L'année 1988 est, pour les Tchèques, l'anniversaire de plusieurs événements historiques fondamentaux tous relatifs à leur indépendance : 1918 marque la création de la Tchécoslovaquie, 1938 les accords de Munich, 1948 le coup de Prague, 1968 le Printemps de Prague et l'invasion par les armées du Pacte de Varsovie. Les autorités communistes intensifient alors la répression contre les activités de la Charte 77. Cependant, quelques manifestations notables ont lieu dans toute la Tchécoslovaquie, telles que :
le , manifestations à Prague (anniversaire de la proclamation de la république en 1918)[1] ;
le , manifestation autorisée pour la défense des droits de l'homme sur la place Škroupovo à Žižkov ;
le et , « semaine Palach », une série de manifestations commence le 15 janvier dans le cadre de l'anniversaire de la mort de Jan Palach[2];
le , manifestation commémorative contre l'intervention des armées du pacte de Varsovie ;
L’État socialiste tchécoslovaque était, en réalité, très fragilisé par cette prise de parole des citoyens. Celui-ci commence à vaciller quand des milliers de citoyens est-allemands prennent la fuite de l’Allemagne de l’Est quand ils apprennent l’ouverture de la frontière hongroise au mois de et l’ambassade d'Allemagne fédérale à Prague se transforme en un camp de réfugiés pour plusieurs centaines de personnes que le gouvernement est-allemand ne peut plus empêcher de partir.
À Prague, l’intelligentsia avait alors un prestige inégalé et jouait un rôle très important dans la conscience nationale. Václav Havel, dramaturge bien connu et récemment sorti de prison où il avait passé cinq années, prit bientôt la tête des manifestations contre la dictature. L’État communiste était donc attaqué sur deux fronts en même temps par des gens qui n’avaient plus peur de proclamer leurs aspirations : la démocratie, un État de droit, la liberté de penser et la liberté religieuse, ce qui allait provoquer sa chute.
Révolution de novembre
Les événements débutèrent le avec une manifestation pacifique d’étudiants à Bratislava. Le lendemain, une autre manifestation pacifique à Prague fut réprimée par la police, entraînant à son tour une série de manifestations populaires du 19 au .
Mémorial aux manifestations du , Prague.
Détail.
Le , dans les rues de Prague, la police anti-émeutes disperse une manifestation pacifique de 15 000 étudiants[3],[4]. La rumeur fausse, annoncée par Radio Free Europe, selon laquelle l’intervention musclée aurait fait un mort, n’a pas découragé les manifestants pacifiques. Leurs manifestations se multiplièrent : du 19 au , leur nombre passa de 200 000 à 500 000[5].
Le , Milouš Jakeš, secrétaire général du Parti unique inféodé à l’Union soviétique, est remplacé par un jeune nouveau venu : Karel Urbánek[6]. Le le nombre des manifestants atteint 800 000. Le , une grève générale paralyse le pays durant deux heures. Dans le contexte de la chute des régimes communistes en Europe et des manifestations grandissantes, le Parti unique annonça le qu’il abandonnait le pouvoir et demanda à l’Assemblée fédérale d’abolir l’article de la Constitution qui lui attribuait le rôle dirigeant dans la société et l’État. De jure comme de facto, cela autorisait la création d’autres partis politiques et des élections à candidats multiples. Les fils de fer barbelés et électrifiés furent retirés des frontières ouest-allemande et autrichienne le . Le , le président communiste Gustáv Husák intronisa le premier gouvernement largement non-communiste depuis 1948, et démissionna[3],[7], réalisant qu’il ne pouvait plus compter sur l’aide de l’Union soviétique, engagée dans la glasnost et la perestroïka. Le « père » du socialisme à visage humain de 1968, Alexander Dubček, fut élu président de l’Assemblée fédérale le , et Václav Havel président de République tchécoslovaque le [3]. Le nouveau président n’envisageait pas du tout l’accès à ce poste dans les jours précédant la chute de la dictature, et dut se faire un peu prier pour accepter : aussi, son mandat devait expirer 40 jours après les premières élections parlementaires libres qui devaient suivre.
Sur certains calicots brandis par les manifestants, le nombre 89 était retourné de telle manière qu’on pouvait y lire 68. 1968 et 1989 : la tentation était grande de voir dans la révolution de Velours la reprise du printemps de Prague, interrompu durant deux décennies par la « normalisation ».
Au cours de cette Révolution de Velours il n’y eut pas d’effusion de sang. Le pays venait de vivre un coup de Prague à l’envers.
Nouveau régime
Après des négociations entre Tchèques et Slovaques, le pays prit le nouveau nom officiel de République fédérale tchèque et slovaque. L’une des conséquences de la révolution de Velours fut l’élection en du premier gouvernement démocratique et entièrement non-communiste en plus de quarante ans. Marián Čalfa, membre du parti communiste jusqu'à la dissolution de ce dernier, demeura chef du gouvernement et continua jusqu'en 1992 d'assurer la transition démocratique.
Une conséquence secondaire de la révolution fut l'engouement soudain des consommateurs pour les « nouveautés » dont ils avaient été privés – pour la plupart d'entre eux – pendant des années ; de très nombreuses marques apparurent dont ils n'avaient jamais entendu parler, et les marques locales souffrirent d'une baisse de popularité (à l'exception des produits autrefois destinés à l'export, perçus comme étant de meilleure qualité).
Les anciens dirigeants communistes se rallièrent en masse – en tous cas par la rhétorique – à la nouvelle donne démocratique, et fournirent la majorité des cadres qui, sous l'égide du premier ministre puis président Václav Klaus, forment aujourd'hui la classe dirigeante de la République tchèque.
↑« Manifestation à Prague pour le soixante-dixième anniversaire de l'Etat L'opposition brave le régime en Tchécoslovaquie en dépit de la répression », Le Monde, (lire en ligne)
↑« Tchécoslovaquie. Le rassemblement à la mémoire de Jan Palach a été brutalement dispersé par la police », Le Monde, (lire en ligne)
↑« L'Histoire s'est remise en marche à Prague Après la formation d'un gouvernement à majorité non communiste le président Husak a présenté sa démission », Le Monde, (lire en ligne)