L'étymologie du nom Arès est traditionnellement liée au mot grec ἀρή / arē, la forme ionique du dorique ἀρά / ará, « malédiction, imprécation », d'où « fléau, ruine[1] »[2]. Walter Burkert note qu'« Arès est apparemment un ancien nom abstrait qui signifie foule de bataille, guerre[3]. »
Présentés dans l’Iliade comme purement fraternels, les rapports d'Arès et d'Aphrodite deviennent dans l’Odyssée[4] à la fois amoureux et adultères, puisque la déesse de l'amour y est mariée à Héphaïstos — celui-ci étant l'époux d'une dénommée Charis dans l’Iliade. Encore une fois, Arès est tourné en ridicule : dénoncés par Hélios, le Soleil, les amoureux tombent dans le piège du mari trompé qui les capture dans un filet et les exhibe aux dieux hilares. Honteux, Arès part se réfugier en Thrace.
Chez Hésiode[5] et les poètes postérieurs[6], Arès et Aphrodite sont présentés comme un couple légitime. Aphrodite donne à Arès trois enfants : Déimos, Phobos et Harmonie, épouse de Cadmos, le fondateur de Thèbes. Arès à Thèbes, possédait une source, gardée par un dragon, dont il était le père : le dragon de la source d'Arès (aussi appelé dragon de Thèbes). Lorsque Cadmos, pour accomplir un sacrifice, voulut puiser de l'eau à cette source, le dragon tenta de l'en empêcher. Cadmos le tua, et, pour expier ce meurtre, dut servir Arès pendant huit ans, en qualité d'esclave. Mais, à l'expiration de ce terme, les dieux marièrent Cadmos avec Harmonie, la fille d'Arès et d'Aphrodite. La paternité d'Éros et Antéros apparaît pour la première fois chez le poète lyrique Simonide de Céos et paraît lui être attribuée plutôt par commodité. Il est aussi vu comme père de Pathos (la Passion) et de Himéros (le Désir).
Ényo, la déesse des batailles, qui apparait le plus souvent comme la sœur d'Arès et même son épouse, est présentée dans certains récits minoritaires comme étant plutôt sa fille, sans que la mère ne soit alors identifiée[7]. En tant qu'épouse et sœur d'Arès, Ényo est identifiée dans certains mythes comme la mère du dieu de la guerre Enyalios qu'elle a eu de ce dernier[8], quand Enyalios n'est pas assimilé avec Arès, son nom utilisé comme un titre du dieu[7].
Descendance mortelle
Avec Tritée, la fille du dieu marin Triton, il engendre Mélanippos fondateur d'une cité qu'il nommera en l'honneur de sa mère.
Œnomaos, qui sachant qu'il serait tué par son gendre et en possession de chevaux imbattables, décida d'accorder la main de sa fille à quiconque capable de le battre dans une course de chars ; nombre de concurrents furent ainsi mis à mort par le roi toujours vainqueur ;
Son importance est relativement limitée. Il apparaît principalement dans des récits de guerre ou de combats.
Pendant la guerre de Troie, il se range aux côtés des Troyens à la demande de son demi-frère Apollon. Mais on le voit aussi assister les Achéens[13]. Comme les autres dieux, il exhorte son camp sous diverses apparences, notamment celle d'Acamas[14]. Il accompagne les héros sur le champ de bataille[15]. Toutefois, il est le seul à prendre directement part au combat et on le voit ôter l'armure du défunt Périphas[16]. Sa force surprenante n'en fait pas un combattant invincible. Sa demi-sœur Athéna, qui a pris l'autre parti, l'assomme d'un coup de pierre[17] et il doit même s'avouer vaincu face à Diomède, un simple mortel, soutenu par Athéna[18].
L’Iliade relate également que les Aloades l'enferment pendant treize mois dans une jarre de bronze[19]. Selon le scholiaste[20], c'est pour avoir causé la mort d'Adonis, placé sous la charge des Aloades. Il est délivré, à bout de forces, par Hermès. Il s'agit probablement de l'explication étiologique d'un festival survenant tous les 13 mois, durant lequel toutes sortes de licences étaient permises[21].
Hors du cycle troyen, il est vaincu deux fois par Héraclès[22].
Selon Euripide[23] et Hellanicos[24], quand Halirrhotios, fils de Poséidon, viole Alcippe, la fille qu'il a eu avec Aglaure (fille de Cécrops), il le tue. Pour ce meurtre, Arès est traduit devant le tribunal des dieux olympiens, sur la colline qui prend son nom (cf. Aréopage). Selon Euripide, il est acquitté. D'après Panyasis[25] cependant, il semble qu'Arès soit condamné à servir parmi les mortels, sans doute pour prix de ce meurtre.
Fonctions
Dieu de la guerre
Arès est le dieu de la guerre. Il combat accompagné de sa sœur Éris (la Discorde), ses fils Déimos (la Terreur) et Phobos (la Crainte), ainsi que d'Ényo, déesse des Batailles. Lui-même est souvent appelé Ἐνυάλιος / Enyalios, « le furieux ». Traditionnellement, les Grecs interprètent son nom comme un dérivé du mot « tueur » (ἀναίρης / anaïrês[26]). Ses épithètes laissent peu de doute sur sa personnalité : « insatiable de guerre, assailleur de remparts, destructeur de cités, pourfendeur de boucliers, meurtrier, buveur de sang, porteur de dépouilles, fléau des hommes[27] ».
Arès est haï des autres dieux, en particulier Zeus, lequel lui déclare dans l’Iliade :
« Je te hais plus qu'aucun des dieux qui vivent sur l'Olympe
Car tu ne rêves que discordes, guerres et combats[28]. »
Sa mère Héra ne l'apprécie guère plus, dépitée qu'elle est de le voir prendre le parti des Troyens pendant la guerre de Troie. Elle déclare pareillement à son sujet :
« Zeus Père, n'es-tu pas outré des sévices d'Arès ?
Combien de braves Achéens n'a-t-il pas fait périr
à tort et à travers ! J'en suis navrée, et cependant Artémis et Apollon à l'arc d'argent sont tout heureux
d'avoir lâché ce fou qui ne connaît aucune loi[29]. »
Seule Aphrodite témoigne de l'affection pour son « bon frère[30] », qui selon d'autres légendes est également son amant. Dans son Œdipe à Colone, Sophocle peut ainsi le proclamer « le dieu à qui tout honneur est refusé parmi les dieux »[31].
Son nom désigne toute forme de mort violente, et plus particulièrement la peste. La guerre est surnommée « danse d'Arès ». Les Grecs voient en lui le « dieu des Larmes »[32]. Seul l’Hymne homérique qui lui est consacré (probablement tardif et d'inspiration orphique) le montre sous un jour bienveillant et le nomme :
« Cœur hardi, porteur de bouclier sauveur des cités, coiffé d'airain,
Aux mains robustes, infatigable, fort par la lance, rempart de l'Olympe,
Père de la Victoire, heureuse conclusion des guerres, auxiliaire de Thémis ;
Maître absolu de l'adversaire, guide des hommes les plus justes[33]. »
Arès partage son domaine d'intervention avec Athéna. On présente souvent celui-ci comme l'incarnation de l'aspect sauvage, brutal et désordonné du combat, Athéna représentant l'ordre de la bataille entre peuples civilisés. Cependant, Athéna peut elle aussi se montrer brutale et sans pitié, par exemple lorsqu'elle écorche le Géant Pallas. Le bouclier d'Achille représente les deux dieux sur un pied d'égalité, « tous deux en or et d'or vêtus, beaux et grands avec leurs armes, comme des dieux[34] ». De même, le plus court des hymnes homériques qui lui est consacré évoque « la terrible déesse qui s'intéresse, avec Arès, aux travaux de la guerre, au pillage des villes et aux clameurs guerrières[35] ». Néanmoins, les deux dieux se distinguent en ce qu'Athéna peut abandonner son rôle guerrier pour un autre, alors qu'Arès se résume à être un dieu de la Guerre[36].
Garant des serments
Arès est aussi le dieu vengeur. En tant que tel, son nom est utilisé dans les serments solennels. C'est, par exemple, le cas dans le serment prêté par les jeunes Athéniens pendant leur éphébie.
Sa résidence préférée est la Thrace[39] — les Thraces, pour les Grecs, étaient un peuple guerrier et batailleur.
Il est également révéré en Colchide : la Toison d'or est exposée dans son bois sacré et la plaine qui l'entoure porte son nom. Les Amazones lui ont également bâti un temple à proximité[réf. nécessaire].
Selon Hérodote, Arès est l'un des dieux préférés des Scythes, qui lui vouent des statues et des sanctuaires[40].
En Grèce, ses lieux de culte sont rares notamment[41] :
Acharnes (Attique) : un sanctuaire. Une stèle, actuellement conservée à l'École française d'Athènes, reproduit sans doute la statue du culte. Au Ier siècle, le sanctuaire(en) est transféré sur l'agora d'Athènes et une nouvelle statue est érigée, dont l'Arès Borghèse est sans doute une copie ;
Argos : il est vénéré en association avec Aphrodite[42] ;
Athènes (Attique) : il est vénéré en association avec Aphrodite ;
Salamine : un temple en l'honneur d'Ényalios[38] ;
Sparte : un sanctuaire lui est dédié sous le nom d'Arès Théritas, c'est-à-dire « le sauvage », épiclèse parfois rattachée à Théra, sa nourrice[44] ;
Tégée (Arcadie) : les femmes le célèbrent dans des fêtes qui leur sont réservées, et commémorent leur vaillance contre les Spartiates ;
Thèbes : une fontaine lui est consacrée en souvenir de la légende de Cadmos qui avait semé là les dents d'un dragon, fils d'Arès, qui donnèrent naissance aux Spartes. Par la suite, Cadmos fait la paix avec Arès en épousant Harmonie, fille du dieu et d'Aphrodite, avant de fonder Thèbes. La métaphore est transparente : la fin des guerres apporte l'ordre et l'harmonie, et permet la fondation de la cité[45] ;
↑ a et bMalcolm M. Willcock, A companion to the Iliad : based on the translation by Richard Lattimore, Chicago, University of Chicago Press, , [9th print.] éd. (ISBN0-226-89855-5, lire en ligne), 58.
↑Violaine Sebillote-Cuchet, « Aglauros, une héroïne à Athènes », in Anna Caiozzo, Nathalie Ernoult (dir.) Femmes médiatrices et ambivalentes. Mythes et imaginaires, Armand Colin, 2012, p. 275.
↑Brigitte Le Guen (dir.), Marie-Cécilia d'Ercole et Julien Zurbach, Naissance de la Grèce : De Minos à Solon. 3200 à 510 avant notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 686 p. (ISBN978-2-7011-6492-2, BNF45718838), chap. 3 (« Le monde mycénien »), p. 152.
↑ a et bRaoul Lonis, Guerre et religion en Grèce à l'époque classique: Recherches sur les rites, les dieux, l'idéologie de la victoire, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, , 408 p. (ISBN978-2-251-60238-7, lire en ligne), p. 120.
↑Ugo Fusco, « The Sanctuary of Aphrodite and Ares (Paus. 2.25.1) in the Periurban Area of Argos and Temples with a Double Cella in Greece », Tekmeria, vol. 13, , p. 97 (ISSN1791-7573 et 1106-661X, DOI10.12681/tekmeria.10733, lire en ligne, consulté le ).
(en) Walter Burkert (trad. de l'allemand), Greek Religion [« Griechische Religion des archaischen und klassichen Epoche »], Oxford, Blackwell, (ISBN978-0-631-15624-6), p. 169-170.
(en) Timothy Gantz, Early Greek Myth, Johns Hopkins University Press, [détail de l’édition], p. 78-81.
Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Grands dictionnaires », (1re éd. 1951) (ISBN2-13-050359-4), p. 44-45.
(en) Matthew Paul Gonzales, Cults and Sanctuaries of Ares and Enyalios : A Survey of the Literary, Epigraphic, and Archaeological Evidence, Berkeley, University of California, , 1262 p. (ISBN978-0-496-05814-3, lire en ligne).
Bernard Mezzadri, « Autour d'Arès. Quelques aspects du dieu de la guerre et de son domaine en Grèce ancienne », Annuaire de l'École pratique des hautes études, t. 101, , p. 467-471 (lire en ligne).