Le film est bien accueilli par le public – il est vu par près de 2 millions de spectateurs[1] – et par la critique qui loue l’écriture et la réalisation sobre de Melville ainsi que la prestation d’Alain Delon.
Synopsis
Jef Costello, dit « le samouraï », est un tueur à gages solitaire et taciturne. Il vit dans une chambre délabrée et ne semble avoir pour seule compagnie qu'un bouvreuil en cage. Il vole une DS puis passe dans un garage clandestin afin d'en faire changer les plaques d’immatriculation et de se faire remettre une fausse carte grise et un revolver.
Il se rend ensuite chez Jane Lagrange (Nathalie Delon), une femme à l’emploi du temps chargé : elle est à la fois un peu prostituée, femme entretenue par M. Wiener et aussi maîtresse, très amoureuse, de Jef. Il met au point avec elle l’alibi dont il pourrait avoir besoin la nuit même : si elle est interrogé par la police, elle devra dire qu’il était avec elle de 19 h 15 à 1 h 45. Ensuite, à 2 h, Wiener doit arriver. Puis Jef rejoint un cercle clandestin de joueurs de cartes dans une chambre d’hôtel et les prévient qu’il reviendra vers 2 h du matin.
Il se rend au Martey's, une boîte de jazz, enfile des gants blancs et traverse la salle le plus discrètement possible. Il gagne les coursives, entre dans le bureau de Martey, le patron du lieu, et l’abat. En sortant de la pièce, il se retrouve face à Valérie, la jolie pianiste noire du club. Après s’être débarrassé de ses gants et du revolver, il revient dans l’immeuble de Jane, guette l’arrivée de Wiener et s’arrange pour le croiser. Jef veut être vu par Wiener pour que celui-ci suppose qu’il vient de sortir de chez Jane. Ainsi son alibi sera parfait, il n’y aura plus de « trou » apparent dans son emploi du temps. Ensuite il abandonne la DS.
Il a donc 3 témoins – Jane, Wiener et les joueurs de cartes – qui pourront assurer l’avoir vu, avant, pendant et après la commission du meurtre. La police opère une rafle de 400 personnes et ne tarde pas à pénétrer dans la chambre d'hôtel où se trouvent les joueurs clandestins. Elle embarque Jef.
Bien qu’il n’ait pas d’arme ni de casier judiciaire, Jef devient rapidement le suspect numéro 1 du commissaire chargé de l'enquête (François Périer) car il a été reconnu par plusieurs témoins. Il est donc présenté aux employés et aux clients du club mais leurs avis divergent et surtout, le témoin clé, Valérie, la pianiste, qui l'a vu de face sortir du bureau de Martey, nie catégoriquement le reconnaître, elle ment sur la couleur de son chapeau. D'autre part, Jane certifie qu’il était avec elle, alibi confirmé comme prévu par Wiener. Mais l’opinion du commissaire est faite : pour lui, c’est bien Jef le tueur. Il s’évertue à le confondre, il le tutoie : « Je vais te faire changer de ton, moi ! ». Cependant, au petit matin, après une nuit d’interrogatoires, faute de preuve et de témoignages concordants, il ne peut que le relâcher. Cependant il le fait suivre mais Jef parvient à déjouer la filature avec beaucoup d’habileté.
Il se rend sur une passerelle au-dessus de voies ferrées, lieu de rendez-vous convenu avec un envoyé du commanditaire de l'assassinat pour toucher le solde du contrat. Ce commanditaire sait que Jef est suspecté par la police, donc l'intermédiaire a mission de le liquider mais il ne parvient qu’à le blesser au bras. Jef rentre chez lui et panse sa plaie sous l’œil de son bouvreuil qui pépie dans sa cage. Il veut retrouver ceux qui ont cherché à l’éliminer avant qu'ils ne fassent une nouvelle tentative... Tout en échappant aux recherches policières.
Le lendemain, Jef retourne au club pour voir Valérie, la pianiste. Quand elle sort, il lui demande pourquoi elle a cherché à le couvrir. De deux chose l'une : soit elle ne voulait pas jouer le jeu de la police, soit elle avait reçu l'ordre de ne pas le reconnaître. Elle reste évasive et lui demande de lui téléphoner dans deux heures. Pendant ce temps, deux policiers installent un micro émetteur dans la planque de Jef. Cette intrusion affole son oiseau.
De son côté, le commissaire et deux autres de ses hommes débarquent chez Jane et perquisitionnent son domicile en y semant le plus grand de désordre pour l’impressionner. Puis le commissaire joue l’apaisement et utilise toutes les méthodes possibles pour la faire craquer : menaces, chantage, offre de « protection ». Il tente aussi de susciter sa jalousie en lui révélant que son amant est au même moment avec la pianiste, en vain.
Jef rentre chez lui et, alors qu'il s'apprête à téléphoner, il remarque que son bouvreuil est perturbé et comprend qu’il a eu de la visite. Il fouille la pièce et découvre le micro. Il descend donc dans un bistrot pour appeler Valérie mais elle ne répond pas.
De retour chez lui, Jef est accueilli par l'homme, pistolet au poing, qui l'avait blessé sur la passerelle. Il est surpris quand ce dernier l'informe que ses employeurs ont changé d'avis : l'homme lui règle le solde du contrat sur Martey et le paie, cette fois en totalité, pour une nouvelle mission... Jef parvient à le maîtriser et le contraint, en le tabassant, à lui révéler le nom de l’homme qui l’emploie, un certain Olivier Rey, ainsi que son adresse. Il part après avoir attaché l'homme de main à un tuyau d’eau et lui avoir dit « Voilà comment on devient chômeur. »
En sortant, Jef est longuement pris en filature par un important dispositif policier, dans les rues et dans le métro. Il parvient pourtant, encore une fois, à passer au travers des mailles du filet. Il se rend chez Jane pour la rassurer. Puis, il va chez Olivier Rey, il constate qu'il vit dans le même hôtel particulier que Valérie et comprend qu'elle est sa maîtresse. Les deux hommes se retrouvent face à face, ils sortent leurs armes, Jef est le plus rapide, il tue Rey.
Il retourne dans la boîte de jazz, enfile de nouveau des gants blancs et se dirige vers Valérie, qui lui dit à voix basse : « Ne reste pas là ». Il sort alors son revolver et la met en joue. Elle lui demande : « Pourquoi Jef ? », il lui répond : « On m’a payé pour ça ». Mais les policiers, qui l'attendaient, l'abattent. L'un d'eux dit à Valérie qui ne peut détacher son regard du corps : « Vous l’avez échappé belle », et un deuxième « Sans nous, c’est vous qui seriez morte ». Mais le commissaire infirme leurs dires en montrant le barillet vide du revolver. Jef avait enlevé toutes les balles, il n’avait plus l'intention de la tuer puisqu’il venait d'éliminer son commanditaire. Melville explique ainsi la fin ambigüe du film : « Costello tombe amoureux de la pianiste, témoin principal du crime, comme il tombe amoureux de sa mort. »[2]
Sociétés de production : CICC, Fida Cinematografica, Filmel et TC Productions
Sociétés de distribution : Artists International (1972) (États-Unis), Luna Vídeo (Brésil) (vidéo), New Yorker Films (vidéo), Prodis, The Criterion Collection (2005) (États-Unis) (DVD)
Maurice Auzel : un homme menotté au commissariat (non crédité)
Production
Le film commence avec une fausse citation, rédigée par Melville lui-même[3] prétendument tirée du livre du Bushido (Livre des samouraï) : « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï si ce n'est celle d'un tigre dans la jungle... peut-être... ».
Le film est adapté d'un roman de Joan MacLeod, The Ronin, non crédité au générique[4]. Par ailleurs, Tueur à gage, film de Frank Tuttle (1942) avec Alan Ladd, « est une inspiration avouée de Jean-Pierre Melville pour Le Samouraï (1967), le mimétisme entre les ouvertures [des] deux films (le réveil, Ladd et son chat/Delon et son canari, leur gestuelle respective et la manière d'occuper le décor) étant frappant »[5].
Arrivant sur les lieux du tournage (le studio de la rue Jenner) et découvrant la chambre ascétique de Jef Costello, Alain Delon félicite le décorateur François de Lamothe : « C’est formidable ce que tu as fait, ma poule ! »[7].
C'est pendant le tournage du Samouraï que les studios Jenner, si chers à Jean-Pierre Melville, sont incendiés le . Le décorateur François de Lamothe relate qu'en arrivant au studio le matin, il aperçoit une colonne de fumée et des voitures de pompiers. « Je découvre le studio ravagé par le feu, détruit de fond en comble. Melville, encore en pyjama, totalement trempé par les lances à incendie, déambule hagard au milieu des débris fumants ». Finalement, Lamothe reconstruit un nouveau décor en un temps record : deux semaines[7].
Jef Costello jette dans la Seine, depuis le pont Alexandre-III, l'arme à feu avec laquelle il a abattu Martey, en exécution d'un meurtre commandité[8].
John Woo a régulièrement cité ce film comme source d'inspiration pour ses œuvres Le Syndicat du crime (英雄本色, Ying huang boon sik) et The Killer (喋血双雄, Die xue shuang xiong).
La saga de jeux vidéo Hitman rend également hommage au film de Jean-Pierre Melville. En effet, l'agent 47, le tueur à gages du jeu, a non seulement une personnalité très semblable à celle de Jef Costello, mais son seul compagnon est aussi un oiseau enfermé dans une cage.
Le cinéaste danois Nicolas Winding Refn cite Le Samouraï comme une de ses influences directes pour son film Drive. Les personnages principaux des deux œuvres ont effectivement de nombreux points communs : ils sont mutiques, froids, et solitaires.
Le film Ghost Dog : La Voie du samouraï (Ghost Dog: The Way of the Samurai) de Jim Jarmusch sorti en 1999 emprunte des références à de très nombreux films de genre (western, film noir, comédie, etc.), mais l'hommage le plus important est celui rendu par Jim Jarmusch à Jean-Pierre Melville pour son film Le Samouraï. On peut ainsi retrouver comme inspiration :
le titre et la référence au livre sur le Bushido, le code du samouraï, qui ouvre le film de Melville et est lu tout au long du film de Jarmusch ;
le rôle du tueur à gage solitaire, dont les seuls compagnons sont les oiseaux : un chardonneret / des pigeons ;
le rôle des oiseaux dans les deux films qui alertent de l'intrusion de l'ennemi ;
les scènes de vol de voiture de luxe au début des deux films avec une évolution technologique : un trousseau de clés pour une DS Citroën / un scanner électronique pour des Mercedes ou des Lexus. Puis plus tard le changement des plaques minéralogiques ;
le port de gants blancs par les deux tueurs ;
le rapport avec le milieu de la mafia qui, dans les deux films, commandite les contrats et décide d'abattre le tueur à gage ;
la fin du film pour lequel Ghost Dog, comme Jef Costello, va volontairement se faire abattre avec un pistolet non chargé pour mettre fin à son parcours solitaire.
En 2012, l'album MDNA de Madonna contient une chanson, Beautiful Killer, qui rend hommage à Alain Delon dans Le Samouraï.