Carmel Snow, née Carmel White le à Dalkey (banlieue de Dublin, Irlande), et morte en mai 1961, est une journaliste connue pour son travail au sein d'Harper's Bazaar de 1934 à 1957, qu'elle emmènera au plus haut niveau des magazines de mode. Sachant s'entourer de talents de l'illustration, de la littérature, ou de la photographie, elle restera symboliquement celle qui a créé le surnom de la plus célèbre collection du couturierChristian Dior, New Look. Au cours des années 1950, elle est la journaliste de mode la plus influente du monde, faisant et défaisant la renommée de grands couturiers.
Biographie
Carmel White est la fille de Peter White, alors à la tête de l'entreprise Irish Wool Manufacturing and Export Company, et sa femme Annie. Elle a plusieurs frères et sœurs, dont Christine qui écrira pour le magazine Better Homes and Gardens(en). Encore enfant, Carmel part aux États-Unis avec sa famille après la mort de son père, et ils s'installent au sud de Central Park[1].
Vogue
Elle exerce brièvement une activité chez T.M. & J.M Fox, la boutique de vêtements de sa mère où elle n'aime pas travailler, mais qui lui permet de se rendre à Paris pour voir les collections[1]. Durant la Première Guerre mondiale, elle rejoint la Croix-Rouge[1]. Carmel White entre en 1921 à l'édition américaine de Vogue. Elle prend la fonction d'assistante d'Edna Woolman Chase ; Chase est alors à la tête du plus important magazine de mode du pays, concurrent direct du Harper's Bazar (qui n'a alors à la fin qu'un unique A). En 1926, année où elle devient rédactrice de mode, Carmel White se marie avec le riche George Palen Snow ; elle aura trois filles, ce qui ne l'empêche pas de travailler pendant ou après ses grossesses[1],[2]. En 1929, Chase prend la responsabilité de trois Vogue européens, mais ne veut pas laisser sa place, de rédactrice en chef pour les États-Unis à Carmel. La même année, son frère Tom White prend un poste de direction chez Hearst[1], éditeur d'Harper's. Et durant tout ce temps, l'entente entre Edna Woolman Chase et sa rédactrice est loin d'être parfaite[1]. De plus, Carmel Snow veut renouveler l'image de Vogue ; ce sera sans succès et elle quitte le magazine en 1932[2],[3].
Harper's Bazaar
En 1932, un mois après être partie de chez Vogue, Carmel Snow rejoint, à un poste équivalent à celui qu'elle avait auparavant, le « moribond[1] »Harper's Bazaar et ses couvertures datées de Erté. Elle dira plus tard que son but était alors de créer un magazine pour « well-dressed women with well-dressed minds[4] » (soit globalement : « des femmes bien vêtues à l'esprit bien fait »). Elle apporte son influence sur d'autres magazines bien au-delà de la mode en incluant au sein d'Harper's Bazaar des reportages sur l'art ou la maison, des fictions, de la poésie, des photographies… Elle fait littéralement grossir le magazine, emmenant celui-ci jusqu'à 500 pages[2].
Carmel Snow est également reconnue comme une découvreuse de talents[5]. Dans les années 1920 chez Vogue, elle travaille étroitement avec le photographe Edward Steichen. La décennie suivante chez Harper's, c'est à Martin Munkácsi le photographe hongrois qu'elle propose un contrat pour le numéro « Palm Beach » de décembre 1933[1]. Il réalisera ses premiers clichés de mode : elle l'emmène, avec Lucile Brokaw comme mannequin, l'hiver, sur une plage venteuse. Martin Munkácsi marquera l'histoire pour avoir créé avec son Leica les premières photographies de mode en extérieur, de plus en bikini[2],[6].
Carmel Snow, alors sur le point de passer rédactrice en chef, embauche le fameux directeur artistique Alexey Brodovitch ; il bouleversera l'aspect du magazine[7]. Puis en 1936 c'est le tour de celle qui deviendra « la plus grande rédactrice de mode de tous les temps[1] », Diana Vreeland, d'être recrutée. Carmel Snow souligne alors son « inestimable chic ». À elles deux, elles sont complémentaires[2] ; à eux trois, ils transforment Harper's Bazaar en l'un des magazines de mode les plus admirés du siècle dernier.
Diana Vreeland est la rédactrice mode, mais c'est Carmel Snow qui se rend à Paris pour les collections deux fois par an, c'est ce qu'elle aime le plus[1]. Juste après la Guerre elle revient à Paris voir Henri Cartier-Bresson. Christian Bérard lui apprend que Marcel Boussac vient de mettre beaucoup d'argent pour lancer une maison de couture[13]. En , elle assiste avec Marie-Louise Bousquet et Ernestine Carter, toutes deux de la rédaction du Bazaar, au premier défilé d'un tout nouveau couturier nommé Christian Dior[14] : à l'issue de sa présentation, Carmel Snow s'écrit : « Dear Christian, your dresses have such a new look! »[note 2] Le triomphe mondial du New Look est lancé. L'année suivante, c'est Cristóbal Balenciaga et son étrange collection qu'elle adoube. Elle portera exclusivement du Balenciaga tout le reste de sa vie[1]. Elle rebaptise la collection « Jolie Madame » automne-hiver 1952-53 de Balmain, incarnation du style des années 1950, en « New French Style »[15].
Lorsqu'elle quitte ce magazine qui fut « le centre de sa vie », vers la fin des années 1950, sa place est alors prise par sa nièce, Nancy White, la fille de son frère Tom, déjà présente dans les murs depuis plusieurs années. Harper's Bazaar a perdu de sa superbe : Alexey Brodovitch, alcoolique, est en dépression depuis plusieurs années et ne vient même plus au bureau[1]. Diana Vreeland rejoindra Vogue durant la décennie suivante.
Des années 1930 à l'après guerre, Carmel Snow est une personnalité très influente de la mode, faisant de Harper's Bazaar un magazine moderne, à l'égalité avec le tout puissant Vogue[2]. Son addiction à la boisson[1] lui donnera une fin de carrière et de vie désastreuse : elle se sépare de son mari, boit trop, sa santé décline[2] ; en 1961 à New York, habillée en Balenciaga, elle meurt dans son sommeil[1], oubliée[2].
Bibliographie
(en) Penelope Rowlands, A Dash of Daring : Carmel Snow and Her Life in Fashion, Art, and Letters, Atria Books, , 2e éd., 580 p. (ISBN978-0-7434-8046-8)
Lire en ligne la critique de ce livre par la renommée journaliste Cathy Horyn[16]
(en) Carmel Snow et Mary Louise Aswell, The World of Carmel Snow, New York, McGraw Hill, , 1re éd., 218 p.
Notes et références
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Carmel Snow » (voir la liste des auteurs).
Notes
↑Dès les débuts de la maison de couture Christian Dior, Carmel Snow passe commande à Brassaï de photographies du couturier[8].
↑La phrase de Carmel Snow peut être traduite par : « Vos robes sont merveilleuses, vous avez créé un New Look[13] ! ».
↑Musée Christian-Dior Granville, Florence Mülleret al., Dior, le bal des artistes : [exposition], Granville, Villa Les Rhumbs, Musée Christian Dior, [14 mai-25 septembre 2011], Versailles, ArtLys, , 111 p. (ISBN978-2-85495-441-8), p. 16« […] de la grande prêtresse de la mode et dénicheuse de talents Carmel Snow »
↑(en) Jenna Gabrial Gallagher, « Alexey Brodovitch: 1934-1958 », sur harpersbazaar.com, Hearst Corporation, (consulté le ) : « She immediately offered Brodovitch a job as Bazaar's art director. Throughout his career at the magazine, Brodovitch, a Russian émigré (by way of Paris), revolutionized magazine design. »
↑Musée Christian-Dior Granville, Florence Mülleret al., Dior, le bal des artistes : [exposition], Granville, Villa Les Rhumbs, Musée Christian Dior, [14 mai-25 septembre 2011], Versailles, ArtLys, , 111 p. (ISBN978-2-85495-441-8), p. 89« Brassaï […] Carmel Snow lui commanda des portraits du couturier photographié dans son appartement du 10, rue Royale »
↑Brigitte Ollier, « Mode de vie d’un Allemand à New York », Culture, sur liberation.fr, Libération, (consulté le ) : « Il travaille beaucoup pour Vogue, le Harpers’ Bazaar, les magazines chics qui laissent carte blanche à cet alchimiste des couleurs. »
↑Géraldine Dormoy, « La leçon de photographie de Lisette Model », Style, sur blogs.lexpress.fr, L'Express, (consulté le ) : « […] elle émigre en 1938 aux États-Unis. New York est à cette époque le centre névralgique de la photographie. Pendant une douzaine d’années, elle collabore à Harper’s Bazaar, à la grande époque d’Alexey Brodovitch et de Carmel Snow. »
↑Musée Christian-Dior Granville, Florence Mülleret al., Dior, le bal des artistes : [exposition], Granville, Villa Les Rhumbs, Musée Christian Dior, [14 mai-25 septembre 2011], Versailles, ArtLys, , 111 p. (ISBN978-2-85495-441-8), p. 90« Collaborant de 1935 à 1958 avec le Harper's Bazaar sous la direction de Carmel Snow, puis de Diana Vreeland, elle réalisa quelques fameux clichés des modèles Dior, comme la robe de bal Shummann dans un miroir. »
↑Brigitte Ollier, « Lillian Bassman, cœur croisé », Culture, sur next.libération.fr, Libération, (consulté le ) : « Son style étonne, et agace même Carmel Snow, rédactrice en chef du Harper’s, furie notoire mais esprit cultivé. »
↑ a et bYann Kerlau, Les secrets de la mode, Paris, Éditions Perrin, , 438 p. (ISBN978-2-262-03923-3, BNF43533091), « Préparation médiatique d'un lever de rideau »« La rédactrice en chef du Harper's Bazaar, Carmel Snow, prend la tête de la plus formidable campagne de publicité dont rêverait tout créateur. […] Carmel Snow connait toutes les ficelles du métier. »
↑(en) June Marsh, History of Fashion : New Look to Now, Vivays Publishing, , 304 p. (ISBN978-1-908126-21-4), p. 10