S'il n'y a pas de risque d'ambiguïté, la norme d'un élément x est notée ║x║.
La boule unité (fermée) de E est l'ensemble des vecteurs de norme inférieure ou égale à 1.
Exemples fondamentaux
Le corps K (égal ici à ℝ ou ℂ), muni de sa valeur absolue, est un K-espace vectoriel normé.
Pour tout ensemble non vide X et tout espace vectoriel normé E, l'espace ß(X, E) des applications bornées de X dans E, muni de la norme de la convergence uniforme
est un espace vectoriel normé.
Pour tout espace mesuré (X, Σ, μ) et pour 1 ≤ p ≤ ∞, l'espace Lp(μ) des fonctions mesurables de X dans K (prises à égalité près presque partout) et p-intégrables (ou bornées si p = ∞), muni de la norme p associée, est un espace vectoriel normé. Lorsque μ est la mesure de comptage, on le note plutôt ℓp(X).
Si 1 ≤ p < ∞, l'espace ℓp(ℕ), noté simplement ℓp, est l'espace des suitesp-sommables x = (xn)n≥0 d'éléments de K, muni de la norme
ℓ∞(X) est l'espace B(X, K) des fonctions bornées de X dans K (donc des suites bornées si X = ℕ).
Remarque. Dans ces exemples, il n'est pas trop difficile de vérifier que la norme 1 ou ∞ est
bien une norme. Pour la norme 2, c'est une conséquence de l'inégalité de Cauchy-Schwarz.
Pour p quelconque, l'inégalité triangulaire, qui porte le nom d'inégalité de Minkowski, est plus cachée.
Soit (E, ║∙║E) et (F, ║∙║F) deux espaces vectoriel normés, alors l'application ║∙║E×F définie par l'égalité suivante est une norme sur l'espace vectoriel produit E×F :
Espace quotient
Soit F un sous-espace vectoriel d'un espace vectoriel normé E. On définit l'application ║∙║E/F sur l'espace vectoriel quotientE/F par :
,
où d est la distance sur E (et sur ses parties) induite par la norme.
Propriété — L'application ║∙║E/F est une semi-norme sur l'espace vectoriel quotient E/F. C'est une norme si et seulement si F est fermé.
Démonstration
Cette application est manifestement homogène. Elle est de plus sous-additive, en effet :
est majoré par
C'est une norme si et seulement si d(x, F) = 0 implique que la classe de x est nulle, donc si F contient son adhérence, c'est-à-dire si F est fermé.
Pour tout sous-espace vectoriel F, la topologie induite par celle de l'espace coïncide avec celle issue de sa distance donc de sa norme (restrictions de celles sur l'espace entier) : c'est une propriété générale des espaces métriques et de leurs sous-espaces.
La configuration est la même pour le produit de deux espaces E et F. Pour la norme ║∙║E×F définie précédemment, les boules de centre (x, y) et de rayons r > 0 (qui constituent une base de voisinages de (x, y) pour la topologie associée à cette norme) ne sont autres que les B(x, r)×B(y, r), donc constituent également une base de voisinages pour la topologie produit. Remarquons l'adéquation de la définition de ║∙║E×F à partir de ║∙║E et ║∙║F, qui pouvait a priori sembler arbitraire. Mais signalons que la même topologie sur E×F est obtenue en posant ║(x, y)║E×F = N(║x║E, ║y║F) où N est une norme quelconque sur ℝ2, par exemple l'une des normes usuelles mentionnées plus haut. Ceci est dû au fait que N est toujours équivalente à la norme max utilisée ici.
La situation reste analogue pour un quotient E/F. En effet, si φ est la projection canonique de E dans E/F, une base de voisinages de φ(x) pour la topologie quotient est constituée des φ(B(x,r)) (pour r > 0), qui coïncident exactement avec les boules (dans E/F, pour la semi-norme induite) de centre φ(x) et de rayon r.
Ainsi, la topologie induite sur un sous-espace, un produit d'espaces ou un quotient coïncide avec celle issue de la norme induite (ou de la semi-norme induite, dans le cas d'un quotient par un sous-espace non fermé).
Opérateur borné
Un opérateur borné entre deux espaces vectoriels normés est simplement une application linéairecontinue. Cette double appellation est justifiée par la proposition suivante :
Proposition[2] — Soient E et F deux K-espaces vectoriels normés. Pour une application linéaire f de E dans F, les propriétés suivantes sont équivalentes :
f est continue ;
f est continue en 0 ;
l'image par f de toute boule de centre 0 (donc de toute partie bornée) est bornée ;
l'image par f de la boule unité fermée est bornée ;
La norme d'opérateur d'un tel f est la plus petite constante C telle que f soit C-lipschitzienne.
Si une application linéaire f de E dans F est continue, alors son noyau est fermé (car c'est l'image réciproque du fermé {0} par l'application continue f). La réciproque est fausse (on construit même facilement des injections linéaires non continues). Cependant, si f est de rang fini et de noyau N fermé alors f est continue (en effet, elle se factorise alors par une application f de E/N dans F qui est continue, car linéaire sur un espace vectoriel normé de dimension finie).
Dans l'espace vectoriel L(E, F) des applications linéaires de E dans F, le sous-espace vectoriel de celles qui sont continues se note ℒ(E, F). La norme d'opérateur en fait un espace vectoriel normé.
Un K-espace vectoriel normé complet — c'est-à-dire dans lequel toute suite de Cauchy converge — porte le nom d'« espace de Banach ». Un espace vectoriel normé n'est pas nécessairement complet :
Le complété d'un espace vectoriel normé jouit de propriétés supplémentaires par rapport au complété d'un simple espace métrique :
Proposition 2 —
Pour tout espace vectoriel normé E, il existe un espace de Banach Ec et une isométrie linéaire J, de E dans Ec, dont l'image est dense dans Ec.
En général, E est identifié à son image J(E) dans Ec. Ainsi, E apparait comme un sous-espace vectoriel de Ec, et la norme sur E induite par la norme de Ec coïncide avec la norme originelle sur E car J est une isométrie.
Le remplacement d'un espace E par son complété Ec ne modifie pas l'espace des applications linéaires continues de E dans F si F est complet (cette propriété permet de montrer que la proposition précédente caractérise l'espace vectoriel normé Ecà isomorphisme près). Plus généralement :
Proposition 3 — Soient G un espace vectoriel normé, E un sous-espace vectoriel dense et F un espace de Banach. Alors, pour la norme des opérateurs, l'application « restriction », de ℒ(G, F) dans ℒ(E, F), est un isomorphisme isométrique.
La complétude de F se « transmet » à l'espace des applications linéaires continues à valeurs dans F :
Proposition 4 —
Soient E et F deux espaces vectoriels normés. Si F est complet alors l'espace ℒ(E, F) muni de la norme des opérateurs est complet.
Démonstrations
Proposition 1. Soit (en)n∈ℕ une famille libre dans un espace de Banach E. Pour tout entier n, notons Enle sous-espace vectoriel engendré par (e0, …, en). Il est fermé (car de dimension finie, cf. dernier paragraphe) et d'intérieur vide. D'après le théorème de Baire, la réunion des En est par conséquent d'intérieur vide donc différente de E[5].
Proposition 2. Le complété de E est, comme le complété de tout espace métrique, un espace métrique complet F muni d'une application isométrique J de E dans F, d'image dense. De plus ici, les deux opérations d'espace vectoriel sur E s'étendent continûment à F par continuité de Cauchy et la norme s'étend de même, ou en posant simplement ║∙║ = d(∙, 0). Par densité, les équations qui font de l'espace métrique E un espace vectoriel normé sont encore vérifiées dans F pour ces prolongements. Une autre technique de construction de l'espace vectoriel normé complété de E consiste à prendre l'adhérence de E dans son bidual (topologique).
Proposition 3. Les deux seuls points délicats sont la surjectivité de cette application – notons-la R – et le fait que ║R(f)║ ≥ ║f║. Il s'agit donc de prouver que toute application linéaire continue g de E dans F se prolonge en une application linéaire f de G dans F, de norme majorée par celle de g. On sait déjà (puisque g est uniformément continue donc Cauchy-continue) que g admet un prolongement f continu. La linéarité de f se déduit alors de celle de g par densité de E. La majoration de sa norme s'obtient également par densité.
Proposition 4. Soient S la sphère unité de E et G l'espace (complet) des applications bornées de S dans F. ℒ(E, F) étant naturellement isométrique au sous-espace H de G constitué des applications qui se prolongent linéairement à E, il suffit de vérifier que H est complet : il est fermé dans G, comme intersection des fermés (noyaux d'applications linéaires continues) {v ∈ G | v(z) = λv(x) + μv(y)} pour tous les (x, y, z, λ, μ) ∈ S3 × K2 tels que z = λx + μy.