L'Académie des gastronomes (1928-1981) fut, dans sa première version, une association de 40 académiciens gastronomes cooptés et d'une dizaine de membres libres.
Histoire
Une époque fertile en Académies, associations et clubs
L'idée d'Académie des Gastronomes remonte à Brillat-Savarin[1]. Il existait depuis 1910 une association des Gais Gentilshommes Gastronomes qui pratiquaient la gastronomie dans l'amitié[2], et une association d'éditeurs gourmets : Le Grand Perdreau dont Curnonsky sera président [3],[4] et son pendant féminin, Le Club des Belles Perdrix, qui date de 1928. Camille Cerf (1862-1936) avait créé son Académie du Gout après la guerre, 12 couverts, triés sur le volet célébraient la cuisine du Modèle:XVIIIéme siècle[5]. Le 8 décembre 1922, Curnonsky participe à la création (le 8 décembre 1922) de l'Académie des Psychologues du Goût[6] en compagnie d'Henri Avelot, E. Chaumié, Ivan Loiseau, Paul Leclercq, J. de Montesquieu, Henri Prost, etc. et Pierre Mille et Robert Burnand, qui seront membres de l'Académie des Gastronomes[7],[8]. Il en restera secrétaire perpétuel jusqu'à sa mort[9]. Cette académie est fermée, aristocratique et élitiste, son activité consiste à se retrouver pour partager des repas de haute volée [10]. En janvier 1927, Gaston Derys, ami de Curnonsky, écrit un article « Cuisine académique » dans La Femme de France où il émet l'idée que « Maurice des Ombiaux, Maurice Brillat, Léon Abric, Austin de Croze, Marcel Rouff, Montagné, Curnonsky, Richardin, de Pomiane, Babinski, Jean-Jacques Brousson, pourraient constituer une Académie des écrivains gastronomes. »[11]
La grande époque de la gastronomie
La fréquence du nombre d'article touchant la gastronomie dans la presse francophone de la base BnF montre qu'une petite centaine d'articles par an emploie ce terme de 1840 à 1914. De 1921 à 1941, la moyenne passe à 550 articles de presse par an avec un pic de 1196 en 1931 (année des Etats Généraux de la Gastronomie, du Salon de la Gastronomie au Grand Palais organisé par le Commissariat au Tourisme, de l'Annuaire de la Gastronomie) [12],[13]. La fréquence retombe à une cinquantaine d'articles par an après la seconde guerre mondiale[14].
La fréquence d'emploi dans le livre en français connait une hausse tardive (1962) et continue jusqu'à 2005 [15].
Les nouveaux immortels
Le 22 juin 1927, le baron d'Aigny, André Robine, Marcel Rouff et Curnonsky dînent chez Viel et évoquent ce nouveau cénacle de gastronomes comparable aux académies de l'Institut. La décision de créer une Académie du Goût - nom qui ne sera pas retenu car il est déjà utilisé par Camille Cerf - est prise lors d'un second déjeuner au Comte de Provence, 11 rue Taitbout, le 13 mars 1928 auquel se joignent deux nouveaux convives Léon Abric et Maurice des Ombiaux[16],[17]. Une première réunion de 21 fondateurs a lieu le 5 juin sous forme d'un déjeuner organisé par Marcel Rouff au Pavillon du Lac. Par la suite l'Académie des Gastronomes retiendra pour jour anniversaire de sa fondation le 16 mars 1928 [18]. Le 30 mai 1928 Curnonsky donne l'objet de l'Académie et la liste des 25 membres fondateurs dans un article de Paris-Soir [19]. Le 2 juin une liste de fauteuils dans la même chronique[20].
En 1929, l'Académie est constituée sous forme d'association loi 1901 avec les mêmes statuts que l’Académie française[21],[22]. Lors de sa première séance formelle, le 8 mars 1930, l'Académie est définitivement constituée par l'élection du 40° membre (André Tardieu), Curnonsky est élu premier Président, il occupe le fauteuil de Brillat-Savarin. Il démissionnera en 1949 pour raison de santé[23],[24]. Paul Gaultier puis Paul Marteau lui succèdent [25]. Vincent Bourrel fut président jusqu'en 1981, année de sa mort[26],[27]. Le discours qu'il prononça lors de l'inauguration de la plaque commémorative à la mémoire de Curnonsky est accessible sur le site du Club royal des gastronomes de Belgique[28].
Les membres
Statutairement personne n'était reçu « qu'il ne soit de bonne réputation, de bon esprit, de bon estomac et propre aux méditations gastronomiques ». Les académiciens sont élus, dans la limite des fauteuils disponibles, sur présentation d'un dossier de motivation. L'Académie est composée de 40 membres dont 36 de nationalité française (Rouff est suisse et Des Ombiaux et Maeterlinck sont belges), tous gastronomes avertis et pratiquants, et tous des hommes[18].
Les épouses des académiciens assistent à de nombreux repas aux côtés de leurs maris comme la marquise et Mme Guy de Polignac, Mme Mille, etc. [29]. La baronne Fouquier (Marcel Fouquier présidait de l'Académie des Oenophiles ou Club des Vingt créé en 1933) semble avoir remplacé son mari lors de séances officielles, elle figure sur les photos des académiciens conservées[30],[31].
Une réunion avait été fixée au 13 juin pour élire les quinze autres membres, mais cette élection allait prendre deux ans.
Les 40 fauteuils
Ils portent les noms de 40 illustres contributeurs à l'histoire de la gastronomie. Ces sièges n'existent pas puisque l'Académie n'a pas de salle des séances fixe. Les dates entre parenthèses sont celles des éloges, les dates sans parenthèses sont les dates d'entrée ou de sortie.
Les 40 Fauteuils de l'Académie des Gastronomes et les occupants connus
La devise de l'Académie est d'Anatole France : « La cuisine française est la meilleure du monde, Cette gloire éclatera par-dessus toutes les autres quand l'humanité, plus sage, mettra la broche au-dessus de l'épée » [59]. Un académicien peut démissionner (« quand on ne peut plus dîner on s'en va, tandis qu'au bout du pont des Arts quand on ne peut plus écrire on reste »)[60]
« Les Académies des sciences, des lettres et des arts se vouent à la recherche du vrai et du beau, l'Académie des gastronomes à la recherche du bon» [61]. « A l'encontre de l'autre Académie, c'est-à-dire Française, qui n'a pas de repas de corps, l'Académie des Gastronomes déjeunera et dînera souvent » [38]. Mais les débats et éloges restent brefs car « trop parler empêche de bien manger » [59],[62]. L'Académie effectue des excursions, son premier déplacement de 2 jours en octobre 1930 est pour visiter les grandes caves bordelaises avec 2 déjeuners au Chateau Latour et chez le chef Louis Oliver à Langon[63].
L'Académie remettait des prix aux jeunes cuisiniers méritants (on a trace pour 2 apprentis de Dumaine à Saulieu) [64], et des diplômes aux meilleurs cuisiniers français (elle en avait remis 25 en 1939 quand son activité entre en sommeil) [62]. L'Académie est représentée aux grandes manifestations gastronomiques [18].
L'objectif
Curnonsky écrit dans le n°1 de La France à Table : « En fondant l'Académie des Gastronomes, j'ai voulu réunir une élite de Gourmets formée par les hommes de lettres qui ont le mieux écrit des choses de la Table, les grands Spécialistes qui connaissent le mieux les merveilles culinaires et les bons vins de France, les Amphitryons qui tiennent à l'honneur de bien recevoir, et enfin les personnalités qui président les principaux Clubs de Gourmets » [23].
Les séances
Voici, comme exemple, le menu du déjeuner de la réunion du 28 octobre 1929 au restaurant de la Truffe Noire rapporté par Paris-Soir : La bouillabaisse, la quiche périgourdine, le lièvre à la royale (« mon 3e lièvre à la royale de la semaine » dit Curnonsky), les pintadeaux flanqués de truffes à la croque au sel, 37 fromages (« le Saint-Nectaire et le bleu d'Auvergne firent verser des larmes au cardinal Des Ombiaux »), ananas givré et fruits de saison - Pouilly, Cahors 1920, Richebourg 1919. A la fin du dîner, quelques académiciens jouèrent une belote meurtrière avec le propriétaire du restaurant... qui dura jusqu'au diner [65].
Les publications
L'Académie des Gastronomes publia
un Dictionnaire, en 2 volumes aux éditions Prisma, in-8, 2 vol. 463 et 419 p. 1962.
avec l'Académie culinaire de France - Vincent Bourrel et al. Cuisine française, recettes classiques, plats et mets traditionnels. Paris, Belier, 354 p. 1971[67]
avec l'Académie culinaire de France. Cuisine française. Paris, le Livre de poche, 576 p. 1974
Il reste de petits opuscules des éloges de son prédécesseur à chaque fauteuil prononcés par les académiciens (dates données entre parenthèses).
En 1934 fut fondée une Académie Lyonnaise des Gastronomes [2].
Une association des Gastronomes du Puy de Dôme a été créée en 2001, elle est devenue Confrérie en 2006, puis Académie des Gastronomes du Puy de Dôme en 2016. Elle peut compter 60 membres titulaires[68].
Une seconde Académie des Gastronomes a été créée en 1982 (rue d'Artois Paris 8e), son premier président est Marc Spielrein.
Membres de la seconde Académie
Jean Tulard (2001), Jean Vitaux (également Président de l'Académie Internationale de la Gastronomie, 2017) [69]
Publications de la seconde Académie
La Haute cuisine française. Les cent menus du Président. Paris, Editions Charles, in-8, 768 p. 1984. illustré.
Académie Des Gastronomes - Académie Culinaire De France. L'art des sauces. Malakoff, Jacques lanore, in-4°, 221 p. 1991
Postérité internationale
1983 : L'Académie Internationale de la Gastronomie (AIG) est fondée par 5 Académies de gastronomie (Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie et Suisse), Elle compte actuellement une trentaine de pays membres. Son siège est à Levallois-Perret et sa langue officielle est le français (art. 2-2 des statuts).
1987 : L'Académie Européenne de la Gastronomie (AEG) est fondée à Paris par des Académies nationales de gastronomie de pays membres de l’Union Européenne.
Liens externes
Page de la BnF consacrée aux publications de l'Académie des Gastronomes [1]
Texte de Simon Arbellot M. Léon Bérard et les psychologues du goût [2]
Articles du Figaro des 30 mai 1929 et 21 mars 1932 donnant les membres de l'Académie des Psychologues du goût [3], [4]
Texte en ligne extrait du Mythe gastronomique française (CNRS) avec liste quasi exhaustive des clubs et associations [5]
Lien vers la Fondation Européenne pour le Patrimoine Alimentaire [8] (Institut de France)
Lien vers le livre d'Yves Roucaute Éloge du mode de vie à la française, Editions du Rocher, 2012 avec une liste d'académies et de clubs (dont le Club des Cent[9]
Texte du l'éloge de Talleyrand par Simon Arbellot [10]
Notes et références
↑Jean Anthelme Brillat-Savarin, Physiologie du goût: Suivi d'un Traité sur les excitants modernes, (lire en ligne)
↑Dominique de Lastours, Histoire de l'Académie des Psychologues du Goût, le premier centenaire 1922-2022, Paris, Lampsaque, , 388 p. (ISBN978-2-911825-27-9)
↑Alain Drouard, « Chapitre 5. La conquête d’un statut (après 1945) », dans Histoire des cuisiniers en France : xixe-xxe siècle, CNRS Éditions, coll. « Histoire », (ISBN978-2-271-09093-5, lire en ligne), p. 107–129
↑« Le Figaro 9 mai 1930 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF (consulté le )