Lemme de Riesz
Le lemme de Riesz, dû au mathématicien Frigyes Riesz, est un résultat d'analyse fonctionnelle sur les sous-espaces vectoriel fermés d'un espace vectoriel normé réel. Sa principale conséquence est le théorème de Riesz, selon lequel un espace vectoriel normé réel est de dimension finie si et seulement si ses boules fermées sont compactes. Plus généralement, un espace vectoriel topologique réel séparé est de dimension finie si et seulement s'il est localement compact. Ce théorème établit donc une équivalence entre une propriété algébrique et une propriété topologique.
Énoncé du lemme
Soient E un espace vectoriel normé réel, F un sous-espace vectoriel fermé (non-trivial) et r un réel strictement inférieur à 1. Si F n'est pas égal à E tout entier, alors il existe dans E un vecteur u tel que .
Dans cet énoncé[1], d(u,F) désigne la distance entre u et F pour la distance associée à la norme, c'est-à-dire que
.
Par contraposée, ce lemme équivaut à :
- Soient E un espace vectoriel normé réel et G un sous-espace vectoriel quelconque.
- S'il existe un réel r strictement inférieur à 1 tel que pour tout vecteur unitaire u de E on ait d(u,G) < r, alors G est dense dans E.
Démonstration
Pour r ≤ 0, le résultat est trivial : il suffit de prendre un vecteur non-nul dans l'intersection et de le normaliser. Supposons désormais r > 0[1]. Soit x un vecteur de E qui n'est pas dans F.
Comme F est fermé, la distance δ entre x et F est strictement positive, donc δ⁄r > δ, car . Par conséquent, il existe un vecteur v de F tel que .
En posant on en déduit, pour tout vecteur y de F :
(la minoration par δ étant déduite de , en effet, la droite vectorielle engendrée par v est incluse dans F).
Théorème de Riesz
Cet énoncé[1],[2],[3] s'applique aussi aux espaces vectoriels normés complexes, puisqu'ils sont (par oubli de structure) des espaces vectoriels normés réels.
Démonstration
1 ⇒ 2 est un corollaire du théorème de Borel-Lebesgue : tout fermé borné dans ℝn est compact. Or si E est de dimension n, il s'identifie à ℝn.
Les assertions 2, 3 et 4 sont clairement équivalentes.
Démontrons 3 ⇒ 1 par contraposée, à partir[1] du lemme pour r = 1⁄2 et du fait que tout compact est dénombrablement compact, c'est-à-dire que toute suite y possède au moins une valeur d'adhérence. Supposons donc E de dimension infinie et construisons dans sa sphère unité une suite sans valeur d'adhérence. On choisit d'abord un vecteur unitaire arbitraire u0 et on applique le lemme à la droite F0 qu'il engendre (elle est de dimension finie donc fermée dans E) : il existe un vecteur unitaire u1 tel que d(u1,F0) ≥ 1⁄2. Puis on applique le lemme au plan F1 engendré par (u0,u1) : il existe un vecteur unitaire u2 tel que d(u2,F1) ≥ 1⁄2, etc. On obtient ainsi dans la boule unité fermée une suite (un)n∈ℕ qui vérifie par construction :
donc qui ne possède aucune sous-suite convergente, ce qui prouve que cette boule n'est pas compacte.
Contre-exemples sur d'autres corps
Dans les espaces vectoriels normés sur un corps valué autre que ℝ, on trouve des contre-exemples lorsque le corps est non localement compact (comme le corps des rationnels) ou lorsqu'il est discret (comme les corps finis) :
- ℝ est un ℚ-espace vectoriel de dimension infinie et normé par la valeur absolue usuelle, mais sa boule unité fermée est compacte, toute partie bornée est relativement compacte et l'ensemble est localement compact ;
- Inversement, ℚ est un ℚ-espace vectoriel de dimension 1 mais aucun voisinage de l'origine n'est compact ;
- L'espace des suites à valeurs dans le corps F2, muni de la norme constante égale à 1 en dehors de la suite nulle, est localement compact (car discret) mais de dimension infinie et sa boule unité fermée n'est pas compacte.
Généralisation aux espaces vectoriels topologiques
Si E est seulement un espace vectoriel topologique réel séparé, on a encore :
E est localement compact si et seulement s'il est de dimension finie.
La démonstration du sens direct repose essentiellement sur la définition de la compacité et sur l'existence, dans E localement compact, d'un voisinage ouvert du vecteur nul d'adhérence compacte (dans le cas d'un espace vectoriel normé, ce voisinage B peut être choisi égal à la boule unité ouverte).
Si E est de dimension finie alors sa topologie est celle d'un espace vectoriel normé, auquel le théorème précédent s'applique : E est localement compact.
Réciproquement, supposons qu'il existe dans E un ouvert B contenant 0 et dont l'adhérence B est compacte. On a donc par compacité de B, il existe un ensemble fini A tel que .
Soit alors F le sous-espace vectoriel de E engendré par cet ensemble fini A. Montrons que B est inclus dans F.
De B ⊂ F + B/2 on déduit (en multipliant par 1⁄2) : B/2 ⊂ F + B/4, d'où (en remplaçant cette expression de B/2 dans la première inclusion) B ⊂ F + B/4. Par récurrence, on démontre ainsi que pour tout entier n ≥ 1, .
Soit maintenant x un élément arbitraire de B. Pour tout entier n ≥ 1, il existe xn ∈ F et yn ∈ B/2n tels que x = xn + yn. Or B est compact donc borné au sens des espaces vectoriels topologiques (qui équivaut au sens usuel si E est un espace vectoriel normé), donc yn → 0, c.-à-d. xn → x, si bien que x appartient à l'adhérence de F, c'est-à-dire à F puisque ce sous-espace est de dimension finie donc fermé. Ainsi, B ⊂ F.
Comme B est absorbant, on en déduit que E ⊂ F, donc E est de dimension finie.
Notes et références
- ↑ a b c et d Walter Hengartner, Marcel Lambert et Corina Reischer, Introduction à l'analyse fonctionnelle, PUQ, 1981 (ISBN 978-2-76050293-2), p. 162-163, énoncés du lemme pour r = 1⁄2 et du théorème et démonstrations.
- ↑ a et b Claude Wagschal, Topologie et analyse fonctionnelle, Hermann, coll. « Méthodes », 1995, théorème 3.7.4 p. 268, énoncé et démonstration.
- ↑ Georges Skandalis, Topologie et analyse 3e année, Dunod, coll. « Sciences Sup », 2001, p. 182.
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