Gustave Minda, dit « Gu », s'est évadé de prison. Connu du milieu pour sa fiabilité et son courage, il retrouve à Paris sa sœur[a] Simone Pelletier, dite « Manouche », qui lui voue une affection passionnée et avec qui il a fait maints mauvais coups, ainsi que son ami fidèle, Alban.
Dans un bar-restaurant de l'avenue Kléber, une fusillade éclate. Le gérant, « Jacques-le-Notaire », est tué sous les yeux de Manouche, qui partage sa vie. Le commissaire Blot, qui connaît bien tout ce beau monde, et qui est sans doute secrètement amoureux de Manouche, est chargé de l'enquête. Il comprend sans peine qu'il a affaire à un règlement de comptes entre truands. Et de fait, le lendemain soir, Manouche reçoit la visite de deux hommes de main envoyés par Jo Ricci, auteur de la fusillade. Ce malfrat sans honneur souhaite l'intimider et la faire chanter. Gu arrive à temps pour mettre les deux sbires hors d'état de nuire. Dans une voiture en marche, il les abat en forêt de Ville-d'Avray. Blot soupçonne aussitôt Gu, qui a utilisé pareille méthode, quinze ans plus tôt, pour éliminer « Francis-le-Bancal ».
Manouche et Alban cachent Gu dans un appartement miteux de Montrouge. Gu souhaite fuir en Italie mais il manque d'argent. Manouche se charge du départ : près de Marseille, son cousin Théo, pêcheur et passeur à ses heures, lui prête la maison isolée héritée de son père et peut fournir à Gu de faux-papiers. Entre-temps, Orloff, une vieille relation de Gu, est approché par Paul Ricci, frère de Jo et ami de Gu, pour braquer dans le midi un fourgon contenant 500 kilos de platine. Cela nécessite d'assassiner les deux motards de l'escorte. Orloff se récuse. Mais incognito, par l'intermédiaire de Théo, il met Gu au courant du projet. Malgré l'opposition de Manouche, qui craint que l'affaire tourne mal, Gu, à court de fonds et désireux d'aider Paul, accepte le marché. Le hold-up a lieu, au cours duquel Gu abat un motard.
Blot se rend à Marseille pour y traquer Gu. Il rencontre le commissaire Fardiano, un homme bourru, peu coopératif et dépourvu de scrupules. Une mise en scène entraîne l'arrestation de Gu. Enregistré à son insu sur un magnétophone, il a fait état de la complicité de Paul Ricci dans le récent hold-up. Ses aveux font la une des journaux. Jo désire venger son frère incarcéré mais aussi - et surtout - empocher sa part du butin. Venu à Marseille, il manipule les deux complices du hold-up, qui craignent que Gu les dénonce. Mais fidèle au code de l'honneur, Gu s'évade pour rétablir la vérité. Caché dans la voiture de Fardiano, il oblige ce dernier à consigner, dans un calepin, l'aveu signé de ses méthodes illégales (l'un destiné à la presse, l'autre au ministère de la Justice), puis l'abat tout en conduisant. Ensuite, il règle ses comptes avec Jo et sa bande : c'est un massacre général. Blot arrive auprès de Gu, qui agonise. Dans un dernier souffle, Gu prononce le nom de Manouche puis sort de sa poche le carnet contenant les aveux de Fardiano. À Manouche qui le questionne, Blot affirme que Gu n'a absolument rien dit en mourant. Manouche en éprouve une peine profonde. Devant la presse, Blot laisse tomber au sol, comme par inadvertance, le calepin compromettant. Il attire l'attention d'un journaliste, qui le ramasse...
Fiche technique
Titre : Le Deuxième Souffle
Titre international : Second Breath (version anglaise et américaine, 1966)
José Giovanni s'est inspiré pour son roman d'origine de personnes réelles qu'il a fréquentées dans le « milieu » pendant l'Occupation ou en prison après-guerre :
Le personnage de Gu Minda est inspiré par Auguste Méla, dit « Gu le terrible »[3], qui en a réalisé l'attaque du « train d'or ». Condamné, il s'échappe de la prison de Castres en avec Bernard Madeleine, comme dans le début du film. C'est avec Bernard Madeleine, le futur « caïd des caïds », que José Giovanni a participé aux exactions d'un faux maquis en Bretagne en .
Le personnage de Manouche est inspiré de Germaine Germain, dite « Manouche »[4]. Elle a été la maîtresse de Paul Carbone, « l'empereur de Marseille » qui a travaillé avec « la Carlingue ». À la sortie du film, Germaine Germain a d'ailleurs fait savoir par référé qu'elle n'a jamais eu de relation avec Auguste Méla[5].
Orloff est inspiré de Nicolaï Alexandre Raineroff dit « Orloff », agent de la Gestapo fusillé pour intelligence avec l'ennemi le , avec lequel Giovanni a lui-même rançonné deux Juifs cachés à Lyon en [5].
Le personnage du commissaire Blot s'inspire du commissaire Georges Clot[6], responsable à la Libération de la cellule anti-Gestapo de la police judiciaire[7].
Production
Tournage
Le film devait être d'abord tourné en 1964, avec la distribution suivante : Serge Reggiani (Gu), Simone Signoret (Manouche), Lino Ventura (Blot), Roger Hanin (Jo Ricci), Georges Marchal (Orloff), Raymond Pellegrin (Paul Ricci) et Leny Escudero (Le Gitan). Les contrats étaient signés mais le tournage fut abandonné, en raison de problèmes de production (le producteur Fernand Lumbroso ne paie pas les techniciens et ne respecte pas l'échéancier des droits du livre ; Melville l'assomme)[5].
Le livre étant libre, Gallimard, sur demande de Giovanni les remet à la vente : un autre projet se monte, avec Denys de la Patellière à la réalisation, Pascal Jardin au scénario, Ventura et Jean Gabin dans les rôles principaux[8]. Melville obtient de ses relations au CNC que l'autorisation de tournage soit bloquée. Préférant finalement Melville à Jardin, Giovanni accepte d'octroyer à nouveau les droits au premier mais négocie ferme ces droits, tout comme les différents rôles : il obtient d'inverser ceux de Ventura et de Meurisse (qui devaient jouer respectivement Blot et Gu), de donner à Raymond Pellegrin le rôle de Paul Ricci à la place de Tino Rossi que Melville voulait prendre[5].
Après deux ans de tractations entre les deux hommes, le tournage commence le [5].
Essentiellement connu comme arrangeur, Bernard Gérard a longtemps été assistant et orchestrateur pour Michel Magne avant d'écrire les bandes originales de certains films de Georges Lautner[17],[18]. Interrogé par Serge Elhaïk, le compositeur s'est souvenu qu'il avait écrit une musique beaucoup plus longue[20] que celle que l'on peut entendre dans le montage final[17]. Lorsque Gérard proposait à Melville d'illustrer certaines scènes par un de ses thèmes, le cinéaste lui rétorquait : « Mais vous n'y pensez pas, ça n'est pas possible ! »[17]. Du coup, le film comporte extrêmement peu de musique, excepté sur plusieurs scènes dansées dans un cabaret[17],[18] ainsi qu'au moment de l'attaque du fourgon blindé, où elle adopte des teintes volontiers atonales et abstraites[18].
Bernard Gérard a tout de même écrit un thème principal d'une grande sobriété[21] pour trompette soliste, contrebasse jouée à l'archet, piano et vibraphone, et dont le réalisateur n'a conservé qu'un fragment dans le générique de fin[17]. Concernant la manière dont Melville avait traité sa musique dans l'ensemble, le compositeur estime que : « C'est un monsieur qui aimait le silence. Son film était finalement assez fort et n'avait pas besoin de musique »[17].
L'intégralité de cette bande originale, fortement empreinte de jazz sous l'influence du vibraphoniste Milt Jackson[18], reste pour l'instant inédite. Cependant, l'un des thèmes diégétiques, utilisé lors de la première scène dansée dans la boîte de nuit puis réarrangé pour le disque sous la forme de deux variations différentes[22], a fait l'objet d'un unique 45 tours de musique soul jazz qui a été publié en 1966 par le label japonais Seven Seas[23].
Liste des morceaux du disque Seven Seas de 1966
No
Titre
Durée
1.
Le Deuxième Souffle - Générique (thème de la 1re scène dansée adapté en soul jazz)
2:45
2.
Le Deuxième Souffle - Final (variation du même thème arrangé pour quintette de style hard bop[18])
2:20
Accueil
Critique
Un éventail très représentatif de l'accueil critique est compilé dans les pages du site de la Cinémathèque française[1]. On y retrouve des extraits des articles publiés alors par l'ensemble de la presse :
Le film rassemble au total en France 1 912 749 entrées (dont 647 857 spectateurs à Paris)[24],[25].
Autour du film
Le surnom Manouche est celui d'une femme qui a réellement existé. C'était une femme très belle qui a eu pour amant le gangster Carbone et avec qui elle a eu un fils. Alphonse Boudard raconte la vie rocambolesque de cette femme dans son livre Manouche se met à table (1975, Flammarion).
L'acteur Mel Ferrer devait jouer le rôle d'Orloff, mais Melville ne le trouva pas bon ; il se débrouilla pour que Ferrer quitte le tournage après la première scène, et le remplaça par Pierre Zimmer[26].
Lorsque Manouche monte l'escalier pour dîner avec Gu à Montrouge, on entend s'échapper d'un appartement un dialogue des Enfants terribles de Jean-Pierre Melville.
Les scènes du braquage du fourgon se déroulent sur la route des Crêtes (D141) située sur les hauteurs des falaises Soubeyranes entre les communes de La Ciotat et de Cassis (notamment au niveau de parking du Belvédère).
La scène où Gu monte dans le train est à l'origine de la brouille entre Lino Ventura et Jean-Pierre Melville, ce dernier ayant demandé secrètement au mécanicien d’accélérer progressivement la vitesse du train[27],[28].
La scène où Gu Minda est abusé par l'équipe du commissaire Blot commence par l'arrivée de limousines dans un terrain bordant le rivage, totalement détrempé et dans lequel les voitures soulèvent des gerbes d'eau, à environ 1 h 41 min 36 s. Moins de 5 min 36 s après (à 1 h 46 min 74 s), la caravane des limousines américaines quitte les lieux : un terrain sec.
Ce film est le dernier tourné par Melville en noir et blanc[29].
Le film a été montré dans le cadre de la Rétrospective Jean-Pierre Melville : l’intégrale, projetée au festival Premiers Plans, tenue à Angers en 2010.
Notes et références
Notes
↑Cette relation de parenté n'est énoncée qu'à la 60e minute du film.
↑« Mort du commissaire Georges Clot », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑Franck Lhomeau, « Joseph Damiani, alias José Giovanni », dans Temps noir la Revue des littératures policières, no 16, septembre 2013, Nantes, Éditions Joseph K. (ISBN978-2-910686-65-9).
↑Gabriel Vialle, Anthologie du cinéma, tome 8, L'Avant-Scène, 1974
↑Thierry Jousse, B.O. ! Une histoire illustrée de la musique au cinéma, Vanves, EPA, (ISBN978-2-37671-077-6), p. 31.
↑Gilles Delavaud, « Daniel Humair, compositeur », Cahiers du cinéma, no 326, , p. V-VI (ISSN0008-011X) — paru dans l'encart Le Journal des Cahiers du cinéma, n° 15.
↑Le batteur Daniel Humair qui a participé à l'enregistrement se souvient que Melville « a fait venir John Lewis à Paris, et [que] nous avons enregistré une musique qui, finalement, n'a pas été utilisée »[11].
↑La bande magnétique de l'enregistrement à Paris[12] de la bande originale de John Lewis, interprétée entre autres par le batteur Daniel Humair, a disparu à la suite d'un incendie survenu dans les studios Jenner en 1967[13], et n'a donc jamais fait l'objet d'une publication discographique à ce jour.
↑Selon Stéphane Lerouge, qui regrette par ailleurs de ne pas avoir pu publier cette musique inédite de John Lewis[15], sa partition ne collait pas assez au film et semblait plus destinée au disque[13].
↑ abcdef et gSerge Elhaïk, Les Arrangeurs de la chanson française : 200 rencontres, Paris, Textuel, (ISBN978-2-84597-655-9), p. 935.
↑ abcd et e(es) Carlos Tejeda, « Bernard Gérard - Jean-Pierre Melville : Le deuxième souffle / Hasta el último aliento », Cuadernos de jazz, vol. 20, nos 119-120, , p. 62 (ISSN1134-7457, lire en ligne).
↑La musique de Bernard Gérard est d'une durée totale de 19 min 36 s[19].
↑Françoise Presles, « Critique du "Deuxième Souffle" », La Vie , no 3891, (ISSN0151-2323).
↑À noter que les titres des pistes de ce 45 tours ne correspondent pas au montage final, puisque le générique début du film de Melville n'a absolument aucune musique et que son générique de fin n'offre qu'un court fragment du thème prévu par Bernard Gérard[17].