La première bataille de Saint-Fulgent se déroule le lors de la guerre de Vendée. Elle s'achève par la victoire des Vendéens qui reprennent le bourg de Saint-Fulgent aux républicains.
Prélude
Après leur victoire à Montaigu, les forces vendéennes de Lescure et Charette, doivent, selon le plan établi par le généralissime d'Elbée, marcher sur Clisson afin de prendre l'Armée de Mayence en tenailles avec les forces de Bonchamps et de Lyrot[5]. Cependant Lescure et Charette ne suivent pas le plan prévu et décident d'attaquer la garnison de Saint-Fulgent[1]. L'origine de cette décision et ses motifs ne sont pas éclaircis : dans ses mémoires l'officier royaliste Bertrand Poirier de Beauvais estime que l'idée vient de Lescure, tandis que d'autres auteurs l'attribuent à Charette[1].
Les Vendéens sont quant à eux environ 20 000 selon Chassin[2],[3].
Déroulement
Le 22 septembre, les Vendéens arrivent devant Saint-Fulgent au coucher du soleil[1]. Le combat s'engage par un duel d'artillerie[1]. Les fantassins engagent ensuite la fusillade, mais celle-ci s'effectue dans une grande confusion à cause de l'obscurité[8],[10]. Plusieurs Vendéens sont blessés par des tirs fratricides[8],[10]. Cependant les assaillants, en supériorité numérique, enveloppent progressivement le bourg en poussant de grands cris qui sèment le trouble parmi les défenseurs[1],[8],[10],[13],[14]. Après six heures de combats[14], Mieszkowski fait évacuer Saint-Fulgent, mais les républicains sont rattrapés et mis en déroute par la cavalerie vendéenne[1],[8],[10].
Après le combat, la colonne de Mieszkowski ne compte plus que 2 000 hommes, contre 3 000 avant la bataille[2]. Selon les mémoires[A 1] de l'officier royaliste Bertrand Poirier de Beauvais, les Vendéens font près de 700 prisonniers[4].
« Pendant que ces choses se passaient à l'armée de Bonchamps, la grande armée, au lieu de le seconder, le 22, comme il avait été convenu, s'était mise en marche vers le soir, conjointement avec celle du pays de Charette.
Nous arrivâmes en vue des ennemis, une demi-heure avant le coucher du soleil. Ils étaient campés sur les hauteurs de Saint-Fulgent, en avant de nous, ayant quelques pièces de quatre sur la grande route ; elles furent en partie démontées par les nôtres. Mais le jour tombant diminua l'effet de l'artillerie de part et d'autre.
Quant le jour fut assez sombre pour qu'il ne fût plus possible de distinguer les objets, à mesure que la colonne de l'armée royaliste arrivait à nos pièces, je prenais tous les tambours et les plaçais environ à cent pas de la route, à droite et à gauche, les faisant avancer en battant la charge, de sorte que l'ennemi dirigeant son feu du côté du bruit que faisaient les tambours, la colonne n'en fut point maltraitée et arriva ainsi sur les pièces.
Les républicains voulurent encire tenir à l'entrée de Saint-Fulgent, mais les cris multipliés et sans fin de : Vive le Roi! qui se répondaient de toutes parts l'effrayèrent à tel point que, passé cette ville, ce ne fut plus une retraite mais une déroute complète. Tous les bagages, six pièces de canons tombèrent entre nos mains, et depuis Saint-Fulgent jusqu'aux Quatre-Chemins le carnage fut affreux.
Les trois jours suivants, les chemins étaient pleins de prisonniers que les gens de la campagne emmenaient à Mortagne ; il y en eût près de sept cents, beaucoup conduits seulement par des femmes. Ainsi, l'on voit que ces malheureuses victimes de l'expédition de Turreau étaient bien loin de les faire mourir dans les supplices, puisqu'elles les amenaient à nos prisons , sachant cependant que l'on ne faisait nulle grâce à leurs maris ou à leurs enfants.
Nous eûmes donc la statisfaction de remporter trois victoires signalées dans quatre jours, et sur les melleures troupes de la République.
Joly, Charette, La Cathelinière, etc., furent à même de rentrer dans leur pays, ce qu'ils firent[4] »
« Ce même jour on se battit à Saint-Fulgent : attaquer les six mille Bleus qui y étaient, les tailler en pièces, prendre tous leurs canons et leurs bagages fut bientôt fait. Même mauvaise conduite de l'armée de Charette ; même courage, même ardeur de son chef. Le brave Avril, paysan, officier de cavalerie de la paroisse du May en Anjou, près Cholet, y eut le bras cassé ; c'était avec Forest, Loiseau, Legeay et les Godillon, les cavaliers paysans les plus estimés. Un jeune homme nommé Rinchs, musicien aux gardes suisses, charmant sujet, voyant les Bleus en pleine déroute, tira sa clarinette de sa poche au milieu de la poursuite et se mit à jouer, par dérision : Ah ! ça ira. Un boulet de canon vint fracasser la tête de son cheval ; Rinchs se releva en continuant à pied l'air et la poursuite.
Le chevalier de Beauvollier reçut une contusion à l'estomac, personne ne courut plus de risques. Le petit de Mondion et M. de Lescure s'acharnèrent tellement après les ennemis, qu'à dix heures du soir ils étaient encore à leurs trousses. Quatre soldats républicains vêtus de blanc s'étaient cachés derrière les haies et tiraient sur nos gens ; ces messieurs croyant que c'étaient des Vendéens, leur crièrent : "Vive le Roi ! Ne tirez pas, ce sont vos commandants" ; ils répondirent : "Vive le Roi !" et tirèrent encore. M. de Lescure leur dit : "Je vais à vous, ne tirez donc pas", et, en même temps, comme il était sur eux et avançait le bras pour leur donner des coups de plat de sabre, ils firent une décharge à bout touchant ; ils avaient rempli leurs fusils de balles et de plomb de chasse. A la lueur du feu, les généraux reconnurent des soldats républicains. M. de Lescure eut sa selle et ses habits criblés, ainsi que ces messieurs ; mais il n'y eut que le petit de Mondion qui reçut huit grains de gros plomb dans la main ; il en fut très souffrant, vu la peine qu'on eut à les retirer ; il eut longtemps la main et le bras enflés.
Tous les paysans s'en retournèrent chez eux, célébrant leurs victoires ; on envoya à Mortagne une grande quantité d'effets d'équipement, canons, poudre, qu'on avait pris, et à Châtillon 7 000 livres en assignats trouvés dans une caisse. On chanta des Te Deum dans toute la Vendée[12]. »
« On a fait un reproche à M. Charette qui, s'il est mérité, le rendrait une des causes de la destruction de notre armée. J'ai ouï dire à des officiers qu'il était convenu à M de Bonchamps, d'aller le lendemain attaquer le noyau de l'armée de Mayence qui se trouvait à Clisson. M. de Bonchamps secondé des gens du Loroux, attaqua l'avant-garde au jour indiqué et lui enleva toute son artillerie. Mais le général Canclaux étant accouru avec son armée la partie ne se trouva plus égale ; les Vendéens perdirent avec leur prise tous les canons qu'ils avaient eux-mêmes amenés et furent repoussés vigoureusement.
M. de Charette au lieu de tourner de ce côté nous conduisit au Bourg de Saint-Fulgent où se trouvait une garnison de 4 000 hommes ; nous arrivâmes au coucher du soleil. On commença par se canonner de part et d'autre, les coups furent si bien ajustés que l'essieu de notre première pièce fut coupé ; nous trouvâmes après avoir enlevé le premier poste la roue d'un de leurs canons brisée et l'on prétendit que c'était la riposte qu'on leur avait rendue au même moment. Cependant nos paysans dans un pays inconnu et voyant l'approche de la nuit ne marchaient qu'avec crainte. On ne fuyait point, mais chacun faisant un pas de côté au lieu de marcher directement au feu, la ligne se trouva prolongée, au point que sans le vouloir nous avions presque cerné Saint-Fulgent. Tous ceux qui avaient quitté le grand chemin ne savaient où ils étaient faisaient feu devant eux sur l'endroit d'où partaient les coups de fusil sans savoir s'ils tiraient sur leurs camarades. Nous eûmes de cette manière beaucoup de blessés. Enfin des cris affreux poussés de toutes parts pendant la nuit déjà très obscure firent craindre à l'ennemi les mêmes sorts de ceux de Tiffauge et de dMontaigu et la place nous fut cédée ; mais nous fûmes longtemps sans nous en apercevoir. Il prenait la route de Quatre-Chemins ; la cavalerie fut détachée à sa poursuite et fit abandonner le peu de canons qui nous étaient échappés. Le massacre fut horrible pendant les ténèbres, il continua le lendemain sur ceux qui s'étaient réfugiés dans les genets et les taillis.
Plusieurs de nos cavaliers s'étaient trouvés pendant la nuit dans la mêlée et racontaient des aventures singulières ; un seul amena vingt républicains qui l'avaient pris pour un guide. Un autre étant descendu de cheval fut rejoint par un peloton d'ennemis : l'officier lui conseilla de prendre les devants et lui tint l'étrier pour l'aider à remonter.
Le bagage resté à Saint-Fulgent était immense, il consistait en munitions de bouches, en pièces de canon dont il y avait du calibre de douze, des bateaux, des poutres fort longues, etc... On peut s'en faire une idée par le nombre de chevaux de traits. On en prit 104 indépendamment des bœufs, mis en réquisition, qui traînaient toutes les choses nécessaires au siège d'une ville forte.
On fit le lendemain le partage du butin : les détachements de la grande Armée se séparèrent de nous et emmenèrent la plus grande part ; il ne nous resta que quelques pièces de canon.
Nous nous rendîmes dès le soir aux Herbiers ; le souvenir de la déroute de Luçon était encore si présent à l'esprit de nos soldats, qu'ils s'imaginèrent qu'on voulait les conduire de nouveau dans la plaine. Ils demandèrent à grands cris à retourner chez eux et plusieurs pelotons essayèrent pendant la nuit retrouver la route de leur pays. Beaucoup d'officiers, même des meilleurs, voyant les autres armées plus braves que les nôtres, suivirent les détachements qui venaient de nous quitter ; d'autres ayant besoin de se vêtir allèrent chercher des étoffes à Cholet, à Mortagne ou ailleurs et se trouvèrent entraînés par la grande déroute qui obligea de passer la Loire. Nous restâmes cinq jours aux Herbiers sans recevoir de pain ; les commissaires avaient fait enlever toutes les farines pour la nourriture de la grande Armée qui remporta dans le même temps la célèbre victoire de Chatillon. Nous fûmes réduits à vivre de navets et de moutons rôtis ; cette nourriture nous occasionna à tous une espèce de dyssenterie. Je ne sais si ce fut la raison qui décida M. Charette à partir ; nous passâmes par Les Essarts où un prêtre intrus fut fusillé[10] »
Jean Julien Michel Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans contre la République, t. II, Paris, Baudoin Frères, libraires-éditeurs, , 515 p. (lire en ligne).
Jean Tabeur (préf. Jean Tulard), Paris contre la province : les guerres de l'ouest, 1792-1796, Paris, Economica, coll. « Campagnes & stratégies / Les grandes batailles » (no 70), , 286 p. (ISBN978-2-7178-5641-5)..