En histoire des mathématiques, l'histoire de l'analyse se déroule principalement dans les quelques derniers siècles.
Cependant, dans l'Antiquité et au Moyen Âge respectivement, les mathématiciens grecs et indiens se sont intéressés à l'infinitésimal et ont obtenu des résultats prometteurs mais fragmentaires. Pour des raisons historiques, leurs successeurs immédiats ne purent bâtir sur ces acquis.
On attribue au mathématicien grecEudoxe de Cnide, dont les travaux sont perdus, la paternité des idées développées dans le livre V des Éléments d'Euclide, qui permet de traiter rigoureusement des égalités entre proportions de grandeurs géométriques de même nature (longueurs, aires ou volumes), y compris irrationnelles. Cette méthode, appelée plus tard méthode d'exhaustion, permet par exemple à Euclide de démontrer que l'aire d'un disque est proportionnelle au carré de son diamètre.
Elle fut brillamment illustrée par Archimède, qui a entre autres montré, que le rapport de l'aire du disque sur le carré de son rayon était identique au rapport de la circonférence du cercle sur son diamètre (formulation qui n'est pas celle d'Archimède, voir l'article détaillé). Elle était encore très estimée, pour sa rigueur, par Blaise Pascal. Il s'agit d'une méthode proche de la notion moderne de limite mais « indirecte » : elle est lourde à manier et permet seulement de montrer des égalités, des égalités de nombres réels si on la relit de façon moderne. Ce qui correspond à l'existence d'un nombre limite est obtenu par des moyens géométriques.
Si la méthode d'Eudoxe fut abandonnée par les mathématiciens au XVIIe siècle avec l'avènement du calcul infinitésimal, ce n'est qu'au XIXe siècle que fut introduite, par divers procédés, la construction des nombres réels qui permet de s'affranchir en toute rigueur de la géométrie[1].
Archimède a également utilisé pour un calcul approché du nombre Pi une méthode d'encadrements qui n'est pas sans rapport avec la méthode d'Eudoxe, bien que l'objet de celle-ci ne soit pas le calcul approché.
Mathématiques indiennes
Les mathématiciens indiens ont développé bien avant leurs homologues occidentaux des notions de calcul différentiel et intégral et de passage à la limite.
Au XIIe siècle, Bhāskara introduisit des éléments de calcul différentiel, avec des calculs de nombres dérivés, notamment pour dériver la fonction sinus, la propriété d'annulation de la dérivée en un extremum et même une première version du théorème de Rolle.
Au XIVe siècle, Madhava fut le premier à effectuer de véritables passages à la limite, en introduisant des développements de Taylor pour les fonctions trigonométriques et en estimant l'erreur effectuée lors de la troncature. Il travailla aussi sur les fractions continues et le nombre pi. Il est le fondateur de l'école mathématique du Kerala, qui prospéra jusqu'au XVIe siècle. Depuis la découverte des travaux de cette école, plusieurs historiens n'hésitent pas à le qualifier de père de l'analyse moderne.
Au milieu du XIXe siècle, Riemann introduisit sa théorie de l'intégration. Durant le troisième tiers du XIXe siècle, l'analyse se vit formalisée par Karl Weierstrass, qui pensait que le raisonnement géométrique était en soi fallacieux ; il introduisit aussi la définition « ε-δ » des limites. Puis les mathématiciens commencèrent à s'inquiéter du fait qu'ils supposaient sans preuve l'existence d'un continuum de nombres réels. Richard Dedekindconstruisit donc les nombres réels avec ses coupures. En même temps, les essais pour affiner les théorèmes de l'intégrale de Riemann menèrent à l'étude de la « taille » de l'ensemble des points de discontinuité des fonctions réelles.
Vers 1890, les fondements de l'analyse moderne sont en place, avec les publications d'ouvrages de référence par Stolz en Allemagne, Jordan en France et Peano en Italie.
↑Voir à ce sujet la préface, datée du , de la première édition de Was sind und was sollen die Zahlen ? de Richard Dedekind, en particulier la fin de celle-ci, disponible par exemple ici, p. 33-34.