Composées durant l'été 1924, après l'achèvement de la Cinquième symphonie pour orgue op. 47, les mélodies sont dédiées à Madeleine Richepin, cousine du poète et compagne du compositeur, qui en assure la première audition en 1930 à la Société nationale de musique. La partition est publiée en 1927 par les éditions Lemoine.
De fait, « c'est Richepin lui-même qui choisit pour Vierne poèmes et titres, puis qui les répartit en quatre suites, aux noms empruntés au calendrier révolutionnaire : Floréal, Thermidor, Brumaire, Nivôse[3] ». Jean Richepin est un cousin de Madeleine, qui lui a présenté le musicien[4]. Les deux hommes ont immédiatement sympathisé : « Il faut dire que le poète « forte gueule » est un rien anarchiste, avec une âme bohème et un caractère très indépendant[5]… »
Création
La première audition du Poème de l'amour a lieu lors d'un concert de la Société nationale de musique, par la dédicataire Madeleine Richepin accompagnée par le compositeur, à une date non précisée durant l'année 1930[6]. La partition était éditée depuis 1927 par les éditions Lemoine[6].
Présentation
Mélodies
Le Poème de l'amour comprend quinze mélodies réparties en quatre grandes sections :
I. Floréal
« Le jour où je vous vis » —
« Au jardin de mon cœur » —
« Le Bateau rose » —
II. Thermidor
« Donne-moi tes baisers » —
« Le trésor » —
« Rondeaux mignons » —
« Abdication » —
III. Brumaire
« Sonnet d'automne » —
« Les Sorcières » —
« Air retrouvé » —
« Le Bateau noir » —
IV. Nivôse
« Jour d'hiver » —
« Souvenir » —
« Angoisse » —
« Sombres plaisirs » —
Analyse
Bernard Gavoty expose « le dessein de l'argument poétique qui est d'assimiler les étapes de l'amour aux saisons de l'année, mais est-il besoin d'ajouter que celles-ci se répartissent fort inégalement, que les beaux jours sont rares et les mauvais nombreux[3] ? »
Ainsi, « l'analogie avec Les Amours du poète est assez sensible, au moins dans le dessein général, et si un demi-siècle sépare Henri Heine de Richepin, on ne peut dire que le plus moderne des deux témoigne d'un romantisme assagi : ce sont les mêmes extases, les mêmes mélancolies et les mêmes angoisses » et, « mise à part la question du rapprochement poétique, les mérites musicaux de l'œuvre sont indéniables[7] ». Franck Besingrand souligne « l'adéquation parfaite entre le texte souvent enflammé, exaltant le sentiment amoureux, et la trame musicale imaginée par Vierne, sa « dramaturgie » en quelque sorte[5] ». Le compositeur Jean Huré se montre sensible à ce que ces mélodies contiennent « des émotions variées, de la plasticité musicale[8] ».
Les audaces n'y manquent pas : Le bateau noir nous mène, « par la violence de sa ligne vocale — décuplée par des unissons rageurs du piano — à la limite de la folie… Cette musique, par sa conclusion abrupte, presque terrifiante, semble vouloir nous précipiter dans quelque abîme[9] ! » Plus encore, « la dernière mélodie, Sombres plaisirs, par sa seule force, évoque le destin de Vierne : c'est peu dire la violence et la révolte qui se dégagent du discours haché, avec un piano véritablement survolté, semblant vouloir briser le cadre du poème[10]… »