Poète publié cultivant l'effet d'inattendu(de) à l'instar de Miroslav Holub, il est également l'auteur d'essais de musicologie qui traduisent son expérience du métier de musicien et sa perception des compositeurs. Vecteur de la modernité telle que l'annonçait Stravinsky s'exclamant « ne m'interprétez pas, contentez-vous de jouer les notes telles qu'elles sont écrites », il y défend son parti pris de ne servir que l'intention exprimée dans la partition et la structure de l'œuvre, s'opposant ainsi à une tradition qui est de prendre des libertés en particulier avec le tempo ou les nuances, et dans ce sens il enrichit la partition qu'il joue en apportant des variantes dans les thèmes qui reviennent plusieurs fois, notamment dans les mouvements lents des concertos (de Mozart).
Son père, initialement ingénieur en architecture, devient directeur d'une salle de cinéma de Zagreb. C'est là que l'enfant est scolarisé et qu'en 1937, à l'âge de six ans, il prend ses premières leçons de piano auprès d'un professeur de vingt six ans, Sofia Dezelic. Il est aussi inscrit dans un cours de théâtre pour enfants.
La guerre conduit la famille à se réfugier en Autriche dans les environs de Graz, où le père trouve un emploi dans un grand magasin. De 1943 à 1947, l'enfant poursuit sa formation musicale au conservatoire de Graz auprès d'une élève de Bernhard Stavenhagen, Ludovica von Kaan, tout en recevant des leçons de composition de l'organiste local, Arthur Michl.
À la fin de la guerre, durant l'hiver 1945, il a quatorze ans quand il est envoyé creuser des tranchées en Yougoslavie. Il souffre d'engelures et est hospitalisé.
Le jeune pianiste se livre aussi à la peinture, à la poésie et à la composition. Il est encouragé dans cette dernière voie en recevant le prix Enesco. Il voit l'écriture musicale comme un métier parallèle et complémentaire de celui d'interprète.
Ce n'est que six ans plus tard, en 1958, qu'un banal concert beethovénien donné à la salle Reine-Élisabeth, à Londres, vaut au jeune homme, de façon inattendue, trois offres simultanées de labels concurrents. Il commence alors pour l'américain Vox l'enregistrement de la quasi intégrale de l'œuvre pour piano de Beethoven. Il est le premier à le faire. Après une apparition en 1960 au festival de Salzbourg qui le révèle au public, il donne en concert l'intégrale des sonates à Londres en 1962. L'enregistrement est achevé en juillet 1964 par celui des Variations Diabelli. Le résultat reçoit les éloges inhabituellement dithyrambiques du Times. Il est couronné par un Grand prix du disque et se poursuit par une tournée américaine qui commence cette année-là à New York.
Tournée permanente (1965-1975)
Pendant une dizaine d'années, Alfred Brendel se consacre à de fatigantes tournées aux quatre coins du monde qui compromettent la vie familiale[5]. Il signe en 1969 un contrat d'exclusivité avec Philips, label néerlandais basé à Mayfair auquel il restera fidèle.
En 1971, à la suite d'un grand succès remporté à Londres, il décide de s'y installer définitivement. Après douze ans de mariage, il se sépare en 1972 d'Iris Heymann-Gonzala, qui lui a donné une fille, Doris, future flûtiste et remarquable chanteuse de l’éphémère groupenéoprogressif The Violet Hour pour l'album The Fire Sermon[6]. Sa première au Carnegie Hall a lieu en 1973.
En 1975, il épouse en secondes noces Irène Semler, dont il aura trois enfants, Adrien, Catherine et Sophie.
« Il y a eu plusieurs excellents pianistes qui ont enregistré les sonates de Beethoven et en ont tiré gloire, dont Richard Goode... Vladimir Ashkenazy, et le justement louangé Artur Schnabel. Il n'y a pas de doute que Brendel prend sa place parmi les plus grands interprètes de Beethoven de tous les temps [...] »
— Pour la réédition de l'enregistrement réalisé en 1993 des trois Dernière Sonates de Beethoven[19].
« On sent parfois dans son jeu une discordance entre le désir de faire entendre une pièce et une absence d'adhésion, par tempérament, à celle ci. »
— Critique par ailleurs élogieuse de la prestation d'Alfred Brendel au Carnegie Hall en 2008[23].
« [...] notable [a été] son rôle pour réhabiliter Liszt dans l'après guerre [...] En mettant l'accent sur le côté intellectuel de Liszt, il a attiré l'attention sur l'aspect visionnaire de l'harmoniste qui, avec cent ans d'avance sur son époque, préfigure le XXe siècle. »
Alfred Brendel a enregistré de nombreux disques pour Vox puis, à partir de 1965, sa filiale Turnabout, ainsi que Vanguard. En 1972, il se lance dans un cycle d'enregistrements pour Philips, avec qui il a signé trois ans plus tôt un contrat d'exclusivité. En 1982, son catalogue est repris par Decca[26]. Il a également été sélectionné pour les prestigieuses anthologies de pianistes de Steinway & Sons : Steinway Legends.
Musik beim Wort genommen. Essays und Vorträge nebst Gesprächen mit Terry Snow und Konrad Wolff(de), Piper, Munich, 1992, 277 p. (ISBN3-492-03483-7)[β 2].
Trad. (en) Music Sounded Out, The Noonday Press, New York, 1992, rééd. Robson Books, 1994.
Musik beim Wort genommen. Über Musik, Musiker und das Metier des Pianisten. Piper, Munich, 1995 (ISBN3-492-18334-4).
Playing the Human Game, Phaidron Press, 2010. Florilège traduit en anglais.
« Une collection de textes qui peuvent être mis au rang clairsemé de la littérature véritablement comique et qui confèreront peut être bien à leur auteur l'immortalité. »
Trad (it) Giudizio universale con pause. Dai diari., Coll. Piccola biblioteca Adelphi, no 651, Adelphi, Milan, 2013, 166 p. (ISBN978-884-5928-13-0)[β 9].
A. Brendel (trad. de l'anglais par Ernst-François et Rose-Marie Podlesnigg), Musique côté cour côté jardin, Paris, Buchet/Chastel, coll. « Collection Musique », , 283 p. (ISBN2-7020-1598-0, OCLC31718577)
"Du bout du doigt", trad. de : Fingerzeig ; "Un rire incongru au moment de dire oui", trad. de : Störendes Lachen während des Jaworts ; "Petits diables", trad. de : Kleine Teufel[β 12].
Le cinéaste Mark Kidel(en) réalise trois films documentaires sur l'homme, le virtuose et l'interprète :
Alfred Brendel: Man and Mask, 75 min,
Brendel In Performance, 2000, 50 min,
Alfred Brendel on Music: Three Lectures, 2011, 225 min.
En 2009, Alfred Brendel est mis en scène avec d'autres pianistes dans le film Pianomania, un documentaire germano-autrichien des réalisateurs Robert Cibis et Lilian Franck. Des premières de ce film, qui fait partie du catalogue de l'Institut Goethe, ont été présentées à travers le monde.
En 2010, le maître illustre la transmission des savoirs à son élève, le virtuose Kit Armstrong, dans Set the Piano Stool on Fire., un documentaire de soixante dix minutes tourné en 2008 à Push Manor, son domicile à Hampstead.