Marcel Kibler est le fils de Martin Kibler, qui sera longtemps maire de Saint-Amarin, et de Valentine Haller. Sa famille est profondément francophile[2],[3].
Il suit une formation de décoration dans une école à Zurich, puis il est embauché aux ateliers de teinture Breuil dans son village natal. Il y crée l’impression sur tissus et devient le directeur technique de l’entreprise.
Le , il épouse Marcelle Chaillet, née le à Maussans.
Campagne de France
En 1940, il participe à la campagne de France au sein du 189e régiment d'artillerie lourde. Avec son régiment, il combat sur la ligne Maginot dans la Sarre puis en Belgique. Son régiment se repli sur Abbeville puis en combattant jusque dans le massif central où il reçoit l'ordre de rejoindre la côte pour embarquer pour l'Afrique du Nord. Quand l'armistice est déclaré, il est à Castre. Marcel Kibler termine la guerre avec le grade de sous-lieutenant. Il attend sa démobilisation, le 18septembre 1940, pour revenir en Alsace annexée dans un convoi dont il est le responsable[2].
Actions dans la Résistance
Fin septembre, il est contacté par Paul Dungler, un ami politique, qui lui propose de créer une organisation clandestine. Une réunion avec Paul Dungler, Jacques Léonhart et Paul Winter a lieu à l'usine du Breuil de Saint-Amarin pour créer les bases de la Septième colonne d'Alsace (Réseau Martial) qui a pour but de lutter contre l'envahisseur par tous les moyens possibles. Les premiers recrutements se font dans un cercle d'amis restreint[4].
Marcelle, la femme de Marcel Kibler n'étant pas Alsacienne, la famille est convoquée le 15octobre 1940 à la mairie de Saint-Amarin pour y signer une déclaration de soumission au troisième Reich devant le Kreisleiter[2]. Après avoir refusé de signer la famille est expulsée le 9décembre 1940 comme environ 45 000 Alsaciens classés indésirables[5].
Dans un premier temps, la famille se réfugie à Montoulieu en zone libre. En 1erfévrier 1941, Marcel Kibler quitte sa famille et rejoint à Lyon Paul Dungler, qui, prévenu de son arrestation imminente, s'est évadé d'Alsace. Des contacts sont pris avec les officiers de l'armée de Vichy. Par l'intermédiaire, entre autres, de Jean Eschbach à Poligny, Julien Dungler à Bâle ou la filière de Nicolas Luttenbacher, des liaisons sont mises en place avec l'Alsace. Un poste de commandement (PC) est installé à Lyon, cours Tolstoï dans la clinique du docteur Poujadoux[2]. Une stratégie est établie pour obtenir des renseignements économiques, militaires et politiques en Alsace mais aussi en Allemagne grâce à des contacts avec des industriels allemands anti-nazis et aux facilités de déplacement des Alsaciens au sein du troisième Reich[Notes 1]. Un poste de radio est envoyé en Alsace, mais son efficacité est limitée, les renseignements continuent à être acheminés, principalement, par les filières humaines[4].
Marcel Kibler prend le nom de code de « Marceau », qui est le prénom que son entourage lui donne pour ne pas le confondre avec celui de son épouse Marcelle[2].
Rapidement, devant l'ampleur que prend le réseau et pour des raisons de sécurité, le PC est déplacé dans une maison de retraite tenue par des sœurs à Couzon-au-Mont-d'Or où Marcel Kibler est rejoint par sa famille.
En avril 1942, Paul Dungler est arrêté par la police française. Marcel Kibler rencontre, par l'intermédiaire du docteur Ménétrel, le maréchal Pétain, qui couvre et finance la Septième colonne d'Alsace[Notes 2]. Informé de l'arrestation, le maréchal fait libérer Paul Dungler[2]. À son retour à Lyon, ce dernier est déjà libre. Le même mois, le réseau organise, à la demande des services de renseignements, l'évasion du général Giraud de forteresse de Königstein. Après cette opération, Paul Dungler et Marcel Kibler décident de créer des groupes de combat, les Groupes Mobiles d'Alsace (GMA), pour libérer l'Alsace.
En juillet 1943, les deux responsables, décident de créer, sur le modèle du GMA SUD, un groupe en Suisse avec les Alsaciens réfugiés dans ce pays. C'est le commandant Ernest Georges qui est chargé de cette tâche.
En août 1943, Paul Dungler part pour l'Algérie, Marcel Kibler prend le commandement de la Septième colonne d'Alsace (réseau Martial).
En mars 1944, Marcel Kibler devient responsable de la Résistance pour l'Alsace. Il décide de créer un GMA dans les Vosges. Il prend comme chef d'état-major, Jean Eschbach et déplace son PC à Raon-l'Étape pour être plus près de l'Alsace. Il s'investit plus particulièrement dans le GMA Vosges avec lequel il combat jusqu'au 30octobre 1944.
Le 5juin 1944, il effectue un dernier déplacement à Lyon, où il organise une réunion pour coordonner la mise en action des GMA Sud et Suisse. Il y rencontre le lieutenant Bernard Metz (GMA Sud) et le commandant Ernest Georges (GMA Suisse).
Grâce à la filière d'évasion dirigée par René Stouvenel avec le concours des employés des Eaux et Forêts de Grandfontaine, à deux reprises, au mois de juin et juillet 1944, il franchit clandestinement la frontière alsacienne pour diriger les réunions de Grendelbuch qui organisent de la Résistance alsacienne en vue de la libération de la région[4]. À l'issue de la seconde, il est reconnu comme le chef des Forces françaises de l'intérieur (FFI) d'Alsace[6].
Après les combats du 4septembre 1944 à la ferme de Viombois et les représailles qui ont suivi, le GMA Vosges n'est plus en mesure de jouer un rôle majeur dans la libération de l'Alsace. Avec la poignée de combattants restants, Marcel Kibler mène un combat de guérilla jusqu'au 30octobre 1944, date à laquelle il franchit les lignes et rejoint la 2e DB[2],[6],[3].
Il reprend le commandement des FFI d'Alsace qui vont jouer un rôle important, surtout pour la défense de Strasbourg, lors de la contre-offensive allemande de l'opération Nordwind au début de janvier 1945[4].
Le 10février 1945, les FFI sont dissous, mais le long du Rhin, c'est encore le front. Les FFI d'Alsace ne peuvent être renvoyés dans leur foyer, car ils tiennent des positions le long du fleuve. Ils sont renommés « Bataillon de Volontaires du Rhin » et restent sous son commandement jusqu'à leur démobilisation le 25avril 1945[2].
« Remarquable organisateur et entraineur d'hommes animé du plus pur esprit de patriotisme. Organisateur de la Résistance Alsacienne depuis 1940 - Chef de la Résistance depuis septembre 1942. A fait de cette organisation un modèle d'union et de dévouement désinteressé à la cause de la France communiquant à tous sa foi inébranlable dans la victoire.
En août et septembre 1944 a participé à plusieurs engagements dans les forêts des Vosges, faisant preuve d'un très grand sens tactique du combat de partisans et d'un courage magnifique.
En novembre et décembre 1944, en tête des FFI d'Alsace a contribué pour une large part aux succès des Armées Françaises et Alliées sur Strasbourg et en Haute-Alsace. »
« Magnifique chef entraîneur d'hommes.
Par son action personnelle a puissamment contribué pendant les journées tragiques du 3 au 5 janvier 1945 à conserver la ville de Strasbourg abandonnée par les troupes américaines et dont les abords nord et sud ont été défendus par les seules unités F.F.I. d'Alsace - Brigade Alsace Lorraine et F.F.I. du Bas-Rhin, jusqu'à l'arrivée des premiers éléments de l'Armée Française, le 5 janvier.
A ensuite participé, de janvier à avril 1945, comme commandant du bataillon des volontaires du Rhin, issu des F.F.I. d'Alsace à tous les combats qui amenèrent la libération définitive du Territoire Français. »
Reconnaissance
Une stèle se situant au lieu-dit « Étoile II », à proximité du col du Donon. Elle porte la mention suivante[8] :
« A la mémoire du passage du commandant Marcel Kibler, alias Marceau, et du capitaine Jean Eschbach, alias Rivière, dans la nuit du 16 au 17 juin 1944 en Alsace pour assister à une réunion des chefs de la Résistance alsacienne à Grendelbruch (Bas-Rhin). Stèle inaugurée le dimanche 16 juin 1974. »
↑L'annexion de fait de l'Alsace, déplace la frontière allemande sur le tracé de 1871. Les alsaciens, considérés comme Allemands par les autorités nazis peuvent se déplacer sur tout le territoire du Reich.
↑La Septième colonne d'Alsace (pour les renseignement de l'armée de Vichy) ou réseau Martial (pour les alliés) est financée, en toute connaissance de cause, par les deux parties auxquelles elle transmet ses renseignements. Le maréchal Pétain continuera à financer sur ses fonds secrets personnels jusqu'en 1944.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Eric Le Normand, Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens (AERIA) (ill. Christophe Clavel), La Résistance des Alsaciens, Paris, Fondation de la Résistance, Département AERI, (ISBN978-2-915742-32-9).
André Simon, Marcle Kibler raconte la résistance Alsacienne, Jérôme Do Benteinger, , 262 p. (ISBN9782849601372).
Jean de Poligny, G.M.A Vosges : D'après les souvenirs du capitaine Rivière, , 245 p.
Raymond Horber, Fédération des Sociétés d'Histoire et d'Archéologie d'Alsace, « Kibler Marcel », dans Nouveau Dictionnaire de biographie alsacienne, t. 20, Strasbourg, Société d'Edition de la Basse-Alsace, .
Bertrand Merle, Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens (AERIA) (préf. Victor Convert, intro. Marie-Claire Vitoux), « Réseaux, organisations, filières », dans 50 mots pour comprendre la Résistance alsacienne, Strasbourg, Éditions du Signe, , 196 p. (ISBN978-2-7468-4334-9), p. 56-64.
Marie Heidmann, « Le rôle de la Résistance raconté par le commandant Mardeau », Les saisons d'alsace, Dernières Nouvelles d'Alsace, no Hors-série, , p. 86-91.