les circonstances de la mort de Crevel.]
↑Jérôme Kagan, Eugene McCown, démon des Années folles, Paris, Séguier, , 480 p. (ISBN9782840497882), p. 133-457
↑(en) Mo Amelia Teitelbaum, « René Crevel and Eugene McCown - a Transatlantic Partnership », dans The Stylemakers. Minimalism and Classic Modernism 1915-1945, Londres, Philip Wilson Publishers, (ISBN978-0-85667-703-8, lire en ligne), p. 69-70.
↑« Crevel crève-coeur. Une correspondance passionnée avec la fille de Carl Sternheim, où l'écrivain surréaliste pousse l'élégance jusqu'à trouver des bonheurs dans son malheur.
René Crevel, Lettres à Mopsa, Textes établis et présentés par Michel Carassou. Paris Méditerranée, 166 pp., 110 F. », Libération.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑René Crevel, Les Inédits: lettres, textes, Paris, Le Seuil, (ISBN9782021034356)
↑Ré-édition au Livre De Poche, collection «Biblio», 1987.