Edita Gruberová est la fille unique de Gustav Gruber et d'Etelka. En 1959, elle entre dans un chœur d'enfants où elle fera la connaissance de la jeune Gabriela Beňačková. Lorsqu'elle a quinze ans, le docteur Julius Janko, pasteur à l'église protestante de Rača, prend en main son éducation musicale et lui enseigne le piano et le chant. Par la suite, elle entre au conservatoire de Bratislava, où elle suit l'enseignement de Maria Medvecká, qui lui fait aborder les airs de la Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart.
Les débuts
Le , elle fait ses débuts sur scène, dans le rôle de Rosina du Barbier de Séville de Rossini. À l'automne, elle se produit au Théâtre du Capitole de Toulouse à l'occasion d'un concours de chant où elle remporte le troisième prix. Le 14 décembre de la même année, elle fait ses débuts en Violetta dans La Traviata de Verdi au Théâtre de Banská Bystrica, où elle est engagée de manière permanente. Elle y chante par la suite les quatre rôles féminins des Contes d'Hoffmann d'Offenbach et celui d'Eliza Doolittle dans My Fair Lady de Frederick Loewe. C'est en 1971 qu'elle s'exilera hors de la Tchécoslovaquie communiste, pour n'y revenir qu'en 1979, lors d'une tournée avec l'Opéra de Vienne.
Le , elle interprète la Reine de la nuit à l'Opéra d'État de Vienne. C'est un rôle qu'elle chantera cent quarante-quatre fois, sous la direction des plus grands chefs d'orchestre (Josef Krips, Herbert von Karajan, Wolfgang Sawallisch, etc.) et qu'elle enregistrera en studio à trois reprises (avec Alain Lombard, Bernard Haitink et Nikolaus Harnoncourt). Cela ne lui ouvre cependant pas l'accès à des rôles intéressants à Vienne. On ne l'engage que pour chanter des seconds rôles comme la voix de l'Oiseau de la forêt dans Siegfried de Wagner, une modiste dans Le Chevalier à la rose de Strauss, Tebaldo dans Don Carlo de Verdi, Barbarina dans Les Noces de Figaro de Mozart, Olympia dans Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach, et même le rôle parlé d'Ida dans La Chauve-Souris de Johann Strauss fils. Si cette période est difficile à vivre, elle lui permet cependant de ne pas brûler les étapes, de laisser sa voix se développer à un rythme raisonnable et d'être très à l'écoute de ses partenaires.
En 1973, Gruberová travaille avec Ruthilde Boesch, son nouveau professeur de chant, le rôle de Zerbinetta d'Ariane à Naxos de Strauss pour une prise de rôle à Vienne. Cette année-là, elle chante la Reine de la nuit au Festival de Glyndebourne et en concert au Royal Albert Hall de Londres. Elle interprète ensuite pour la première fois Konstanze dans L'Enlèvement au sérail de Mozart à Graz puis enregistre le rôle de Fiakermilli dans Arabella de Strauss sous la direction de Georg Solti pour une version filmée par Unitel.
Herbert von Karajan l'engage pour chanter la Reine de la nuit au Festival de Salzbourg1974 dans une production de Giorgio Strehler, qui ne sera jamais reprise. En 1975, elle se produit pour la première fois dans un récital de Lieder, à Vienne. La mélodie avec accompagnement au piano est un genre qu'elle continue à cultiver et dans lequel elle excelle. Elle aborde ensuite le rôle-titre de Lucia di Lammermoor de Donizetti à Graz.
Elle fait ses débuts au Metropolitan Opera de New York en Reine de la nuit, sous la direction de James Conlon, en janvier 1977. Très peu à l'aise en avion et dans les grandes villes modernes, elle n'y donnera qu'un peu plus de vingt représentations durant sa carrière.
En 1991, elle enregistre au profit de l'ONGLicht ins Dunkel(de) un album de chansons pour enfants, Children's songs of the world, comprenant 31 chansons et comptines traditionnelles de 26 pays différents.
En 2003, elle fête au Bayerische Staatsoper de Munich ses trente-cinq ans de carrière en interprétant Rosina, le rôle de ses débuts. En , elle interprète sa deux-centième Lucia, à Berlin. En décembre 2005, c'est Zerbinetta qu'elle interprète pour la deux centième fois, à l'Opéra d'État de Vienne, dans la production qu'elle a créée en 1976. Elle se produit principalement sur les scènes lyriques de Munich, de Barcelone, de Berlin, de Vienne et donne de nombreux concerts.
En , elle aborde le rôle-titre dans Lucrezia Borgia (Donizetti) en version de concert au Liceo de Barcelone. Après 40 ans de carrière, elle y fait montre d'un tel engagement et d'une telle maîtrise technique (un pianissimo soutenu pendant 20 secondes; un suraigu final triomphant) que le public en délire déploie des banderoles avec son portrait ou des slogans tels "Edita, simply the best" et la rappelle pendant 35 minutes.
Sa prise de rôle scénique est prévue pour à Munich.
En , elle se produit en Italie lors de récitals de Lieder à Rome et à la Scala de Milan. Elle revient à Prague pour un récital d'airs d'opéras (de Mozart, Bellini, Donizetti) avec l'Orchestre de la Radio Tchèque. Elle termine sa saison 2007-2008 en chantant au mois de juin les rôles d'Elvira (les Puritains de Bellini) et d'Elisabetta (Roberto Devereux de Donizetti) à Munich, ainsi qu'un concert pour le championnat de football UEFA EURO 2008 à Vienne. En juillet, elle chante au Festival de Munich le rôle de Norma aux côtés d'Elīna Garanča, avec qui elle avait gravé sa dernière intégrale d'opéra chez Nightingale Classics.
Lors de la saison 2008-2009, elle se produisit au Japon, en Suisse, en Allemagne et en Espagne, après avoir repris le rôle de Zerbinetta à l'Opéra de Vienne. Elle était également membre du jury du premier concours international de chant Marcello Viotti, en .
Lors de ses concerts en Suisse () et à Barcelone (), elle aborda pour la première fois la grande scène de Donna Elvira (Don Giovanni de Mozart) et chanta également les airs de fureur d'Elettra (Idomeneo de Mozart), rôle qu'elle n'a jamais chanté sur scène mais qu'elle avait gravé en studio pour Decca, aux côtés de Luciano Pavarotti.
En 2011, elle reprend le rôle d'Anna Bolena de Donizetti au Gran Teatre de Liceu à Barcelone, dans une nouvelle production de Rafel Duran, sous la direction d'Andriy Yurkevych. Le , elle donne un récital d'airs d'opéras italiens au Schiller Theater de Berlin.
Sa prochaine prise de rôle est prévue en 2012 : ce sera Alaide dans La Straniera de Bellini, en version de concert à Munich puis en version scénique à Zurich, en , dans une mise en scène de Christof Loy, ainsi qu'au Theater an der Wien en .
En 2011-2012, elle chante au Japon, en Hongrie, en Slovaquie, en Allemagne, en France, en Autriche, en Italie (la Scala de Milan), en République Tchèque.
Fin de vie
Ayant mené une carrière d'une longévité exceptionnelle, elle fait ses adieux à la scène en 2019, et meurt deux ans plus tard, le 18 octobre 2021 à Zurich, où elle résidait[2],[3].
Réception en France
Edita Gruberová a débuté en France en 1968, lors du Concours de chant de Toulouse où elle avait remporté le deuxième prix. Elle n'a chanté dans des opéras qu'à quelques reprises :
En octobre 1976 à la Maison de la Radio à Paris dans le rôle-titre de La femme silencieuse de Richard Strauss (version de concert).
Ses deux seules apparitions à l'Opéra de Paris datent de 1980 à l'Opéra Garnier et de 1990 à l'Opéra de la Bastille, pour des récitals avec piano.
Elle a également donné des récitals à la Salle Pleyel, à la Salle Gaveau et au Théâtre des Champs-Élysées.
Elle chantera Norma de Bellini en version de concert en à Nice, puis à Paris (Salle Pleyel), aux côtés de Sophie Koch, au profit de l'association Coline Opéra. La première représentation à Nice le a vu un nouveau triomphe où Edita a été rappelée à 6 reprises sur scène.
Voix
La voix d'Edita Gruberová est extrêmement puissante et endurante dans le suraigu. Elle est particulièrement connue pour sa maîtrise technique (contrôle du souffle, vocalises rapides, sons filés jusqu'à la limite de l'audible) qui lui permet d'assurer des rôles souvent difficiles dans le domaine du bel canto romantique où elle prend des risques phénoménaux.
Elle est l'une des rares cantatrices à donner les deux contre-sol (sol5) dans le redoutable Popoli di Tessaglia! (K. 316/300b), air de concert de Mozart. Elle est aussi l'une des seules à chanter le rôle de Zerbinetta tel qu'il est écrit, c'est-à-dire avec un trille sur un aigu et surtout, dans la version première, plus longue, plus aiguë et comprenant un contre-fa #.
Des dizaines de disques viennent documenter son art mais comme la plupart des voix très aiguës, le son enregistré semble plus petit et dur que ce qu'il est en réalité. Les meilleurs enregistrements d'un point de vue sonore sont peut-être :
Une captation vidéo de la Maria Stuarda de Donizetti donnée en version de concert à Barcelone en avec Edita Gruberova dans le rôle titre et Juan Diego Florez en Leicester a été réalisée par la télévision espagnole.
En paraît une captation de Lucrezia Borgia filmée à Munich la même année, avec en bonus un documentaire qui a été également diffusé sur Arte en .
Références et sources
↑Paul-André Demierre, Edita Gruberova, une Zerbinetta inégalable, article de Crescendo Magazine, le 27 novembre 2021 [1]