En janvier 2013, Laura Poitras a reçu pour la première fois un e-mail anonyme signé « Citizen Four », le nom de code que s'était donné Snowden[7],[2]. Il y explique qu'il propose de rendre publique une grande quantité d'informations sur les pratiques de surveillance illégales de la NSA et d'autres agences de renseignement. Poitras travaillait déjà sur un film traitant des programmes d'écoutes américains à la suite des attaques du 11 septembre.
En 2012, Poitras avait déjà commencé à travailler sur le troisième et dernier film de sa trilogie du 11 septembre. Le film devait se concentrer sur la surveillance nationale, et elle avait alors prévu d'interviewer Julian Assange, Glenn Greenwald, William Binney et Jacob Appelbaum[10]. Elle est contactée par Snowden en janvier 2013 après qu'il a été incapable d'établir un moyen de communication sécurisé avec Greenwald[11],[12]. Poitras part pour Hong Kong en mai 2013, où elle filme Snowden retranché dans sa chambre d'hôtel pendant huit jours[10]. Par la suite, elle se rend à Moscou où elle enregistre une seconde interview avec Snowden.
Poitras a dû prendre d'importantes mesures de sécurité afin de pouvoir réaliser son film. Comme elle l'explique dans le film, elle a déménagé à Berlin après avoir été à de nombreuses reprises interrogée par les agents des douanes américaines à chaque fois qu'elle passait la frontière[13]. Elle a monté le film en Allemagne directement après son retour de Hong Kong pour s'assurer que le FBI ne puisse pas se procurer les rushes ; elle a chiffré les vidéos du film sur des disques durs grâce à plusieurs niveaux de protection[14]. L'ordinateur qu'elle a utilisé pour lire des documents sensibles est séparé d'Internet par un air gap.
Dans un de ses premiers e-mails, Snowden explique qu'il a contacté Laura Poitras après avoir remarqué qu'elle était surveillée par la NSA :
« À l'heure actuelle, sachez que chaque frontière que vous traversez, chaque achat que vous faites, chaque numéro que vous composez, chaque antenne relai que vous passez, chaque ami que vous contactez, chaque site que vous consultez et mot que vous tapez dans les moteurs de recherche est entre les mains d'un système dont la portée est illimitée mais dont les barrières n'existent pas[15]. »
Citizenfour a reçu des critiques essentiellement positives. Il affiche 98 % de critiques positives sur l'agrégateur Rotten Tomatoes, avec un score de 8,3⁄10 sur 124 critiques[16]. Metacritic recense 88 / 100 critiques positives, d'après 38 critiques[17].
Variety écrit dans sa critique que « même en étant familier de l'histoire du lanceur d'alerteEdward Snowden [...], rien ne pouvait préparer le public à l'impact de l'extraordinaire film documentaire de Laura Poitras. Loin de reconstituer ou d'analyser un fait accompli, le film enregistre laconiquement le processus en temps réel [...] où Snowden et Greenwald planifient comment et où ils allaient dévoiler la bombe qui a fait trembler le monde. En adaptant le langage froid du cryptage de données pour raconter la saga dramatique d'un abus de pouvoir généralisé et de la paranoïa justifiée qui en a découlé, Poitras a brillamment démontré que l'information est une arme à double tranchant[18],[19]. »Richard Corliss, du Time écrit que « le film de Poitras marche encore mieux qu'un film d'horreur – parfait pour cette semaine d'Halloween[20]. »
En décembre 2014, un ancien officier de la Navy et cadre dans le milieu du pétrole, Horace Edwards, habitant dans le Kansas, a porté plainte contre les producteurs du film « au nom du peuple américain » pour avoir aidé et incité à la diffusion des révélations de Snowden[21]. The Hollywood Reporter, après une analyse juridique, a noté qu'Edwards pouvait ne pas avoir la légitimité de poursuivre sa plainte[22]. Edwards a également remis en cause la nomination du film aux Oscars prétextant que l'extrait filmé par Laura Poitras en 2013 où Snowden décline son identité et diffusé à travers le monde constituait une première projection de son film, le rendant inéligible d'après la réglementation des Oscars. L'Académie a rejeté la plainte, expliquant que « l'interview du Guardian apparaît moins de deux minutes dans le documentaire[23]. »
↑(en) Peter Bradshaw, « Citizenfour review – gripping Snowden documentary offers portrait of power, paranoia and one remarkable man », The Gardian, thu 16 oct 2014 (lire en ligne, consulté le )
↑« For now, know that every border you cross, every purchase you make, every call you dial, every cell-phone tower you pass, friend you keep, site you visit and subject line you type is in the hands of a system whose reach is unlimited but whose safeguards are not. »
↑(en) « Citizenfour », Rotten Tomatoes (consulté le ).
↑« No amount of familiarity with whistleblower Edward Snowden and his shocking revelations of the U.S. government’s wholesale spying on its own citizens can prepare one for the impact of Laura Poitras’ extraordinary documentary “Citizenfour.” Far from reconstructing or analyzing a fait accompli, the film tersely records the deed in real time, as Poitras and fellow journalist Glenn Greenwald meet Snowden over an eight-day period in a Hong Kong hotel room to plot how and when they will unleash the bombshell that shook the world. Adapting the cold language of data encryption to recount a dramatic saga of abuse of power and justified paranoia, Poitras brilliantly demonstrates that information is a weapon that cuts both ways. »