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Le mot Bamiléké vient de l'expression en langue Foto(Dschang) « Ba meleke » qui signifie « la maison(Ba) des Blancs (meleke)». Identité imposée de l’extérieur, identité définie à l’extérieur du lieu qu’elle représente, ou alors du lieu d’origine des personnes représentées, et même des personnes représentées. Cette externalité de la dénomination, et de l’identité, a ceci de commun avec les Bamilékés qu’ils ne sont pas, et ne peuvent pas être définis avec les canons de la filiation tels qu’établis par l’anthropologie coloniale. C’est leur beauté, c’est leur nouveauté. Ils sont un nouveau type d’ethnicité, le premier de ce genre au Cameroun, parce que ceux qui viendront après eux, les Sawa, les Beti renommés actuellement Ekang, ne pourront plus que s’établir dans une généalogie – et une histoire – déjà fondée par les Bamilékés
Le peuple bamiléké représente environ 20 à 30% de la population camerounaise.
Origines
Historiquement, les Bamiléké ont une origine le long du Nil, dans ce qui est aujourd'hui l'Égypte,[1].
Une enquête examinant les méthodes et instruments de communication parmi les Bamiléké montre une origine commune avec les populations riveraines du Nil[2]. Ces récits oraux sont corroborés par un graphique de mélange (Figure 5b) qui montre une migration de la vallée du Nil qui a atteint le Cameroun[3].
Des preuves archéologiques et linguistiques indiquent que l'arrivée des Bamiléké dans l'ouest du Cameroun s'est produite en plusieurs vagues avec deux itinéraires principaux. La première route était plus importante et partait du Nord entre la région du lac Tchad et la vallée du Nil. La deuxième route provenait du Nigeria, autour de la région de Cross River[4]. Alternativement, Diop, grâce à l'utilisation de toponymes, d'expressions vestigiales et de données sociopolitiques corroborantes, a reconstitué les schémas de migration des Bamum originaires du haut Nil, près de la région des Grands Lacs, avant d'arriver au Cameroun[5],[6],[7].
Selon les travaux de D. Toukam[8], les Bamilékés proviendraient très probablement des Baladis d'Égypte qui ont migré vers les royaumes centrafricains du Kanem et de l'Ouddaï au cours du IXe siècle de notre ère. Après quelques siècles, ces Baladis Bamilékés arrivèrent dans la région tikar au XIIe siècle. Une étude génétique récente valide ce modèle de migration en montrant une composante égyptienne au sein des populations modernes de Grassfield entrées au Cameroun pendant la période islamique[3].
Le peuple des Grassfields, unique avec une seule langue et un seul chef, se disloqua vers 1357 à la mort de leur dernier souverain unique, le roi Ndéh. Yendé, premier prince, refusa le trône et traversa le Noun pour fonder Bafoussam. Sa sœur se tourna vers la région de Banso (il existe cent-vingt-trois groupements bamilékés dans le Nord-Ouest et cinq au Sud-Ouest - Lebialem). Deux décennies plus tard, Ncharé, le cadet, descendit dans la plaine du Noun pour fonder le pays bamoun. De Bafoussam naquirent le gros des groupements bamilékés majeurs actuels, et le processus a duré du XVe au XXe siècle (ainsi, Bansoa est né en 1910 à la suite de l'exil forcé de Fo Taghe de Bafoussam)[9],[8].
Les chercheurs ont confirmé que les Bamiléké ne sont pas à l'origine de la migration bantoue car la variation génétique dans la région était différente il y a 4000 ans de ce qu'elle est aujourd'hui[3].
L'étude a révélé que la structure génétique des populations du Cameroun n'est pas entièrement définie par les groupes linguistiques[3].
Les Yemba, originaires des Grassfields, se sont regroupés étroitement autour des locuteurs bantoïdes du Nord. Les Mbo qui parlent une langue bantoue étroite se sont regroupés en étroite collaboration avec les locuteurs de Grassfields. Certains des Bamiléké qui parlent les langues de Grassfields se sont regroupés en étroite collaboration avec les locuteurs du bantou étroit. Au sein des groupes Northern et Grassfields, une analyse finement structurée a permis de distinguer des populations vivant à moins de 20 km les unes des autres[3].
Les figures 5b et c répertorient les composants ancestraux de l'Afrique du Nord-Est, de l'Ouest et du Centre qui ont contribué au génome Bamileke[3]. Coia et al. ont découvert que les Bamiléké n 'ont pas de similarité génétique dans les populations d'Afrique centrale mais sont d'origine soudanaise et auraient transformé leur langue en bantou bien plus tard au contact des peuples bantous (sawa, ékang)[10] . D'où l expression de peuple semi-bantou.
Les Bamilékés parlaient une langue unique, le bamiléké, jusqu'à leur démembrement au milieu du XIVe siècle, à la mort de leur souverain. Du bamiléké naquirent le bamiléké-bafoussam et le bamoun. Pour sa part, le bamiléké-bafoussam continua à se ramifier pour donner naissance, au fil des siècles, à des dizaines de variantes dialectales, elles-mêmes possédant des sous-variantes plus ou moins négligeables. Le bamiléké-bafoussam est donc la langue-mère de la plupart des autres dialectes bamilékés, hormis le bamoun et le lamnso, eux aussi dérivés directement du protobamiléké unique. Mais le métissage linguistique (influences réciproques multiséculaires) est resté (et serait encore) de taille (ex. : l'influence du bamoun sur les dialectes et sous-dialectes du Ndé).
Dynamisme Bamiléké
Les Bamilékés sont incontestablement parmi les groupes ethniques ayant une importance significative au Cameroun. Les ressortissants de cette ethnie composite sont visibles sur plusieurs secteurs stratégiques de l’économie camerounaise. On les compare ainsi aux « japonais » d’Afrique. Ce dynamisme économique leur vaut cependant le ressentiment ou encore des préjugés sur les raisons de cette réussite économique. Les études réalisées jusqu’ici sur cette ethnie insistent particulièrement sur l’apport de la culture dans ce dynamisme. Ils bénéficieraient ainsi de prédispositions culturelles à même de leur permettre la réussite économique. Pour d’autres en revanche, les raisons de cette réussite seraient à chercher dans la mystique qui participe à la structuration de ce groupe ethnique. Entre culture et mystique, comment expliquer cette réussite économique du Bamiléké ?
Les raisons de la réussite économique du « Bamiléké » peuvent être expliquées à travers la reconnaissance de l’individu comme facteur intangible de création de richesse, et l’échange de propriété comme seul moyen légal et légitime pour s’enrichir. En effet, la société Bamiléké est fondée sur l’idée de la promotion individuelle [1]. Celle-ci suppose que chaque individu, dans le but de s’assurer une continuité doit progresser par ses propres efforts. Car chez les Bamilékés, en plus du fait que « la famille bamiléké éclate à chaque génération pour donner naissance à de nouvelles familles », l’accession à certaines strates de la structure sociale, nécessite une certaine aisance financière.
La société civile bamiléké joue ici un rôle essentiel. Elle est très structurée, comprenant des associations ou des confréries où les bamilékés se réunissent périodiquement. L’intégration de ces associations et confréries suppose que l’on a plus ou moins atteint une aisance financière par l’échange et donc assuré sa promotion individuelle. C’est au cours de ces rencontres que le système financier traditionnel appelé « tontine » entre en action. Ici, c’est le capital financier qui est mobilisé dans le but soit de le faire fructifier ou alors de résoudre des problèmes sociaux d’un certain ordre. Ces réseaux sont non seulement économiques mais fournissent aussi une sorte de sécurité sociale, privée, rassurante.
Cet individualisme couplé à une sphère communautaire active favorise alors ce que le psychologue Julian Rotter appelle le « locus de contrôle interne », qui n’est rien d’autre que l’intériorisation par l’individu du pouvoir qu’il a de se projeter sur le monde et de contrôler son destin.
L’organisation politique du peuple Bamiléké n’est pas étrangère à cet état de fait. Elle se réalise autour de la chefferie où sont concentrés les différents pouvoirs mais dont la mise en œuvre ne dépend pas du chef uniquement mais aussi du « conseil des Neuf » ou du « conseil des Sept ». Même si le chef est reconnu comme le détenteur des terres, une fois celles-ci attribuées à une famille, cette dernière bénéficie automatiquement des droits individuels sur la terre, pouvant ainsi valoriser sa propriété dans le respect des us et coutumes et participer indirectement au développement de toute la communauté [2]. De ce fait chacun sait ce qu’il peut attendre dans ses relations avec les autres membres de la communauté et attendre de la chefferie l’interdiction à autrui d’empiéter sur sa propriété : une forme d’état de droit.
Cette reconnaissance de la propriété constitue une incitation pour les bamilékés à investir et être productifs. La propriété permet en effet de se projeter dans le futur, puisque l’on peut compter sur le fait de récolter dans le futur les fruits de ses efforts productifs. Les possibles interférences sur les propriétés ou la commission d’actes contraires aux mœurs sont réglés par le chef et les notables, dotés de « pouvoirs » mystiques. Ces derniers ont effectivement un rôle important : considérés comme ailleurs comme une forme d’incitation au respect des institutions traditionnelles, il se trouve que chez les Bamilékés, ils reconnaissent et protègent les droits individuels : l’autorégulation de la société se fait ainsi dans le sens de l’épanouissement individuel.
Le désir de concrétisation du principe de promotion individuelle expliquerait alors la forte émigration de cette ethnie. La rareté des possibilités ou les opportunités présentes ailleurs poussent les Bamilékés à traverser les frontières de leurs régions d’origine. Ce qui est remarquable une fois de plus, c’est leur capacité à s’installer dans un endroit, et y réussir ou d’autres n’ont pas pu. L’obsession de la réussite amènerait le Bamiléké à utiliser de façon optimale les informations de son environnement, « la connaissance de temps et de lieu » au sens de F.A. Hayek [3], c’est-à-dire des opportunités de profit, afin de démarrer une activité économique qui, finalement, connaitra du succès. C’est ce qu’Yves Marguerat, lui, qualifie d’audace, de persévérance, et d’aptitude à l’innovation, qui forge l’esprit productif du Bamiléké [4].
Les incitations sociales et économiques permettent donc au « Bamiléké » de ne pas sombrer dans le fatalisme, mais d’avoir un « esprit proactif » [5]. La propriété permettant l’empowerment (maîtrise de son destin), elle développe aussi l’attitude responsable dans le groupe, attitude garantissant un fort niveau de confiance. Ces deux éléments de responsabilité et de confiance se renforcent mutuellement et sont essentiels pour une société d’échange et permettent de fonder le réel développement. L’exemple des bamilékés montre à nouveau comment incitations et culture interagissent, et que le « déterminisme culturel » trouve sa limite : une leçon optimiste sur le changement institutionnel..
Les Bamilékés sont, en matière spirituelle, d'une grande complexité. L'ensemble de leur organisation religieuse traditionnelle est composée de pratiques d'initiations, de méditations et de rituels. Les Bamilékés croient en la divinité suprême "NSI"
Topographie
Les hauts plateaux bamilékés de l’Ouest-Cameroun sont connus pour leurs paysages de bocage.
Dans un contexte topographique de hauts plateaux étagés, caractérisé par une succession de collines dominées par quelques montagnes isolées pouvant atteindre ou dépasser 2 000 m d’altitude, l’exploitation du sol est fondée sur une judicieuse association de l’agriculture et de l’élevage du petit bétail. L’espace utile, support du peuplement et des activités est appréhendé au travers des distances en rapport avec les temps de déplacement entre les lieux sociaux et/ou de production : éloignement ou rapprochement à partir du lieu de résidence, du siège des institutions traditionnelles, du « point central » de la chefferie… Ces lieux sociaux à partir desquels s’organise la vie des communautés locales sont eux-mêmes différenciés par rapport à leur position topographique : soit sur le haut (toutes parties hautes qu’elles soient sur colline ou sur montagne) ou vers le bas (dépressions, vallées, parties avals des versants). Cette conception dipolaire de l’espace a prévalu lors de l’occupation de la région et au découpage de l’espace en chefferies traditionnelles (une centaine de chefferies sur environ 6 000 km2). À l’intérieur des différentes chefferies, le découpage administratif traditionnel en quartiers s’est largement appuyé sur les notions de haut et de bas. Il en a été de même pour l’implantation des unités d’habitations familiales, pour l’édification et l’extension des haies vives et pour l’aménagement paysager de l’espace.
↑Ariane Foudjo Tsatsop, LES METHODES ET INSTRUMENTS DE COMMUNICATION CHEZ LE PEUPLE KEMET (ANCIEN EMPIRE ET NOUVEL EMPIRE) ET LES PEUPLES NGUEMBONG DE L’OUEST-CAMEROUN (thèse), University of Yaoundé, 2021-2022
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