Harry Dexter White

Harry Dexter White
Harry Dexter White (Ă  gauche) en compagnie de John Maynard Keynes en 1946.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les donnĂ©es sur Wikidata (Ă  55 ans)
FitzwilliamVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Conjoint
Anne Terry White (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Directeur de thèse
Frank William Taussig (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Harry Dexter White, né le à Boston et mort le à Fitzwilliam, est un économiste américain et un haut fonctionnaire du département du Trésor des États-Unis. Il est connu pour son rôle déterminant dans l'adoption de la proposition américaine lors de la conférence de Bretton Woods en 1944. Il a joué un rôle important dans la création du FMI et de la Banque mondiale.

Selon des sources américaines et soviétiques, il aurait eu des activités d'information et d'influence au profit de l'Union soviétique au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Biographie

Jeunesse et Ă©tudes

Harry Dexter White est né en Lituanie. Ses parents fuient le pays avec lui en 1895, en raison de pogroms tsaristes[1]. Il est le cadet d'une famille juive de Lituanie de sept enfants, dont les parents, Joseph et Sarah Weit Magilewski immigrent aux États-Unis en 1885. Si son nom original était Weiss (blanc en allemand), il est mal transcrit par l'officier responsable de la transcription de son nom à l'entrée sur le territoire américain. Il le traduira en White (blanc, en anglais), un peu plus tard[2].

En 1917, il s'enrôle dans l'armée américaine, est nommé lieutenant et sert en France. Son unité ne prend part à aucun combat de la Première Guerre mondiale[2]. Il est stationné à Périgueux[3]. En septembre 1918, il est transféré au camp militaire de Châtillon-sur-Seine, où on lui enseigne à mener des troupes[3]. La guerre s'achève et, après avoir passé deux semaines dans le sud de la France, il rentre à New York[3].

Il ne commence ses Ă©tudes universitaires qu'Ă  l'âge de 29 ans. Il est admis Ă  l'universitĂ© Columbia en 1921[3]. Il y Ă©tudie les sciences du gouvernement, les sciences sociales, s'inscrit Ă  un cours de d'anglais, deux cours de français et deux cours de civilisation contemporaine ; il commence Ă  se spĂ©cialiser en Ă©conomie lors de sa deuxième annĂ©e de licence[3]. Au bout de l'annĂ©e, il dĂ©cide de se transfĂ©rer Ă  l'universitĂ© Stanford, oĂą il Ă©tudie l'Ă©conomie et obtient une licence d'Ă©conomie, puis un master[2].

Considéré comme l'un des meilleurs étudiants de sa promotion, il est admis en parcours doctoral à l'université Harvard. Les données utilisées dans la thèse ont été obtenues par White à l'occasion d'un séjour doctoral en France[2], financé par Harvard. White habite alors à Sceaux, rue du lycée[3]. Il obtient un doctorat en économie à l'âge de 38 ans. Sa thèse est publiée par la Harvard University Press en 1933, sous le titre des Comptes internationaux de la France, 1880-1913.

Marié avec Anne White, ils ont deux filles, Ruth et Joan. Elles étudient toutes deux à l'université Columbia (Barnard College) comme leur père[3].

Parcours professionnel

Parcours académique

White enseigne quatre ans à l'université Lawrence à Appleton, dans le Wisconsin[3].

Aux élections présidentielles de 1924, White soutient la candidature du sénateur progressiste du Wisconsin, Robert M. La Follette[3].

Débuts au Trésor

En 1934, Jacob Viner, professeur à l'université de Chicago travaillant pour la direction du Trésor, lui proposa de collaborer à Washington avec lui sur une étude pour le département du Trésor[3].

Après l'attaque de dĂ©cembre 1941 sur Pearl Harbor, White est nommĂ© assistant de Henry Morgenthau, le secrĂ©taire au TrĂ©sor, pour agir comme agent de liaison entre le TrĂ©sor et le DĂ©partement d'État sur toutes les questions portant sur les relations Ă©trangères. Il est Ă©galement responsable de la « gestion et du fonctionnement du Fonds de stabilisation des changes Â». White finit par ĂŞtre chargĂ© des questions internationales pour le TrĂ©sor, avec un accès Ă  des renseignements confidentiels dĂ©taillĂ©s sur la situation Ă©conomique des États-Unis et de ses alliĂ©s en temps de guerre.

Selon le fils de Henry Morgenthau, White fut le principal architecte derrière le plan Morgenthau. Le but du plan Morgenthau était de désindustrialiser l'Allemagne, d'éliminer ses forces armées, et de convertir le pays en une économie agricole pré-industrielle n'ayant pas de capacité à se défendre s'il était attaqué.

NĂ©gociateur du plan PrĂŞt-bail

White est un des principaux négociateurs du plan Prêt-bail destiné à financer le Royaume-Uni pendant la guerre. Il défend une ligne dure ce qui lui vaut de s'affronter au chef de la délégation britannique John Maynard Keynes.

NĂ©gociateur en chef des accords de Bretton Woods

Harry Dexter White obtient de diriger la dĂ©lĂ©gation amĂ©ricaine Ă  l'occasion de la confĂ©rence de Bretton Woods, en 1944, oĂą sera dĂ©cidĂ©e l'architecture du système monĂ©taire international de l'après-guerre. White nĂ©gocie contre, et parfois avec, Keynes. Le plan White propulse de facto le dollar amĂ©ricain au rang de première monnaie mondiale et pilier du système monĂ©taire international. Il nĂ©gocie contre le plan Keynes, qui propose un système oĂą les paiements internationaux se rĂ©gleraient par un mĂ©canisme de compensation complĂ©tĂ© par un nouvel instrument monĂ©taire, le bancor ; ce système aurait empĂŞchĂ© les Etats-Unis d'avoir des excĂ©dents de balance courante Ă  long terme[3].

Après Bretton Woods

Après la guerre, il fut étroitement associé à la mise en place de ce que l'on appelle les institutions de Bretton Woods — le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Ces institutions avaient pour but de prévenir certains des problèmes économiques qui s'étaient produits après la Première Guerre mondiale. Il devint ensuite le premier directeur exécutif de la délégation américaine au FMI.

En 1945, il propose à Philip Jessup, professeur à l'université Columbia, de créer au sein de l'université une école spécialisée dans les relations internationales afin de préparer les étudiants à des carrières au sein du FMI et de la Banque mondiale. L'université crée l'année suivante la School of International and Public Affairs (SIPA)[3].

Controverses

Accusations d'espionnage au profit de l'URSS

Harry Dexter White, comme beaucoup d'acteurs du New Deal, affichait en économie et en politique des idées progressistes. White avait une fascination pour la planification soviétique et avait d'ailleurs demandé, sans succès, une bourse pour faire un séjour de recherche au Gosplan à Moscou. Très intéressé par la politique étrangère, il était convaincu de la nécessité d'un rapprochement entre les États-Unis et l'URSS qui serait facilité par la convergence des deux systèmes. S'il n'a sans doute pas appartenu au Parti communiste, il a été considéré par les membres du réseau comme un compagnon de route suffisamment fiable pour entrer dans le réseau de Whittaker Chambers, supervisé par le NKVD et composé de hauts fonctionnaires[2].

Des soupçons sur son engagement comme agent d'influence au profit de l'URSS conduisirent le Président Truman, à la demande du FBI (Hoover), à refuser qu'il devienne directeur général du FMI. Un certain nombre de sources, y compris le FBI et les archives soviétiques, indiquent qu'il a été en contact avec les services secrets soviétiques dès le milieu des années 1930 et qu'il est devenu une source gouvernementale d'information prisée par l'Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale[4]. En 1941, White aurait participé à l'opération Snow qui visait à réactiver les réseaux d'espionnage soviétiques pour qu'ils durcissent la politique étrangère américaine à l'égard du Japon. Il participe ainsi activement à la rédaction de l'ultimatum qui déclenchera l'attaque de Pearl Harbor[5]. Ces soupçons sont corroborés par le témoignage de transfuges comme Whittaker Chambers et Elizabeth Bentley. Un Américain sera nommé à la BIRD et un Européen au FMI.

White prĂ©sente sa dĂ©mission au TrĂ©sor le . Le , il dĂ©missionne brusquement du Fonds monĂ©taire international, abandonnant son bureau le mĂŞme jour. En , il est entendu sans mĂ©nagement sur ses activitĂ©s d'intelligence avec une puissance Ă©trangère Ă  la « Commission de la Chambre sur les activitĂ©s antiamĂ©ricaines Â» qui ne produit aucune preuve dĂ©cisive. Son rĂ´le officiel Ă©tait d'avoir des relations Ă©troites avec les puissances alliĂ©es notamment soviĂ©tiques. S'il souhaitait que l'URSS s'intègre dans l'architecture collective mise en place par Roosevelt pour l'après-guerre, et s'il pensait que ses origines lui donnaient une sensibilitĂ© plus grande aux questions de l'Europe de l'Est, rien n'indique, malgrĂ© des imprudences indiscutables, qu'il fut Ă  proprement parler un espion pro-soviĂ©tique. « My creed is an american creed Â» (Mon credo est un credo amĂ©ricain), affirme-t-il avec vigueur devant le comitĂ©. Trois jours après avoir tĂ©moignĂ©, il est frappĂ© d'une crise cardiaque dans le train qui le ramène chez lui. Il meurt le lendemain Ă  sa rĂ©sidence d'Ă©tĂ© de Fitzwilliam, dans le New Hampshire, d'une nouvelle crise cardiaque et d'une surdose de mĂ©dicaments. Ce dĂ©tail donnera naissance Ă  des interprĂ©tations conspirationnistes de sa mort, considĂ©rĂ©es gĂ©nĂ©ralement comme fantaisistes. Le magazine Chicago Tribune parle lui nĂ©anmoins d'assassinat et cite Ă©galement d'autres personnes mortes Ă©trangement comme John G. Winant mort le 3 novembre 1947, W. Marvin Smith (en) mort le 20 octobre 1948, Laurence Duggan (en) mort le 20 dĂ©cembre 1948[6], James Forrestal mort le 22 mai 1949, Morton Kent mort le 11 juin 1949, Laird Shields Goldsborough mort le 14 fĂ©vrier 1950, F.O. Matthiessen (en) mort le 1er avril 1950 et Abraham Feller (en) mort le 13 novembre 1952[7]. Par la suite, le projet Venona rĂ©vĂ©lera qu’entre le et le , White Ă©tait citĂ© dans 18 câbles sous diffĂ©rents noms de code (Lawyer, Jurist, Richard, Reed). En 1997, une commission du SĂ©nat prĂ©sidĂ©e par le sĂ©nateur dĂ©mocrate de New York Daniel Patrick Moynihan, conclura que « la complicitĂ© d’Alger Hiss du dĂ©partement d’État semble Ă©tablie, comme l’est aussi celle de Harry Dexter White du dĂ©partement du TrĂ©sor. Â» Il Ă©tait Ă©galement en relation avec Whittaker Chambers lors du procès d’Alger Hiss l'annĂ©e suivante[8].

Notes et références

  1. ↑ (en) Steil, Benn. The Battle of Bretton Woods: John Maynard Keynes, Harry Dexter White, and the Making of a New World Order., Princeton : University Press, 2013. p.17
  2. ↑ a b c d et e Benn Steil, The battle of Bretton Woods: John Maynard Keynes, Harry Dexter White, and the making of a new world order, Princeton University Press, coll. Â« A Council on Foreign Relations book Â», (ISBN 978-0-691-16237-9 et 978-0-691-14909-7)
  3. ↑ a b c d e f g h i j k et l (en) James M. Boughton, Harry White and the American Creed: How a Federal Bureaucrat Created the Modern Global Economy (and Failed to Get the Credit), Yale University Press, (ISBN 978-0-300-26265-0, lire en ligne)
  4. ↑ FBI file: Underground Soviet Espionage Organization (NKVD) in Agencies of the United States Government, October 21, 1946, p. 78-79 (PDF pp. 86-87)
  5. ↑ John Koster, Operation Snow: How a Soviet Mole in FDR’s White House Triggered Pearl HarborRegnery Publishing, 2012
  6. ↑ Romain Slocombe, Avis à mon exécuteur, 2014
  7. ↑ (en) « Chicago Tribune : Chicago news, sports, weather, entertainment Â», sur Chicago Tribune (consultĂ© le ).
  8. ↑ « Harry Dexter White Â», sur Spartacus Educational (consultĂ© le ).

Liens externes