Les premiers fossiles d'Elpistostege n'étaient connus par des restes mineurs découverts tout au long du XXe siècle, et incluaient des parties fragmentaires de crânes, de vertèbres ainsi que d'écailles, ce qui rendait sa description anatomique et phylogénétique très incertaine. Depuis la découverte officialisée de Tiktaalik, il est souvent classé comme étant le taxon frère de ce dernier, notamment en raison de sa morphologie partageant un bon nombre de points communs.
En 2010, un imposant squelette complet est mis au jour au sein de la même formation et la découverte est par la suite officialisée en 2013 via plusieurs médias, principalement québécois. L'étude publiée en 2020 par Richard Cloutier et son équipe révèlent que les nageoires appariées de l'animal contiennent des os comparables aux phalanges aux doigts des tétrapodes, ce qui fait d'Elpistostege le tétrapodomorphe le plus basal connu pour posséder ce type d'os. En raison de ces caractéristiques, l'étude place Elpistostege dans une position plus dérivée que Tiktaalik, et le considère comme étant le taxon frère de tous les vertébrés disposant de membres, incluant des animaux tels Acanthostega, Ichthyostega, Tulerpeton et le groupe-couronne des tétrapodes.
Tous les restes actuellement connus d'Elpistostege ont été découverts dans la formation d'Escuminac, au sein du parc national de Miguasha, un site fossilifère connu pour la préservation d'un important nombre de fossiles de poissons, d'invertébrés et de végétaux datant du début du Dévonien supérieur. Les sédiments présents sur le site semblent indiquer que l'endroit aurait été semblable à celui d'un estuaire.
Le nom de genre Elpistostege vient du grec ancienἐλπίς / elpís, qui signifie « espoir » et στέγη / stegi, signifiant « toit », en référence au toit crânien de l'animal, l'ensemble pouvant donner littéralement « crâne de l'espoir »[1]. L'épithète spécifique est nommé en l'honneur de David Meredith Seares Watson, paléontologue et géologue du XXe siècle, ayant notamment décrit d'autres tétrapodomorphes basaux[1].
En 2010, un spécimen complet est trouvé dans la même formation et sa découverte sera officialisée trois ans plus tard dans divers médias, principalement francophones. Par la suite, le fossile catalogué MHNM 06-2067 est décrit plus en détail dans un article publié dans la revue scientifiqueNature par Richard Cloutier et ses collègues sept ans plus tard, en 2020. Le spécimen mesure 1,57 mètre de long et est aplati dorso-ventralement (à l'exception de la nageoire caudale qui est préservé de manière latéral). Il conserve la quasi-totalité du squelette postcrânien, incluant notamment des éléments non visibles sur la surface extérieure du fossile, leur présence ayant été révélée via des tomodensitomètres[3],[4].
Description
Description simplifiée
Le fossile d'Elpistostege catalogué MHNM 06-2067 est l'un des restes de proto-tétrapodes parmi les plus complets ayant été découverts à ce jour. Mesurant 1,57 mètre de long, il conserve la quasi-totalité du squelette postcrânien et montre la présence d'éléments rarement gardés dans les fossiles de tétrapodomorphesdérivées, à savoir la présence d'écailles. Elpistostege a une tête courte, un tronc allongé et mince avec une partie caudale raccourcie ainsi qu'une nageoire anale relativement petite. Le crâne représente environ 14 % de la longueur totale de l'animal, partageant une morphologie similaire à celui de Tiktaalik[3].
Crâne
Le crâne d'Elpistostege est de forme triangulaire, occupant une partie importante du corps de l'animal[3]. Ce dernier est de forme aplatie et on peut supposer à partir d'une coupe transversale qu'il aurait été similaire à celui de Panderichthys, à savoir peu arqué (courbé en forme d'arc). Les orbites oculaires sont élevées au-dessus du toit crânien avec un dépression profonde entre eux, formées par des bosses bombées situées entre les os frontal et pariétal. Les orbites sont plus larges de manière dorsale d'avant en arrière et sont recouvert d'os mosaïque dont les sutures ne sont pas complètement distinguables. La cambrure principale se produit près de la mâchoire supérieure ; les maxillaires et les prémaxillaires reposant sur la face ventrale. Le frontal est l'os le plus large du toit crânien, s'élargissant vers l'avant et s'incrustant derrière le rostre et l'os nasal. Le nasal entoure les postrostrum postérieures, médianes et antérieures appariées ; formant ensemble le toit du museau qui est élevé au-dessus des éléments environnants par les dents de la partie antérieur de la mandibule. Dans l'ensemble, le crâne ressemble beaucoup à celui d'un tétrapode primitif, comparable aux « labyrinthodontes »[2].
Squelette postcrânien
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Classification
Historique
La position taxonomique d'Elpistostege a changé durant maintes reprises en raison du fait que l'animal n'était connu que par des fossiles incomplets avant 2010. Dans l'article publié par Westoll en 1938, Elpistostege fut placé parmi divers vertébrés à membres primitifs dans l'ordre des Stegocephalia, au sein de la classeAmphibia[N 1],[1]. Cette classification sera contestée dans l'article publié en 1985 concernant la découverte du second spécimen, qui le reclasse dans la famille des Panderichthyidae. Cette proposition est notamment due au fait que les auteurs mentionnent la possibilité que le crâne aurait pu être similaire à celui de Panderichthys[2]. Cependant, diverses analyses phylogénétiques publiées ultérieurement le classent dans une position plus dérivée que ce dernier[7]. Le nom du taxonElpistostegalia vient d'ailleurs du genreElpistostege et réunit notamment Panderichthys et le groupe-couronne des tétrapodes[8]. Le taxon Stegocephalia, le groupe d'amphibiens où fut autrefois placé Elpistostege, sera redéfini en 1998 par le paléontologue québécoisMichel Laurin comme « tous les animaux plus étroitement liés aux temnospondyles qu'à Panderichthys »[6]. Avec la publication officielle de la découverte de Tiktaalik en 2006, Elpistostege fut placé régulièrement en tant que taxon frère de ce dernier, notamment en raison de leur structure crânienne[9],[10]. Depuis la publication de l'étude publiée par Cloutieret al. en 2020, il est classé comme taxon frère de tous les vertébrés à quatre membres, en raison de la disposition des os homologues aux doigts[3],[11].
Phylogénie
Ci-dessous, une analyse menée par Brian Swartz en 2012 considérant Elpistostege comme étant le taxon frère de Tiktaalik, tous deux s'avérant être des membres primitifs du clade Elpistostegalia[10].
Ci-dessous, la classification basée d'après l'étude menée par Cloutieret al. en 2020, plaçant Elpistostege en tant que taxon frère de tous les vertébrés à membres, dans une position plus dérivée que Tiktaalik[3], selon Stewart et al. (2022)[11]:
La formation d'Escuminac, d'où Elpistostege a été découvert, est connue pour avoir livré plus de 18 000 spécimens de poissons et contient de nombreux fossiles de végétaux (notamment l'arbre primitif Archaeopteris ou encore Barinophyton)[12],[13]. Les analyses de sédiments suggèrent un milieu marin ou de transition plutôt qu'une origine lacustre pour la formation d'Escuminac. L'excellente qualité de préservations des fossiles de poissons et de coprolithes indique que la zone se situait en eau saumâtre[13].
↑ abc et d(en) Hans-Peter Schultze et Marius Arsenault, « The panderichthyid fish Elpistostege: a close relative of tetrapods ? », Palaeontology, vol. 28, no 2, , p. 293-309 (S2CID134153900, lire en ligne [PDF])
↑(en) Laura Geggel, « Fish sprouted fingers before they ventured onto land, fossil shows », livescience.com, (lire en ligne)
↑(en) E. D. Cope, « Synopsis of the extinct Batrachia of North America », Proceedings of the Academy of Natural Sciences of Philadelphia, , p. 208-221 (JSTOR4059894)
↑ a et b(fr + en) Michel Laurin, « L'importance de la parcimonie globale et du biais historique pour la compréhension de l'évolution des tétrapodes. Partie I. Systématique, évolution de l'oreille moyenne et suspension mandibulaire », Annales des Sciences Naturelles - Zoologie et Biologie Animale, Paris, vol. 19, no 1, , p. 1–42 (DOI10.1016/S0003-4339(98)80132-9, S2CID84192988)
↑(en) Gordon, M.S. et Long, J.A., « The Greatest Step In Vertebrate History: A Paleobiological Review of the Fish-Tetrapod Transition », Physiological and Biochemical Zoology, vol. 77, no 5, , p. 700–719 (PMID15547790, DOI10.1086/425183, S2CID1260442, lire en ligne [PDF])
↑ a et b(en + fr) Richard Cloutier, « Great Canadian Lagerstätten 4. The Devonian Miguasha Biota (Québec): UNESCO World Heritage Site and a Time Capsule in the Early History of Vertebrates », Geoscience Canada, vol. 40, no 2, , p. 149-163 (DOI10.12789/geocanj.2013.40.008, S2CID55424276)
↑ a et b(en) Richard Cloutier, Stanislas Loboziak, Anne-Marie Candilier et Alain Blieck, « Biostratigraphy of the Upper Devonian Escuminac Formation, eastern Québec, Canada: a comparative study based on miospores and fishes », Review of Palaeobotany and Palynology, vol. 93, nos 1-4, (DOI10.1016/0034-6667(95)00126-3, S2CID129830803, lire en ligne)