Christophe Le Menn nait à Landerneau[1]. Ses parents ne sont pas bretonnants mais c'est la langue maternelle de ses grands-parents. Il fait ses premières gammes de musique bretonne à l’âge de dix ans, jouant de la caisse-claire[1] pendant près de dix ans au sein du bagad Plougastell. En parallèle, il apprend la guitare[1]. Son coup de foudre pour le kan ha diskan (« chant et contre-chant ») se produit à l'écoute des frères Quéré ainsi que de Louise Ebrel[2]. Vers 16 ans, il part à la rencontre des gens qui pratiquent la danse bretonne dans les festoù-noz (fêtes de nuit) et font vivre la culture. Tous les week-ends, ou presque, il prend la direction du Kreiz Breizh, pour chanter, danser et parler un « breton populaire ». Il apprend auprès des anciens[3] et après un bac L[4], obtient une licence de breton-celtique à Brest[5]. À 18 ans, il s'installe en Centre Bretagne, à Saint-Servais[6] ; cela lui permet d'acquérir le répertoire traditionnel auprès de bretons nés au début du XXe siècle, tout en écoutant les archives de l’association Dastum, qui collecte le patrimoine oral breton[7] (dont Madame Bertrand pour ses mélodies)[8]. Formé à Rennes pour être ingénieur du son, il collabore avec Radio Kreiz Breizh[9].
Adolescent, il écoute beaucoup de hip-hop[10]. Au début des années 2000, il part vivre au Québec et y découvre le bluegrass ainsi qu'un grand nombre de rappeurs québécois qui rappent avec leur accent[11]. Il en revient au bout de deux ans avec son surnom, inspiré de l'expression « Criss, man ! » (« Putain, mec ! »), mais aussi avec la certitude que le hip-hop est compatible avec la langue bretonne autant qu'il l'est avec le français québécois[12],[7].
À son retour, il commence à côtoyer son mentor, le chanteur Erik Marchand. En 2002, il obtient le premier prix du concours Kan ar Bobl (chant du peuple, en breton)[13]. Entre 2004 et 2007, il évolue au sein de la première formule de la Kreiz Breizh Akademi, l'école des musiques modales d'Erik Marchand. Cette expérience lui permet de suivre l'enseignement de différents artistes de musiques du monde, en Bretagne, en Albanie ainsi qu'en Inde où il s'essaye aux tablas et vocalises auprès des maîtres du genre[14]. L'orchestre enregistre un album, Norkst, et construit un spectacle, joué dans les principaux festivals bretons (Yaouank, Tombées de la nuit, Cornouaille, Bout du Monde), puis sur les scènes nationales[15], ainsi qu'à l'étranger (Espagne et Portugal). Il participe à d'autres projets de groupe au chant, comme la formation Darhaou, ou en tant que musicien (contrebasse dans un groupe de bluegrass et de musique québécoise)[16].
C'est sur Internet que Krismenn noue ses premiers contacts avec un beatboxer de Lyon, Maël Gayaud, connu sous son pseudonyme d’AleM, qu'il remarque sur Youtube. Les deux camarades se rencontrent pour la première fois en 2012, à l'invitation de Krismenn qui le programme à sa fête du chant, le Fest ar c’han de Poullaouen, berceau du fest-noz[27]. Ils finissent par faire ensemble une gavotte, le beatboxer remplaçant le diskaner[28]. Les jours qui suivent ce premier essai, ils tentent de rapprocher leurs univers respectifs, entièrement vocaux et très rythmés[29]. Alem s'approprie la technique du chant à répondre, en suivant notamment un stage avec Erik Marchand et réussi à intégrer l'accentuation spécifique à la gavotte dans son beatbox[27]. Krismenn apprend à son compère des bribes de vers bretons, pour lui répondre sur scène, à la manière d'un couple de kan ha diskan. En , ils participent au plus grand fest-noz de Bretagne, Yaouank à Rennes[30]. Plébiscité en fest-noz, le duo est adoubé par le monde du beatbox, notamment lorsqu'il se produit à l'occasion du 7e Human Beatbox Festival[31] et lorsqu'il rend visite à la « famille » de beatboxers américains à Brooklyn[32].
Le duo s'entoure ponctuellement d'autres musiciens. En 2014, Krismenn et Alem mettent en place une création en vue de se produire en clôture du festival Yaouank, au Parc Expo de Rennes. Ils convient deux jeunes artistes indiens vivant en Bretagne, Parveen et Ilyas Khan, qui transformeront pour l'occasion le binôme en quatuor ; la sœur, Parveen, est spécialisée dans le chant classique indien et Ilyas, le frère, pratique le beatbox[48]. Après avoir fait danser 7 000 « fest-nozeurs » à Yaouank[49], le quatuor se retrouve sur scène l'été suivant devant les 20 000 festivaliers du Bout du monde, festival qui a pour univers les musiques du monde[50].
En 2014, ils se produisent en commun avec le groupe de fest-noz Fleuves à l'occasion de la fête de la langue bretonne[51]. En 2016, le duo est rejoint par un joueur de didgeridoo au festival interceltique de Lorient qui a pour pays d’honneur l'Australie, et les deux beatboxers invitent l'accordéoniste français Lionel Suarez sur plusieurs dates, notamment dans les fêtes traditionnelles bretonnes (festival Fisel, le Grand Soufflet)[52].
'N om gustumiñ deus an deñvalijenn - S'habituer à l'obscurité (depuis 2017)
Pendant trois ans, dans son home studio, Krismenn travaille la production musicale de son album en mêlant musique électronique, instruments acoustiques et des sons de son environnement en utilisant la technique de la prise de son en extérieur créant ainsi des atmosphères étranges, intimistes, oniriques[53]. Après avoir fait appel au beatmaker Nicolas Pougnand (X Makeena), au guitariste Étienne Grass (Electric Bazar), au compositeur-bandonéoniste Philippe Ollivier[54] et au violoncelliste Alexis Bocher pour finaliser ses onze chansons, il sort en avril 2017 l'album ’N om gustumiñ deus an deñvalijenn[55]. Le titre, qui signifie « s'habituer à l’obscurité », fait référence à l'univers sombre des photos noir et blanc prises par le chanteur dans sa campagne et au fait de ne pas rester sur une première impression mais de « prendre le temps que les repères se fassent »[7],[56].
↑Benoît Tréhorel, « Portraits : le trad' les inspire. Krismenn fait du breton un langage électro », Cultures bretonnes, hors-série Ouest-France, 2012, p. 26
↑ a et bStéphanie Stoll, « Le souffle du «kan ha beatbox» », Côtes d'Armor Magazine, , p. 10 (lire en ligne)
↑« Krismenn et Alem la rencontre du rap et du khan diskan », jactiv.ouest-france.fr, (lire en ligne, consulté le )
↑« Beat-box et chants bretons dans le même micro », Ouest-France, (lire en ligne, consulté le )
↑(br) François-Xavier Gomez, « En breton et français. Krismenn hag Alem war leurenn an Erer Kozh », Ouest-France, (lire en ligne)
↑François-Xavier Gomez, « Krismenn et Alem, Breizh beatbox », Libération, (lire en ligne, consulté le )
↑Fabienne Menguy, « ENTRETIEN. Krismenn à la Kreiz Breizh Akademi : « J’ai appris le breton pour chanter a cappella » », Ouest-France, (lire en ligne)
↑Sylvie Béchet, « Fin ar Bed, un thriller en breton, est diffusé sur France 3 Bretagne à partir du samedi 30 septembre », Le Courrier - Le Progrès, (lire en ligne, consulté le )
Pierre-Henri Allain, Les Bretons, Paris, Ateliers Henry Dougier, coll. « Lignes de vie d'un peuple », , 144 p. (ISBN979-10-312-0218-1, lire en ligne), « Krismenn, des racines et des loops »
Caroline Le Marquer, « Krismenn. Rappeur, chanteur et homme-orchestre ! », Musique bretonne, no 231, , p. 14-16 (lire en ligne)