« Ce royaume est tout environné de forêts et de hautes montagnes, dont les principales sont les monts Bohémiens, qui font partie des monts Sudètes. […] Le sol de ce pays est élevé, gras, et sablonneux dans très peu d'endroits ; le terrain uni pour la plus grande partie, l'air chaud, mais salubre. La terre produit en abondance du blé sarrasin, du millet, des légumes, des fruits, et particulièrement du houblon, ainsi que du safran, du gingembre, du calmus. Ses vins rouges les plus renommés sont ceux de Mělnik, et ceux qui se cultivent dans les environs d'Ústí nad Labem. Les pâturages sont bons ; on nourrit une grande quantité de bétail. La chasse est belle et fournit, outre beaucoup de gibier, des loups, des loups-cerviers (lynx), des renards, des martres, des blaireaux, des castors et des loutres. Les fleuves de ce royaume sont l'Elbe, l'Eger, la Vltava (ou Moldau) […] Les rivières et les étangs nourrissent des poissons de toutes les espèces. Le pays fournissait des sources salées, qu'on n'a pas su ménager ; de sorte que la Bohême est forcée de tirer tout son sel de l'étranger. On trouve en plusieurs endroits du charbon de terre, de l'alun, du soufre et du vitriol. Il y a aussi des mines d'argent à Kutná Hora, à Plzeň, à Bechyně (Béchin en français), et dans le district de Loket (district de Sokolov) ; des mines d'étain près Horní Slavkov, Čistá (Rovná) et Krásno (district de Sokolov) ; des mines de fer et d'aimant en plusieurs endroits ; des mines de cuivre près du château de Loket ; enfin des mines de plomb, de vif-argent (mercure) et du salpêtre. Les carrières offrent des marbres de toutes les espèces. »
Du point de vue agricole, la Bohême est particulièrement réputée pour son houblon (le pays est le cinquième producteur mondial), surtout dans le bassin de la Žatec (cette région est en effet le berceau des pils traditionnelles).
Il semble que la Bohême doive son nom aux Boïens, peuple celte qui s'y serait fixé sous Segovesos, en 587 av. J.-C., mais les sources historiques fiables manquent. Ce peuple en a vraisemblablement été chassé à l'époque d'Auguste, par les Marcomans, avant d'intégrer la nation germanique des Bavarii[1].
À l'époque de la grande migration des peuples, les Slaves occidentaux arrivent en Bohême au VIe siècle. Il semble que la Bohême actuelle ait été au VIIe siècle le centre de l'éphémère royaume slave dirigé par le FrancSamo, et que la bataille de Wogastisbourg, livrée par Samo, se soit déroulée près de Prague, mais on n'a pas de certitude à ce sujet car la géographie du royaume de Samo n'est pas connue avec précision[2].
Après avoir porté la couronne ducale jusqu'à Vratislav II de Bohême, la dynastie des Přemyslides devint royale sous ce prince (1086), par un décret de l'empereur Henri IV, car déjà au XIe siècle la Bohême s'intègre progressivement au Saint-Empire romain germanique, tandis qu'une colonisation germanophone peuple et défriche la forêt hercynienne du massif de Bohême, où le peuplement slave était moins dense. C'est l'origine des « Allemands des Sudètes ». Des artisans allemands et juifs s'installent aussi dans les villes, et des mineurs germanophones exploitent les mines où apparaissent pour la première fois les wagonnets sur rails (le tout en bois). Les premiers Roms, bûcherons, éleveurs de chevaux, tanneurs, chaudronniers ou saltimbanques arrivent aussi en Bohême et se mettent sous protection royale, se déplaçant avec des sauf-conduits (payants) qui leur valent le surnom de « Bohémiens »[3]. Au début du XVe siècle la région est à feu et à sang[4].
La Bohême connaît un « âge d'or » économique et culturel aux XVe et XVIe siècles. Elle exporte son savoir-faire. Des verriers de Bohême émigrent en Lorraine où le duc Raoul leur offre des privilèges afin qu'ils viennent exercer leur art et mettre en valeur la forêt de Darney. Elle dispense le savoir ; à Prague fonctionne depuis 1348 l'une des plus anciennes universités d'Europe (de langues latine et allemande) créée par Charles IV[5].
« La population n'est plus ce qu'elle a été. La forme de son gouvernement & les guerres, surtout celles de religion sous Rodolphe II, Mathias Ier & Ferdinand II, ont dépeuplé ce royaume. La Bohême ne comprend aujourd'hui que cent cinq villes, tant grandes que petites. En 1770, le nombre des habitants fut monté à près de dix millions, ce qui ne seroit guère que le quart de ce qu'elle possédait autrefois. Les paysans bohémiens sont serfs. La dureté de leur esclavage en obligea un grand nombre, en 1679, à prendre les armes ; mais la cause la plus juste n'est pas toujours la mieux défendue ; leurs tyrans les ayant vaincus, achevèrent de les opprimer. Cependant la raison & les sciences qui s'étendent peu à peu dans toute l'Europe, ont fait voir à leurs maîtres avares, ce qu'ils pouvaient gagner en les traitant avec plus de douceur. Aujourd'hui l'empereur a mis un frein à ce pouvoir arbitraire ; chaque paysan a le droit de porter ses plaintes contre son seigneur, devant les commissaires nommé par le souverain, & le procureur est obligé de plaider sa cause gratuitement. Ces procureurs apparemment ne sont pas tout à fait comme les nôtres. Dans plusieurs endroits, les paysans peuvent acheter des biens fonds, se les faire adjuger par devant le bailli, & en disposer à leur gré par contrat & par testament. »
— Encyclopédie méthodique de géographie moderne, 1782[6].
La Bohême, en tant que composante de l'Autriche-Hongrie, a envoyé des équipes aux Jeux olympiques en 1900, 1908 et 1912.
La Tchécoslovaquie retrouve une indépendance réelle en 1989, avec la « Révolution de velours » qui se déroule principalement en Bohême. En 1993, la Slovaquie et la Tchéquie, dont fait partie la région historique de Bohême, se séparent à l'amiable.
Notes et références
↑Paul-Marie Duval et Venceslas Kruta (dir.), Les mouvements celtiques du Ve au Ier siècle avant notre ère, ed. du CNRS, Paris 1979.
↑Pavel Bělina, Petr Čornej et Jiří Pokorný, Histoire des Pays tchèques, coll. « Points d'histoire U 191 », Seuil, Paris 1995, (ISBN2020208105)
↑Les vies de châteaux : De la forteresse au monument : Les châteaux sur le territoire de l'ancien duché de Savoie, du XVe siècle à nos jours, Silvana Editoriale, , 307 p. (ISBN978-88-366-3280-0), p. 9.
↑Zénon Kaluza, Marteen Hoenen, Josef Schneider et Georg Wieland (dir.), Philosophy and Learning: Universities in the Middle Ages, E.J. Brill, Leyde 1995, 442 p. (ISBN9004102124).
↑Encyclopédie méthodique de géographie moderne imprimée à Paris, M DCC. LXXXII (1782), Chez Plomteux, Imprimeur des États, page 286.