Ferdinand Schörner, né le à Munich et mort le dans la même ville, est un général allemand, promu Generalfeldmarschall dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, notamment en raison de sa fidélité indéfectible à l'égard de Hitler.
Un militaire de carrière
Après des études de langues étrangères, Ferdinand Schörner s'engage comme simple soldat en 1911 dans un régiment d'infanterie bavarois. Il est sous-officier à l'entrée en guerre de l'Empire allemand. Combattant dans plusieurs pays d'Europe — France (Verdun, Champagne), Italie (Dolomites), Serbie — il est décoré de l'ordre « Pour le Mérite » et nommé « officier au feu », sorti du rang[1]. Il était l'officier adjoint du général Otto von Lossow qui avait réprimé le putsch de la Brasserie, le coup d'État dirigé par Adolf Hitler et le parti nazi en novembre 1923[2].
À l'arrivée des Nazis au pouvoir en 1933, il poursuit sa carrière militaire et épouse la doctrine nationale-socialiste pour devenir un inconditionnel d'Hitler — en 1944-1945, il ira même jusqu'à conclure ses ordres du jour par le salut « Heil Führer[3] ». Défendant la nécessité d'une révolution nationale-socialiste au sein de la Wehrmacht, il croit au triomphe de la volonté[4]. Son comportement totalement inféodé à l'idée de « guerre à tout prix » fait de lui un officier sans scrupules.
Durant la période suivante, son engagement en faveur du régime entraîne sa mise à l'écart, non seulement des multiples complots qui se trament contre Hitler au cours du conflit, mais aussi des débats et échanges qui animent l'ensemble des officiers généraux sur ces complots[5].
Pendant la guerre
Schörner bénéficie d'une promotion lente au début du conflit ; mais ensuite, en un peu plus de deux ans, il bénéficie de quatre promotions successives : il passe du grade d'Oberst (confirmation de son grade de colonel en ) à celui de General der Gebirgstruppe (général de corps d'armée en ) mais il ne commande de grandes unités qu'à partir d'[1].
Hitler demande à Schörner, nazi fanatique dont il se sent proche[1], de politiser la Wehrmacht dans l'esprit du national-socialisme. En , il est nommé chef d'état-major des officiers instructeurs nationaux-socialistes et, à ce titre, coordonne l'action entre l'armée et le parti pendant la période de « guerre totale[3] », ce qui lui permet de nouer des contacts avec des personnalités importantes de l'entourage d'Hitler : Martin Bormann et Wilhelm Burgdorf[1]. En 1945, il continue de multiplier les proclamations exaltant le fanatisme de la résistance allemande aux troupes soviétiques, les soldats allemands qui se battent sans faire de prisonniers et les menaces à peine voilées contre ses propres officiers[6].
Commandant du groupe d'armées Nord
Il devient Generaloberst (général d'armée) en . Nommé commandant du groupe d'armées Sud Ukraine en [1], puis du groupe d'armées Nord le [3], il y fait régner une discipline brutale, n'hésitant pas à multiplier les exécutions de soldats pour lâcheté, défaitisme ou désertion[3] ou à menacer les officiers généraux sous ses ordres[7] (il juge d'ailleurs le nombre de désertions très élevé et se sert de ce nombre pour justifier sa dureté devant ses officiers[8]). Cependant, il doit rapidement tenter de stopper les percées soviétiques en direction de Riga : il colmate comme il peut un front disloqué par l'exploitation soviétique des succès du début de l'été[9], maintenant le contrôle allemand sur Riga, mais ne pouvant empêcher un premier enfermement en Lettonie et en Estonie de son groupe d'armées[9].
Cependant, lorsque le groupe d'armées Nord est enfermé pour la première fois dans les pays baltes, à partir du , il doit affronter la crise de moral des unités placées sous ses ordres[10]. Ses faibles forces ne lui permettent pas de participer activement au succès de l'opération Doppelkopf, destiné à restaurer un lien terrestre entre son groupe d'armées et le reste du Reich[11].
Dans un premier temps, en dépit de ses erreurs tactiques[12], il parvient à éviter, même s'il le redoute[13] l'encerclement de son groupe d'armées et, dans un deuxième temps — à l'automne 1944 — à maintenir un contact terrestre entre la Courlande et le Reich ; enfin, bloqué dans la poche de Courlande (Sworbe)[14], il évite de peu l'anéantissement du groupe d'armées Nord. Au mois de septembre, malgré ses indéniables succès défensifs, il doit affronter une offensive soviétique qui finit par isoler son groupe d'armées en Courlande[15]. Le mois suivant, il impose à Hitler le retrait allemand de la ville de Riga, ancienne capitale de l’Ostland[16].
Dans ses proclamations, il tente d'insuffler à ses troupes la foi dans la victoire du Reich, la loyauté totale envers Hitler et le fanatisme dans la défense du Reich et des territoires qu'il contrôle encore[3]. En dépit de cela, il ne peut rien contre le pessimisme qui gagne aussi ses officiers et les hommes de troupe, comme le note un rapport des responsables du NSDAP en fonctions dans les régions que son groupe d'armées contrôle[17]. Ainsi, perpétuellement en première ligne, il visite régulièrement les unités placées sous ses ordres[1], ce qui lui assure une certaine popularité parmi les hommes de troupe jeunes et les jeunes officiers[18].
Hitler lui ayant donné les « mains libres » pour défendre la Silésie[22], il fait passer au peigne fin les gares, les dépôts militaires, les régions proches du front à la recherche de déserteurs et de faux permissionnaires, lesquels sont fusillés ou pendus pour l'exemple[18]. Jusqu'aux derniers jours du conflit, il fait régner une discipline de fer au sein des unités qu'il commande[23].
Responsable du groupe d'armées Centre, considérablement renforcé, grâce à l'influence d’Albert Speer, par des unités prélevées en Slovaquie et en Hongrie[24], il exerce son commandement à partir du et coordonne la défense de la Silésie à partir du , date de son arrivée à son quartier général d'Oppeln[25]. Conscient de ses limites et de celles de ses unités, il confie la conduite des opérations à son état-major, se réservant de relever le moral de ses unités démoralisées par la débâcle qu'elles viennent de vivre[1]. Ainsi, il coordonne la défense du bassin industriel de Haute-Silésie, balayée par les Soviétiques en 17 jours à la demande expresse de Staline[1] : la région est évacuée définitivement le , sans subir de destructions de grande ampleur, et sans qu'il subisse la colère de Hitler[26].
Cet échec consommé, il s'attelle à la défense de la rive gauche de l'Oder, parvenant à limiter les têtes de pont soviétiques dans le secteur de Ratibor, les réduisant mais ne parvenant pas à les détruire complètement[27].
Au cours des semaines suivantes, en et en , commandant le groupe d'armées Centre chargé de protéger Prague, Dresde et Berlin par le Sud[28], Schörner organise également la défense allemande de la Silésie proche, qu'il tient pied à pied dans une gigantesque bataille, exploitant toutes les possibilités du terrain, ce qui la rend très coûteuse pour l'Armée rouge, en hommes et matériels[29]. Au début de , il planifie une contre-offensive destinée à dégager Breslau[30] et parvient à mener à bien la phase préparatoire, destinée à s'assurer le contrôle d'une voie de chemin de fer moderne[31] : il parvient ainsi à reprendre des petites villes comme Lauban et Striegau, autant de gares sur la ligne Berlin-Breslau[31]. Ces victoires sans lendemain sont naturellement exploitées par la propagande de Goebbels[32], l'un des objectifs assignés à cette offensive[31]. Il ne peut cependant pas empêcher les unités soviétiques de conquérir l'ensemble de la Silésie, dont les derniers bastions sont pris par les Soviétiques le , lors de la chute de Ratibor[33] ; à la suite de cette défaite, il doit replier ses unités en Bohême et dans les Sudètes[34].
Schörner est promu Generalfeldmarschall le : il est l'avant-dernier des onze officiers généraux allemands qui ont bénéficié de cette promotion entre le et la fin du conflit[N 1],[35].
Le , Hitler rédige son testament et nomme les responsables chargés de lui succéder dans l'ensemble de ses fonctions : jouissant de la confiance de Hitler[36], Schörner y est désigné commandant en chef de l'Armée de terre (la Heer)[37], alors qu'il exerce le commandement opérationnel du groupe d'armées Centre, fort de 600 000 hommes[38], engagé dans d'âpres combats en Tchécoslovaquie.
Dans les derniers jours du conflit, Schörner, qui comprend que la défaite du Reich est totale, abandonne son groupe d'armées[N 2],[41], revêt une tenue civile et rejoint en avion[23] l’Autriche, préférant être fait prisonnier par les Américains plutôt que par les Soviétiques. Il est néanmoins remis aux Soviétiques, envoyé en Sibérie, jugé puis libéré.
Après la guerre
Il est de retour en Allemagne en 1955 où il persiste, jusqu'à la fin de sa vie, à ne pas dénigrer son action, allant même jusqu'à donner des conférences. Il est néanmoins jugé comme responsable de la mort de nombreux soldats allemands, ayant ordonné les exécutions de ceux qui faiblissaient au combat : il est toutefois soutenu par certains de ses anciens subordonnés à cette occasion[13]. Le 4 août 1960, Ferdinand Schörner est libéré de manière anticipée de la prison de Landsberg pour raisons de santé. En 1963, le président fédéral Heinrich Lübke, lui accorde finalement une partie de sa pension. Aucun maréchal n'est créé depuis la mort de Ferdinand Schörner qui décède le 2 juillet 1973, âgé de 81 ans, d'une crise cardiaque et est enterré avec son épouse[42], et est solennellement inhumé à Mittenwald. Il était le dernier maréchal allemand de la Seconde Guerre mondiale encore en vie.
Famille
Schörner était le fils de l'inspecteur de police Johann Schörner (1859-1931) et de son épouse Anna Katharina, née Bauer (1866-1930). Le , Schörner épouse sa fiancée, Lieselotte Karboschensky (1909-1949), la fille d’un industriel berlinois. Le mariage a donné naissance à trois enfants, deux fils et une fille. Son épouse Lieselotte est décédée en 1949 alors qu'il était prisonnier en Sibérie[43].
↑Douze généraux ont été promus Generalfedmarschall le au cours d'une cérémonie à Berlin, onze autres l'ont été au fur et à mesure et de manière moins formelle entre 1941 et 1945, par exemple Friedrich Paulus par radio, la veille de sa reddition à Stalingrad le .
↑Le groupe d'armées Centre, placé sous son commandement depuis le mois de précédent, capitule le .
Philippe Garraud, « Les généraux allemands et le nazisme : entre adhésion, subordination, conformisme et détachement », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 2, no 234, , p. 5-24 (DOI10.3917/gmcc.234.0005, lire en ligne).
Jean Lopez, Berlin : Les offensives géantes de l'Armée rouge. Vistule - Oder - Elbe (12 janvier-9 mai 1945), Paris, Economica, , 644 p. (ISBN978-2-7178-5783-2).