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Une manifestation d'art contemporain est un rassemblement, le plus souvent un ensemble d'expositions de galeristes, présentant des artistes. Ces manifestations ont plusieurs intérêts :
offrir une vitrine internationale à des artistes encore vivants ;
dans le cas des foires d'art contemporain, permettre la vente d'œuvres,
mettre en évidence les grandes tendances dans la création artistique[1],[2].
Les manifestations les plus importantes se tiennent dans des lieux où le marché de l'art contemporain est particulièrement actif, d'où une prédominance des manifestations aux États-Unis et en Europe. En 2005, selon le journal Le Monde, les principales foires (manifestations tournées vers la vente) ont désormais lieu à Bâle (Art Basel), New York (The Armory Show(en)), Miami (Art Basel Miami Beach) et Londres (Frieze Art Fair). Paris, place importante du marché de l'art au début du XXe siècle n'est plus au premier rang un siècle plus tard[1],[3],[4]. Parmi les manifestations d'art contemporain qui ne soient pas des foires, deux rendez-vous artistiques prédominent : la Biennale de Venise et documenta (à Cassel en Allemagne).
Le contexte : géopolitique de l'art
Si on se fie au rapport 2019 de l'économiste Clare McAndrew, les ventes mondiales d'art (art contemporain et autres) ont atteint 67,4 milliards de dollars en 2018. Les États-Unis reste le premier marché mondial de l'art, représentant 44 % des ventes en valeur, suivi du Royaume-Uni (21 % du marché) et de la Chine (20 % du marché). La France pèse 6 % du marché. Les foires d'art rassemblent grosso modo un quart des ventes au monde, mais correspondent davantage aux profils des acheteurs américains ou européens, âgés le plus souvent de 50 ans et plus. Les acheteurs asiatiques sont nettement plus jeunes, et utilisent beaucoup plus les marchés en ligne et les ventes aux enchères[5],[6],[7].
En 1989, l'exposition Magiciens de la terre au Centre Pompidou a voulu spécifiquement relativiser les critères des amateurs d'art, et leur faire découvrir notamment les arts contemporains non-occidentaux[4],[8]. « L'idée communément admise qu'il n'y a de création en arts plastiques que dans le monde occidental ou fortement occidentalisé est à mettre au compte des survivances de l'arrogance de notre culture », affirme à l'époque le commissaire de cette exposition, Jean-Hubert Martin, dans le catalogue associé à l'exposition. Depuis, des manifestations consacrées aux arts non occidentaux ont été créées et se perpétuent annuellement. Et des manifestations commencent à se répandre dans le pays de ces créateurs, pour favoriser l'émergence d'un marché local et aider ces créateurs à vivre de leur passion avec une notoriété également locale. Pour autant, autre biais, cette fameuse exposition des Magiciens de la terre de 1989 ne comprenait que 10 femmes sur 100 artistes exposés[9].
Les manifestations et foires d'art contemporain contribuent à concentrer l'attention des acheteurs à des dates définies, et rythment désormais le calendrier du marché[10].
Historique
Si les grandes expositions d'art contemporain existent depuis plusieurs siècles, le format des foires d'art contemporain a été inventé avec succès par un marchand d'art allemand, lorsqu'il crée en 1967 Art Cologne, et décide d'associer les galeristes aux artistes[11],[12]. Cette création est suivie en 1970 de celle d'Art Basel (avec des déclinaisons ensuite aux États-Unis,à Miami, puis en Asie, à HongKong), puis en 1974 de la FIAC à Paris, et d'autres foires à Madrid, Bruxelles, etc. Puis en 2003 de Frieze à Londres (avec diverses déclinaisons aux Etats-Unis : New York à partir de 2012 et à Los Angeles en 2019). Cette forme de manifestation d'art contemporain connaît un développement significatif dans les deux premières décennies du XXIe siècle avec 60 foires en 2000, et près de 300 en 2019[13].
Les expositions d'art contemporains de format plus traditionnel persistent également, avec notamment la Biennale de Venise, créée en 1893, et devenue une des grandes références en la matière, et documenta, à Cassel, créée en 1955, qui se tient tous les 5 ans pendant 3 mois[14]. Les biennales et triennales se multiplient. On en compte en 2019 près de 300, de taille et d’importance inégales, de Dakar à Moscou, de Sao Paulo à Gwangju (en Corée du Sud)[13].
2020 marque sans doute une rupture dans la multiplication et le succès de ces deux types de manifestation d'art contemporain, avec l'impact de la pandémie de Covid-19. La Tefaf de Maastricht, où se côtoie l'art contemporain et ancien, ferme en urgence en mars quatre jours plus tôt que prévu. Art Cologne, prévue au printemps, est reportée en novembre. Art Basel, à Bâle, change de planning, de juin à septembre,puis est annulée[15], Frieze Londres est reportée début octobre. Art Basel Hong Kong est annulée, pour son édition 2020[13],[16].
En parallèle, les expositions et ventes en ligne, dont le développement est significatif depuis le début du XXIe siècle, continuent à prendre de l'importance[13].
Afrique
Pour le philosophe Babacar Mbaye Diop, le vrai marché de l'art africain contemporain se trouve en Occident : c'est en Occident que sont implantés les principaux collectionneurs, les experts, le cadre juridique nécessaire à un tel marché, etc. L'art contemporain africain y serait même devenu « chic et tendance », avec des manifestations spécifiques telles que la foire 1:54 à Londres, créée en 2013, ou la foire AKAA à Paris, créée en 2016. Sur le continent africain, des manifestations d'art contemporain existent, telles que la Biennale de Dakar (depuis 1989), la Kenya Art Fair à Nairobi, ou la Joburg Art Fair(en) à Johannesbourg, par exemple. Des musées d'art contemporain s'ouvrent. Des galeries d'art contemporain s'ouvrent également dans les grandes villes et dans les capitales africaines. Mais le marché d'art contemporain est atone, au sens d'un système d’échanges où se rencontrent l’offre et la demande[17].
Ci-dessous, les principales manifestations d'art contemporain en Afrique, en dehors des musées.
Art Basel Hong Kong : la version hongkongaise de cette manifestation, en mars de chaque année, a rencontré rapidement du succès, et est considérée comme une ouverture sur la Chine[27]. L'édition de 2020 est cependant annulée, à la suite de l'épidémie de coronavirus[28] et remplacée par une exposition virtuelle[29].
Si les grandes expositions d'art contemporain existent depuis plusieurs siècles en Europe, le format des foires d'art contemporain y a été également créé par un marchand d'art allemand, Rudolf Zwirner, en 1967 avec Art Cologne[11],[12]. Cette création est suivie en 1970 de celle d'Art Basel, puis en 1974 de la FIAC à Paris. La création de Frieze à Londres suit en 2003.
Une des idées fortes pour attirer les acheteurs et collectionneurs du monde entier dans ces lieux est de donner également le sentiment que ces foires ne sont pas uniquement un événement commercial, mais constituent un moyen inégalé, pour des privilégiés, d'accéder à la création contemporaine[10].
Allemagne
Une exposition d'art contemporain est restée particulièrement notoire en Allemagne, la plus grande manifestation d'art contemporain du demi-siècle, l'exposition organisée en 1937 à Munich et 1938 à Berlin non pas pour promouvoir mais pour dénigrer l'avant-garde artistique (qualifiée à l'époque de « dégénérée » par le pouvoir nazi),. Cette manifestation était organisée par Joseph Goebbels, ministre à la propagande d'Hitler. Elle a attiré plus de 3 millions de visiteurs avec plus de 600 artistes exposés (sans l'avoir souhaité) dont par exemple Marc Chagall, Paul Klee, Vassily Kandinsky, Oskar Kokoschka, Oskar Schlemmer, László Moholy-Nagy, Max Beckmann, Johannes Itten, Max Ernst, Otto Dix, George Grosz, etc. Cette manifestation a démontré d'une certaine façon que la liberté dont témoigne la production d'art contemporain n'est pas neutre ni anodine. Elle a été reconstitutée en 1992[30].
Parmi les manifestations les plus connues, hors des musées, peuvent être citées :
documenta, à Cassel, créée en 1955, qui se tient tous les 5 ans pendant 3 mois[2],[1]. Après la Biennale de Venise, c'est sans doute, parmi les manifestations artistiques, qui ne soient pas une foire, la plus renommée[14].
Une tradition des manifestations d'art contemporain existe de longue date en France, avec notamment les salons organisés par les artistes, dont le Salon de peinture et de sculpture au XVIIIe siècle, puis le Salon des artistes français, une tradition que perpétue le salon Art capital, regroupant en fait quatre salons : le Salon des artistes français (déjà cité et créé en 1880), le Salon des indépendants (créé en 1884), le salon Comparaisons (créé en 1954/1956) et le Salon du dessin et de la peinture à l'eau (créé en 1949 pour le dessin, la peinture à l’eau ayant été ajoutée en 1954)[40]. Des manifestations collectives sont maintenant le fait des musées qui organisent des expositions (notamment, pour les institutions les plus connues, le Centre Pompidou, ou le Palais de Tokyo[41]), des galeries d'art, et des manifestations ponctuelles, quelquefois régies par une périodicité (annuelle, biannuelle, triannuelle, ..). Une de ces manifestations parisienne annuelle les plus connues internationalement reste la FIAC, la foire parisienne d'art contemporain créée en 1974[42]. Depuis 2003, Jennifer Flay en est la directrice artistique et a su redonner en quinze ans de l'importance à cette foire qui n'était quasiment plus fréquentée, dans les années 1990, par les marchands d'art étrangers[43]. Dans les autres institutions culturelles françaises, l'art contemporain est quelquefois utilisé pour s'ouvrir à un public plus jeune et renouveler la fréquentation. C'est le cas par exemple au Musée de la chasse et de la nature, gérée par une fondation privée[44]. Principales manifestations hors des musées :
FIAC ; créée en 1974, cette manifestation se déroule chaque année au Grand Palais et dans la Cour carrée du Louvre, à Paris, en octobre, et dure une semaine. Cette manifestation d'art contemporain s'arrête en 2021. L'organisation d'une nouvelle manifestation utilisant le même créneau de dates est en effet en effet confiée en 2022, par la direction de la RMN-Grand Palais, au groupe suisse MCH, propriétaire de la foire Art Basel[45]. La nouvelle manifestation est appelée Paris +[46].
Salon des artistes français, une manifestation historique qui a succédé en 1883 au Salon et qui est regroupé avec trois autres salons au sein d'Art capital[40].
Grande-Bretagne
Le marché de l'art en Grande-Bretagne a entamé au début des années 2000 une mutation réussie qui lui a permis de revenir au premier rang, notamment avec la création de la Frieze Art Fair. Bien que l'édition Frieze 2019 soit animée, à quelques semaines du Brexit, l'ensemble des acteurs se pose la question de l'impact de ce Brexit[52],[53].
1:54(en) une foire consacrée à l'art contemporain africain[56],[57], annuelle, fondée en 2013
Italie
L'Italie est avec la France le pays où a émergé l'idée de manifestation d'art contemporain comme outil de développement du marché de l'art. L'une des manifestations d'art contemporain parmi les plus prestigieuses au monde reste la Biennale de Venise. La première Exposition Internationale d'Art de la Cité de Venise. s'est tenue en 1895. Sa seconde édition a eu lieu deux ans plus tard, créant ce concept de « Biennale », maintes fois copié depuis. En 2015, 58 pays y étaient représentés. En 2019, 90 pays sont désormais présents à cette manifestation qui dure un peu plus de 6 mois[58],[59]. Initialement, la manifestation était construite pour vendre les œuvres. Entre 1942 et 1968, la vente des œuvres présentées était gérée par un organisme officiel, qui prenait 10% de commission. Désormais, la plupart des expositions sont signalées « hors vente ». Mais la Biennale de Venise sert indéniablement de tremplin commercial aux artistes même s'ils sont de plus en plus tributaires des galeries pour les aider financièrement sur le transport des œuvres, la sécurité ou l'émission de catalogues [60]. Un article du journal Le Monde, en 2019, considère que cette manifestation de Venise donne une visibilité exceptionnelle aux artistes conviés, auprès des critiques d'arts, des institutions culturelles et des grands collectionneurs, et dope à court terme leur cote sur le marché de l'art. Elle est selon cet article « comparable au Goncourt pour le livre ou à l’Oscar pour le cinéma ». Pour autant, à plus long terme, toujours selon cet article, seuls 10 % environ des artistes concernés « rentrent dans l'histoire »[61].
Comme le résume crûment, dans Le Quotidien de l'art, la journaliste Georgina Adam, évoquant à la fois la Biennale de Venise et Art Basel : « on découvre à Venise et on achète à Bâle », une remarque formulée également de façon assez proche par Béatrice de Rochebouët dans Le Figaro[60],[6].
En 1967, les manifestations françaises et italiennes s'engourdissaient et s'institutionnalisaient. En Europe, la ville allemande de Cologne semblait avoir pris les devants en créant une dynamique autour d'une nouvelle foire d'art, Art Cologne, qui s'est d'ailleurs pérennisée. En 1970, trois galeristes suisses se mettent alors en tête de faire concurrence à Art Cologne en créant Art Basel. Lieu de passage entre la France, l'Italie et l'Allemagne, cette manifestation se développe rapidement, compte 300 exposants en 1975, puis connaît un « trou d'air » à la fin des années 1980. Lorenzo Rudolf puis Samuel Keller réussissent cependant à relancer la manifestation et à en faire le rendez-vous incontournable des marchands et des acheteurs d'art internationaux. Ils utilisent des techniques marketing, une nouvelle identité visuelle, un nouveau logo, une réduction du nombre des exposants, et y ajoutent, pour ce milieu très spécifique, des sections spécialisées sur les nouvelles tendances, des rencontres et surtout des fêtes qui attirent les personnalités artistiques les plus branchées. Plus récemment, Art Basel se développe en créant des manifestations-filles à Miami, Hong Kong et Buenos Aires[63],[64].
Principales manifestations hors des musées :
Art Basel, également connue sous l'appellation Foire de Bâle ; foire créée en 1970, annuelle, une semaine à la mi-juin[65]
↑Roxana Azimi, « La Foire de Miami, une bulle d’art à l’écart des soubresauts du monde », Le Monde, (lire en ligne)
↑Claire Guillot, « Armory Show : la vieille dame a des soucis. La foire new-yorkaise fête ses 100 ans, le long de la rivière Hudson, et entraîne dans son sillage une multitude d'événements concurrents », Le Monde, (lire en ligne)
↑Emmanuelle Lequeux, « A l’Armory Show de New York, l’ère Trump n’empêche pas les affaires », Le Monde, (lire en ligne)
↑Roxana Azimi, « Art contemporain : la foire de Chicago se positionne face à New York et Miami », Le Monde, (lire en ligne)
↑Béatrice de Rochebouët, « Art Basel Hong Kong, un rêve d'Asie pour les Français », Le Figaro, (lire en ligne)
↑Roxana Azimi, « Le marché de l’art asiatique paralysé par l’épidémie de coronavirus », Le Monde, (lire en ligne)
↑Emmanuelle Jardonnet, « Art Basel Hongkong, première foire 100 % virtuelle pour galeries et collectionneurs confinés », Le Monde, (lire en ligne)
↑« Berlin se souvient de l'" art dégénéré " Reconstitution de la plus grande manifestation d'art contemporain du demi-siècle conçue à la fin des années 30 pour dénigrer l'avant-garde », Le Monde, (lire en ligne)
↑Harry Bellet, « Tous les goûts sont permis à la Foire d’art de Bruxelles », Le Monde, (lire en ligne)
↑Harry Bellet, « La Foire d’art de Bruxelles, légère comme une comédie musicale », Le Monde, (lire en ligne)
↑Harry Bellet, « De l’antiquité à l’art contemporain, le bazar chic de la Brafa de Bruxelles », Le Monde, (lire en ligne)
↑(es) AFP, « Madrid: la foire d'art ARCO s'ouvre sur le retrait polémique d'une œuvre », Le Point, (lire en ligne)
↑ a et bHarry Bellet, « Foires et galeries font de l’ombre aux salons d’artistes », Le Monde, (lire en ligne)
↑« Création et diffusion », dans Chiffres clés, statistiques de la culture et de la communication 2015, Ministère de la Culture et de la Communication, (lire en ligne), p. 127-151
↑Emmanuelle Lequeux, « Arts : hors de la FIAC, point de salut pour les galeristes ? La Foire internationale d’art contemporain ouvre, le 18 octobre, à Paris et met les marchands sous pression », Le Monde, (lire en ligne)
↑Roxana Azimi, « La renaissance de la FIAC, l’œuvre de Jennifer Flay », Le Monde, (lire en ligne)
↑Claire Guillot, « Musée : les surprises de la chasse. Depuis sa réouverture en 2007, le Musée de la chasse et de la nature, à Paris, a choisi de miser sur l'art contemporain », Le Monde, (lire en ligne)
↑Harry Bellet, « Malgré l’approche du Brexit, la fièvre de l’art résiste à Londres. Les ventes lors de la "Frieze Week" n’ont pas été affectées par la perspective de la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’UE. Néanmoins, les galeristes se demandent s’il faut quitter la capitale britannique », Le Monde, (lire en ligne)
↑Béatrice de Rochebouët, « Londres brille encore, mais jusqu'à quand ? », Le Figaro, (lire en ligne)
↑Roxana Azimi, « À Londres, la foire 1:54 gagne en qualité. Pour sa troisième édition, la foire 1:54, créée par Touria El Glaoui à Londres, a gagné en qualité, renforçant encore son capital sympathie auprès des collectionneurs internationaux », Le Monde, (lire en ligne)
↑(en) « Flying nuns and multicoloured zebras: today's best African art – in pictures. The 1:54 Contemporary African Art Fair, named after the number of countries on the continent, shows off over 100 of the finest African artists », The Guardian, (lire en ligne)
↑Valérie Duponchelle, « La 58e Biennale de Venise, à la chasse des mondes parallèles », Le Figaro, (lire en ligne)
↑Jérôme Béglé, « Venise, capitale mondiale de l'art contemporain », Le Point, (lire en ligne)