La trajectoire de Roger Gilbert-Lecomte trouve ses racines dans le parcours de quatre jeunes lycéens à Reims, regroupés sous le nom des Phrères simplistes: Lecomte, Meyrat, Daumal et Vailland. Très jeunes, ils se posent la question d'un point de rencontre entre le visible et l'invisible, et tentent, à travers divers moyens (stupéfiants, (à dix-sept ans au moins, usage de « toxiques », comme Lecomte le confesse dans une lettre à Roger Vailland, perte de la notion d'espace, de temps, privation de sommeil, et plus précisément pour Lecomte, excès en tout et pour tout), d'« expérimenter Dieu ».
Malgré une persistante réputation de poète maudit, Roger Gilbert-Lecomte a été soutenu par des personnalités importantes, comme l'éditeur Léon Pierre-Quint, qui le soutient financièrement ou comme Jean Paulhan, qui le fait publier dans la NRF de Drieu la Rochelle, à des fins thérapeutiques, puis à titre posthume, en 1955 dans sa collection « Métamorphoses ». Les éditions Fata Morgana lui donnent une livrée à sa mesure ; Roland Dumas assure la défense juridique d'une œuvre posthume dont tous les ayants droit ne souhaitaient pas qu'elle vît le jour.
Lecomte ne laissera que peu d'écrits, suivant jusqu'au bout son processus d'autodestruction pour retourner « dans le ventre de la mère, plonger dans l'abîme, et retourner à l'un, Absolu ». Dans ses correspondances, une lettre à son ami René Daumal, marque sa volonté de continuer jusqu'au bout : « Toi, tu es foutu poète ! » lui écrit-il.
Roger Gilbert-Lecomte reste toutefois un auteur méconnu, à l'instar de certains de ses partenaires du Grand Jeu. Cela est dû en partie aux pressions exercées sur eux par le surréaliste André Breton, lorsque ces derniers refusèrent d'adhérer au surréalisme, considérant ce mouvement comme une bureaucratie ayant abandonné ses idéaux. Mais il faut reconnaître aussi que cette marginalité par rapport au surréalisme a rendu les auteurs du Grand Jeu très identifiables[3].
Le Grand Jeu, revue (la collection complète, c'est-à-dire les numéros 1, 2 et 3, ainsi que les épreuves du numéro 4 jamais paru, a fait l'objet d'un reprint par les éditions Jean-Michel Place en 1977).
La Vie, l'Amour, la Mort, Le Vide et le Vent, éditions des Cahiers libres, 1933. Rééd. par les éditions Prairial, 2014.
Le Miroir noir, coll. « les feuillets de Sagesse », éd. Tschann, 1937. Rééd. à la suite du précédent recueil par les éditions Prairial, 2014.