Originaire de Ploudalmézeau au nord de Brest, fils d'une mère institutrice dans l'enseignement privé et d'un père coiffeur, il est scolarisé dans divers établissements catholiques : le petit séminaire de Pont-Croix, le collège Saint-François de Lesneven, le lycée de la Croix-Rouge à Brest. Il n'a que sept ans lorsque le curé de Ploudalmézeau lui fait faire ses premières gammes sur le clavier de l'église paroissiale[3]. Convaincu des aptitudes du garçon, le prêtre le présente à un « vrai » professeur de musique, Pierre-Yves Moign, compositeur brestois qui lui donne des cours de piano. Cela lui permet de travailler à la fois la musique traditionnelle bretonne et la musique contemporaine, sur un premier piano à queue obtenu par l'intermédiaire d'un oncle[4], qui l'avait acheté pour un gala de Claude François à Ploudalmézeau[5].
Vers l'âge de douze ans, il connaît sa seule période de découragement ; il abandonne son piano pendant six mois mais revient ensuite à son clavier de manière définitive[4]. Durant sa première adolescence, il prend des cours particuliers avec Antoinette Keraudren, qui lui apprend conjointement le piano et l'orgue, lui permettant de se familiariser vite avec des répertoires très différents[4]. Il travaille beaucoup en autodidacte et essaie de jouer le rock 'n' roll de l'époque.
Jazzman
Indécis dans son choix d'études, il s'inscrit successivement dans cinq sections de préparation au bac : après trois semaines en seconde littéraire, il opte pour des études économiques, les quitte rapidement pour une seconde technologique puis passe en section mathématiques pour finir par obtenir un baccalauréat D, spécialisé en sciences de la vie, en 1978. Il n'entreprend des études musicales qu'à l'âge de seize ans, au conservatoire de Brest. Grand adolescent, il travaille à reproduire à l'oreille ce qu'il entend à la radio et se passionne un moment pour les Who, Pink Floyd, Weather Report, Creedence Clearwater Revival et surtout Jimi Hendrix, en qui il reconnaît un authentique génie, créateur d'un univers onirique audacieux[6]. À 17 ans, il élargit sa passion au jazz, ses références dans ce domaine étant Keith Jarrett, Bill Evans, Miles Davis, John Coltrane ou Herbie Hancock[7]. Il creuse cette forme musicale en analysant le langage de ses maîtres. Il s'intéresse aussi, dans les années 1970, au renouveau de la musique celtique et en particulier, à l'incontournable Alan Stivell. En 1977, il forme son big band « Sirius », orchestre de jazz régional, et obtient une reconnaissance des scènes brestoises et bretonnes[8]. La formation a suffisamment de succès et de moyens pour être active pendant quatre ans.
De l'enseignement à la scène
Ses études universitaires le mènent naturellement vers la faculté de musique de Rennes, puis dans une université parisienne. Avant d'obtenir sa licence, il enseigne à mi-temps comme professeur de musique au collège Saint-Joseph de Ploudalmézeau[6]. Il obtient ensuite le CAPES. Il fit connaître ses talents en matière d'harmonisation, de variation et d'improvisation, ce qui le mena jusqu'à l'agrégation de musicologie en 1988 et au diplôme du conservatoire d'État. Au milieu des années 1980, il crée une section spécialisée en musique au lycée privé Fénelon à Brest, enseigne trois ans pour l'Éducation nationale puis démissionne de son poste en 1991 pour vivre de son art.
Didier Squiban intègre la grande équipe de L'Héritage des Celtes, avec des collaborations remarquées en compagnie de Dan Ar Braz et Yann-Fañch Kemener, lors de la tournée[9]. Le duo Kemener-Squiban fit des merveilles, ce qui incita les deux hommes à enregistrer les albums Enez-Eusa (vendu à 30 000 exemplaires, un succès important à l'échelle de la Bretagne)[6] et Île-Exil[10]. Cette formule de duo unique s'envole hors de la péninsule pour être applaudi en France (dont au Stade de France en 2002[11]) et à l'étranger (Allemagne, Québec, Suisse, Pologne, Finlande)[6]. Tous deux seront à l'origine de la formation An Tour Tan (« le phare »), qui regroupera quelques grands noms de la scène bretonne. Cet ensemble édite son premier album, Pen-ar-Bed, lors des fêtes maritimes de Brest 96 et du grand spectacle présenté par le chef d'orchestre Squiban devant 30 000 personnes au port de Brest[12]. L'aventure est reconduite pour le public parisien au Bataclan en 1998.
Ses ancêtres étaient originaires de Molène, le premier album de sa trilogie pour piano sera donc enregistré dans l'église de cette île et porte le nom Molène[16]. Une maison de disque, L'Oz Production, lui fournit, en mai 1997, la possibilité de marier ses trois centres d'intérêt : le musicien fait transporter son piano sur Molène, s'installe dans l'église de l'île et interprète dix-huit titres inspirés par la mer d'Iroise et la culture bretonne (emprunts au Barzaz Breizh) avec toujours sa part d'improvisations et ses variations où se mêlent des airs de Debussy et de jazz. Diffusé par Coop Breizh, l'album trouve le succès, avec plus de 100 000 exemplaires vendus en France et à l'étranger, lui permettant même de jouer en Allemagne et au Japon[17]. La Bretagne est désormais au centre de ses œuvres, qu'il se produise en solo ou avec des formations diverses, comme en témoignent les titres de ses albums : Porz Gwenn (presqu'île de Plougastel-Daoulas)[18], Rozbraz (port de Riec-sur-Bélon)[19]... Ce qui ne l’empêche pas de s'ouvrir aux autres, en jouant devant 40 000 personnes au festival des Vieilles Charrues en 1998, concert marqué par la venue du chanteur suisse-allemand Stephan Eicher pour interpréter Enez Molenez dont les paroles sont écrites par Manu Lann Huel[20]. Sa carrière lancée, Didier Squiban se produit désormais à l'étranger et joue ses symphonies avec l'Orchestre de Bretagne (Symphonie Bretagne en 2000, Symphonie Iroise en 2004, Symphonie Le Ponant en 2013)[12].
Il est désormais un artiste incontournable des festivals bretons et se produit régulièrement, depuis 1999, au Festival interceltique de Lorient qui a eu la primeur de certaines de ses œuvres[21], tout comme à Quimper (Cornouaille 1998[22], Liviou ar Vro[23]). Dans un registre plus « intime », après son album Ballades, il enregistre un album au cours de la Tournée des Chapelles en 2004[24]. Les thèmes maritimes, omniprésents dans l'œuvre de cet enfant de la côte, transparaissent sur l'album La plage en 2006. En 2008, Didier Squiban se rapproche du monde électro en collaborant avec le groupe brestois Sheer K, lauréat Jeunes Charrues en 2004[25]. De leur rencontre naît Mesk (« Mélanges » en langue bretonne) et donne justement un mélange de celtique-jazz et d'électro-trip-pop[26]. En 2013, avec Molène saison II, il offre 24 nouveaux préludes répartis en trois « saisons » : Impressions, Improvisations, Conversations[12].
Discographie
Ses albums sont produits par le label L'OZ Production (en téléchargements sur le site) et distribués par Coop Breizh. Depuis 2012, ils sont produits par son propre label Dider production. Le photographe Michel Thersiquel est l'auteur des photos des livrets et jaquettes de la plupart des albums de Didier Squiban. Les images de Didier Squiban illustrant la jaquette de Concert Riec sur Belon 2006 sont des créations bénévoles de Pierre-Henri Berthezène. Les photos de Molène saison II sont signées Sébastien Hervé.
1990 : Tendances, album jazz enregistré en 1990, remastérisé en 2001
1992 : La Valse des Orvilliers, album valse avec Alain Trévarin (accordéon), réédition remasterisée 1997
1994 : Jazz à Vauban, album jazz enregistré en 1994, remastérisé en 2001
1995 : Bangor, album jazz avec la formation Sirius
Il a réalisé des musiques pour Océanopolis (films et vidéogrammes) et le Centre de Culture Scientifique et Technique de la Mer, des génériques pour France 3 (Banc Public, Météo Marine, Agence Iroise)... Il a enregistré sur de nombreux albums (pas tous listés ci-dessous).
2006 : Concert Riec-sur-Belon 2006, enregistré pendant la Tournée des Chapelles, agrémenté d'un documentaire sur l'artiste de 26 minutes intitulé Un piano dans chaque port.
↑L'ouïe. « Didier Squiban ou le souffle du vent », Le Télégramme, 24 août 2012, consulté sur www.letelegramme.com le 24 août 2012 : « Les jazzmen américains Bill Evans et Keith Jarrett sont les deux musiciens qui ont le plus marqué Squiban, le premier est d'ailleurs d'origine galloise et le second a des racines écossaises. »
↑Robert Migliorini, « Didier Squiban, la Bretagne dans un piano. Après Molène et Port-Gwenn, le Breton nous invite à « Rozbras », son dernier album, et part en tournée. », La Croix, , p. 16
Daniel Morvan (photogr. Bernard Galéron), Bretagne, Terre de musiques, e-Novation, , 144 p. (ISBN978-2-9516936-0-9), « Métisser / Meskañ : Breizh ardente et feeling glazik. Didier Squiban, le piano en archipel », p. 90
Claude Le Menn (préf. Yvon Etienne), Étonnants Léonards, Spézet, Keltia Graphic, , 189 p. (ISBN978-2-35313-012-2), « Didier Squiban : L'inventeur du swing celtique », p. 178-181
Ronan Gorgiard, L'étonnante scène musicale bretonne, Plomelin, Palantines, coll. « Culture et patrimoine », , 255 p. (ISBN978-2-911434-98-3, BNF41381758)
Articles de presse et de magazines
Alexandre Le Drollec, « Didier Squiban, une vie au piano », Bretons, , p. 16 (lire en ligne)
Alain-Gabriel Monot, « Didier Squiban, une vie au piano », ArMen, no 196, , p. 8-11
Dominique Le Guichaoua, « Didier Squiban, un air marin », Trad Magazine, no 70, , p. 4-8
Documentaires
Didier Squiban. Un piano dans chaque port, film d'Olivier Bourbeillon, 1999, Morgane Production, diffusé sur Mezzo, 26 min (en bonus sur le DVD Concert Riec-sur-Belon)
Didier Squiban : le piano, la Bretagne et la mer, film d'Yves Le Parc, 2006, 52 min (en bonus du DVD Symphonie Iroise)
Baradoz : l'histoire d'une symphonie bretonne, film d'Hervé Beau, 2022, 90 min