Il a été pré-publié dans le journal Pilote du no 498 (22 mai 1969) au no 519 (16 octobre 1969).
Résumé
En 45 avant J.-C., toute la région de Munda, en Hispanie, est occupée par les Romains... Toute ? Non ! Un village peuplé d'irréductibles Ibères résiste encore et toujours à l'envahisseur. Pour les forcer à se soumettre, Jules César fait enlever le petit Pépé — fils de Soupalognon y Crouton, le chef de ce village —, l'envoie comme otage au camp de Babaorum et place l'enfant sous la surveillance de Claudius Nonpossumus.
Cependant, dans la forêt proche du village gaulois, Pépé berne ses gardes et rencontre Astérix et Obélix, qui le libèrent et l'emmènent au village. L'enfant étant turbulent et capricieux, il est bientôt décidé de le ramener en Hispanie.
C'est ainsi que le poissonnier Ordralfabétix — propriétaire du seul bateau du village — emmène Pépé, Astérix, Obélix et Idéfix par la mer jusqu'à la frontière. Un guide les conduit ensuite dans les montagnes. En Hispanie, ils rencontrent des Ibères nomades, puis arrivent à Pompaelo, mais sont repérés par Claudius Nonpossumus, qui regagnait sa garnison, croyant l'enfant en sûreté en Armorique. Pour éviter les ennuis, le centurion décide de récupérer discrètement l'otage, avant que César ne soit au courant de son évasion. Pour kidnapper l'enfant, Nonpossumus se fait passer pour un Ibère nommé Dansonsurlepon y Davignon et propose aux trois fugitifs de les emmener en charrette jusqu'à Hispalis. Toujours sur ses gardes, Astérix démasque le légionnaire, mais tous deux sont arrêtés et conduits devant le général commandant la cité. Pendant ce temps, Obélix réussit à ramener Pépé dans son village.
Astérix et Nonpossumus sont condamnés aux arènes d'Hispalis, où le Gaulois, à la manière d'un torero, combat un auroch — courageusement et sans potion magique. Les deux hommes sont finalement graciés : Astérix est libéré et Nonpossumus quitte l'armée romaine pour se faire « aurochéro ». Et grâce à Nonpossumus reconnaissant, Astérix retrouve Obélix et Pépé au village ibère, encerclé par des Romains vite défaits. L'enfant étant sain et sauf, Astérix et Obélix rentrent chez eux, où un banquet les attend.
Bégonia, Romaine d'Hispalis, demi-sœur de la cousine par alliance de Jules César.
Analyse
Éléments historiques
C'est la première fois qu'est fournie une date précise de l'histoire : l'album commence par « Ce matin du 17 mars, 45 av. J.C., tout est paisible dans le petit village gaulois que nous connaissons bien… ».
Page 22, un personnage commente « Jules César affranchit le rubicond » (synonyme de rougeaud), en parlant d'un esclave roux. Cette phrase forme un jeu de mots (par paronymie) avec l'expression courante « J. C. a franchi le Rubicon », laquelle évoque le cours d'eau franchi par le dictateur lors de sa marche sur Rome, geste qui déclencha la guerre entre ses partisans et ceux de Pompée.
Le village gaulois
C'est la première apparition du poissonnier du village, Ordralfabétix, et de son épouse Iélosubmarine. Leur création sert de prétexte pour déclencher la première bagarre de la série, constituant un futur running gag : les poissons pas frais, et les bagarres à coup de poissons dans la figure. Ordralfabétix fera dès lors partie des personnages récurrents.
Ordralfabétix, pour prix de ses services, demande à être payé en menhirs car il vient d'hériter d'un terrain qu'il voudrait aménager : première explication, selon les auteurs, du mystère des alignements de menhirs de Carnac (p. 23).
Dans la dernière case, Obélix chante (ou plutôt crie) une chanson hispanique. Cétautomatix se bouche les oreilles et hurle : «Un poisson ! Mon règne pour un poisson ! ». Il s'agit d'une référence à la citation de la pièce Richard III de William Shakespeare : « Un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! ».
Rome
Jules César célèbre son retour triomphal à Rome, en compagnie d'un barbare aux cheveux roux qu'il a capturé. Dans un geste de clémence, il affranchit le rubicond : jeu de mots avec le Rubicon, fleuve du Nord de l'Italie, que César franchit, sur les traces de Pompée. C'est à cette occasion qu'il aurait prononcé la célèbre formule : Alea jacta est, fréquemment cité dans les albums d'Astérix.
De même que Astérix chez les Bretons était très riche de références britanniques en tous genres, Astérix en Hispanie est riche de références espagnoles, aussi bien du point de vue visuel (dessins, caricatures, etc.) et linguistique (expressions, noms des personnages, etc.) que culturel (traditions, modes de vie, cuisine, etc.). De nombreux éléments humoristiques concernant l'Espagne émaillent l'histoire[1],[2].
Pour passer discrètement en Hispanie, l'aubergiste recommande aux héros un guide faisant partie du peuple des Vaccéens. Ce qui fait dire à Obélix : « Je ne savais pas qu'il fallait un Vaccéen pour entrer en Hispanie » : jeu de mots entre le nom de ce peuple et le vaccin obligatoire pour voyager dans certains pays. Les Vaccéens habitaient alors le centre de l'Hispanie. C'est au Ve siècle que, sous la pression des Wisigoths, ils s'établirent au pied des Pyrénées.
Les héros rencontrent des touristes venus en maisons-roulantes, ancêtres de nos caravanes (p. 27). Ceux-ci, pris dans des embouteillages depuis Burdigala, viennent passer des vacances en Hispanie. On y voit essentiellement des Gaulois (représentant les Français) et des Goths (les Allemands), dans une parodie des bouchons de départ en vacances vers l'Espagne, phénomène prenant de l'ampleur en cette fin de XXe s, ce pays misant sur le tourisme pour dynamiser son économie.
Planche 28, cases 4 à 6 : Astérix, Obélix et Pépé croisent des caricatures de Don Quichotte[3] et Sancho Panza[4] sur la route les menant à Pompaelo.
Fidèles à leur humour basé sur les stéréotypes nationaux, les auteurs se moquent des particularités des Espagnols et jouent sur les clichés liés à leur pays. Ainsi, Uderzo les a représentés essentiellement en fiers guerriers basanés, ponctuant leurs phrases par les interjections « ¡olé! » et « homme ». Ce qui lui fut un peu reproché[a].
Après la victoire d'Astérix, Nonpossumus décide de se faire « aurochero ». Une note des auteurs vient préciser que l'emploi du mot « aurochéador » est inexact, par allusion à la confusion récurrente entre les termes toréro et toréador : le second étant un terme vieilli (popularisé par l'opéra Carmen de Georges Bizet), il est plus juste d'utiliser le premier. Nonpossumus décide de se renommer « El Hispaniés », sans doute une allusion à « El Cordobés », pseudonyme porté par plusieurs célèbres matadors espagnols.
Dès la première page, planche 1B, Jules César dit : « Légionnaires, je suis contents de vous ! » (faute corrigée dans les éditions récentes).
Planche 5A, le légionnaire dit à Pépé : « Non, non et non ! Tu nous a empoisonné tout le voyage avec tes caprices ! Tu nous a mordus, énervés, fatigués... » (au lieu de « Tu nous as... »). Cette faute n'a cependant jamais été corrigée, contrairement aux autres.
Planche 17B « Je peu remonter guetter, maintenant ? » (au lieu de « Je peux... »). Faute absente de certaines éditions.
Planche 43A, Bégonia dit : « Non ! Je demande la grâce de cet homme courageux et galand. » au lieu de « galant » (faute corrigée dans les éditions récentes).
Tirage
Tirage original : 1 100 000 exemplaires.
Notes et références
Notes
↑Uderzo confie à propos de cet album : « Les Espagnols m'ont un peu reproché, avec raison, d'avoir représenté leur peuple sous la seule forme du guerrier basané, fier et brun, bref plutôt de type gitan, alors que ce pays est beaucoup plus riche en types de personnages. De nombreux Espagnols, par exemple, sont blonds aux yeux bleus, issus en fait des Celtes, ou plutôt des Celtibères du début de notre ère. Mais je suis parti à fond sur ce cliché de l'Espagnol qui ne fiche pas grand-chose avec la femme derrière qui travaille aux champs. Vous m'étonnez que j'aie eu des critiques venues tout droit de la péninsule ibérique après ça... (bien que je n'en aie jamais eu au sujet de la paysanne !). » Olivier Andrieu, Le livre d'Astérix le Gaulois, Les Éditions Albert René, 1999, p. 110-111