L'abbaye territoriale du Mont-Cassin (en latin : abbatia territorialis Montis Cassini ; en italien : abbazia territoriale di Montecassino) est un monastère de moines bénédictins situé, comme son nom l'indique, sur le mont Cassin dans la commune de Cassino (Latium) en Italie. Depuis décembre 2014, le site est géré par le pôle muséal du Latium. Bien que la fondation du monastère remonte au VIe siècle les bâtiments actuels sont de facture récente. C'est le plus ancien monastère d'Italie avec le monastère de Santa Scolastica. Il est situé à 516 mètres d'altitude.
Histoire
Santa Scolastica est l'un des 12 monastères fondés à Subiaco par Benoît de Nursie (alias saint Benoît). C’est le monastère le plus proche de l’abbaye de Saint-Clément de Casauria, où vivait Benoît. Ayant été fondé vers l'an 520, le monastère Sainte-Scholastique est le plus ancien d'Italie. Il a probablement été constitué à partir de bâtiments appartenant à la villa voisine de Néron.
Renfermant d’immenses richesses culturelles et religieuses, dont une précieuse bibliothèque (Didier du Mont-Cassin, abbé de 1058 à 1087, fait venir de Byzance des livres enluminés byzantins), cette dernière est en partie placée sous la protection de Rome, avec une galerie de précieux tableaux. La bibliothèque compte de nos jours 100 000 ouvrages, dont environ 1200 manuscrits (1,2%), les plus anciens remontant au VIe siècle[1].
La communauté monastique était autrefois accessible par l'église Saint-Martin, établie par saint Benoît dans le temple de l'acropole, au sud-ouest du monastère actuel, dans un coin moins infranchissable. Au sommet de la montagne se trouvait l'oratoire Saint-Jean, établi par saint Benoît sur le site d'un autel d'Apollon, selon les dires de Grégoire le Grand : dans cet oratoire, Benoît voulait être enterré avec sa sœur Scholastique.
L'abbaye, souvent menacée lors d'invasions et de guerres, est pillée, saccagée et brûlée pour la première fois en 589 par les Lombards du duc païenZotton de Bénévent. La plupart des moines qui peuvent échapper au massacre se réfugient, avec les reliques du saint fondateur, à Rome où le pape Pélage II leur permet de bâtir un monastère près de Saint-Jean de Latran. Quelques moines restent sans doute près des ruines de l'abbaye, mais l'administration de l'Ordre religieux demeure à Rome pendant 130 ans. Le martyrologe romain, à la date du , mentionne 80 martyrs mis à mort par les Lombards pour avoir refusé d'adorer une tête de chèvre et manger des chairs consacrées aux dieux germaniques[2],[3].
Après une période de troubles en Italie (liés surtout à l'hégémonie lombarde sur la péninsule), le pape Grégoire II envoie en 717 le moine Petronax afin qu'il organise la reconstruction de l'abbaye (le nouvel abbé sera alors considéré comme étant le « second fondateur du Mont-Cassin »)[4]. L’abbaye est de nouveau en partie détruite par les piratessarrasins en 883. À la demande du pape Agapet II, l'abbé Aligern entreprendra sa reconstruction à partir des années 950.
Tout au long du Moyen Âge, l'abbaye fut un centre vivant de la culture à travers ses abbés, ses bibliothèques, ses archives, ses écoles d'écriture et de miniaturisme, qui retranscrivaient et conservaient de nombreuses œuvres de l'Antiquité.
En 1349, elle subit le violent séisme qui secoue toute l'Italie et détruit ou endommage gravement tant de monuments antiques ou médiévaux. Le monastère est pratiquement détruit.
Des témoignages historiques ont été recueillis et transmis à l’abbaye du Mont-Cassin : des premiers documents précieux en langage vulgaire aux célèbres manuscrits enluminés mentionnés par les Placiti Cassinesi, en passant par les précieux et très rares incunables.
Le plus illustre des abbés de l’abbaye fut peut-être Desiderius (Didier) - le futur pape Victor III (inhumé dans l'abbaye elle-même) - qui à la fin du XIe siècle fit reconstruire complètement l'abbaye et orna l'église de précieuses fresques et mosaïques, dont on peut encore voir des créations similaires réalisées par l'abbé lui-même à la basilique Sant'Angelo in Formis.
Grâce au Chronicon Monasterii Casinensis, la chronique médiévale de Léon d'Ostie, nous savons que l'abbé Desiderius a déployé des efforts et des capitaux considérables pour la reconstruction de l'église abbatiale, réalisée en seulement cinq ans de 1066 à 1071. Pour celle-ci, on a utilisé de la pierre provenant de Rome et on a également fait venir des mosaïstes et divers artisans de Constantinople. La plupart des décorations - de l'église et des nouvelles salles du monastère reconstruites par la suite - étaient composées de peintures, pour la plupart perdues et dont nous ne connaissons que quelques sujets, comme les Histoires de l'Ancien et du Nouveau Testament dans l'atrium, dont il est conservé les titres écrits par l'archevêque de Salerne, à Alfano.
L'utilisation de mosaïstes byzantins était motivée, comme on peut le lire dans la chronique, par le fait que "pendant plus de cinq cents ans, les maîtres latins avaient négligé la pratique de ces arts et pour l'engagement de cet homme inspiré et aidé par Dieu, ils étaient restitués à vigueur à notre époque «d'ailleurs» pour que leur savoir ne tombe plus dans l'oubli en Italie, cet homme plein de sagesse décida que beaucoup de jeunes gens du monastère seraient formés à ces arts avec toute la diligence nécessaire. Donc, non seulement dans ce domaine, mais aussi pour toutes les œuvres artistiques qui peuvent être faites avec de l'or, de l'argent, du bronze, du fer, du verre, de l'ivoire, du bois, du plâtre ou de la pierre, il a amené les meilleurs artistes sélectionnés par ses moines ».
Les fresques réalisées par le peintre baroqueLuca Giordano, furent terminées à la fin des années 1670. Le peintre espagnol, devenu bénédictin, Juan Andres Ricci y est installé avant 1667, après son séjour à Rome auprès d'Alexandre VII, et continuera à y travailler à la fois en peinture et en écriture. Il y mourra en 1681.
Époque contemporaine
Entre 1930 et 1943, le monastère était accessible grâce au téléphérique de Cassino, démantelé en juillet 1943[5].
En , avec l'appuis de Winston Churchill, Bernard Freyberg, commandant des troupes terrestres néo-zélandaises, obtient du général américain Mark Clark, commandant de la Ve Armée qui n'y était pas du tout favorable, le bombardement de l'abbaye.
La division blindée « Hermann Göring » aide à déplacer à Rome les archives et les documents bibliographiques les plus précieux[1]. En effet, en prévision de dommages par des tirs d'artillerie ennemie, les Allemands avaient vidé en décembre 1944 l'abbaye de toutes ses archives, manuscrits, et de toutes ses œuvress d'art, par une noria de camions de la Wehrmacht qui a duré plusieurs semaines. L'opération de sauvetage avait été demandée à Berlin par l'archiprêtre de l'époque Gregorio Diamare(it)[6]. Elle était dirigée par le colonel Julius Schlegel(it), sous le commandement du général Frido von Senger, commandant du XVIe Panzerkorps, qui était catholique[7]. Il avait alors interdit à ses troupes, disséminées dans toute la montagne, de se poster à l’intérieur de la bande de 300 mètres de large qui entourait à l’extérieur les remparts de l’abbaye et qui délimitait la zone de neutralité, puis fait savoir aux Alliés qu'il n'y conservait aucune garnison ni armement[8].
Quatre vagues de forteresses volantes avec des bombes de 250 kg suivies de quatre vagues de bombardiers moyens, en tout 239 bombardiers, ont détruit entièrement le monastère et tué les centaines de réfugiés qui s'y trouvaient. Le bombardement a commencé le matin du : 142 bombardiers lourds et 114 bombardiers moyens, lâchant 453 tonnes de bombes, ont entièrement rasé l'abbaye. Des centaines de civils qui avaient cherché refuge dans le sous sol à l'intérieur du bâtiment ont été tués, tandis qu'à l'extérieur, une quarantaine de soldats de la division indienne ont également été tués par des bombes[9]. Le soldat Walter M. Miller, futur écrivain, a participé au bombardement et il s'est inspiré de cette expérience pour son œuvre la plus importante, Un cantique pour Leibowitz.
Après le bombardement, les Allemands sont venus occuper les décombres et s'y poster[10], la position stratégique de l'abbaye sur une colline dominant la route allant de Rome à Naples lui vaut de devenir le théâtre d'une bataille meurtrière durant la deuxième phase[1].
Le bombardement s'est aussi révélé une erreur tragique de tactique militaire. Selon l'historien Herbert Bloch, cette opération était non seulement inutile d'un point de vue militaire, mais aussi nuisible d'un point de vue stratégique : « Bloch a affirmé que les décombres, après le bombardement, avaient été immédiatement occupés par les Allemands et leur avaient offert un abri précieux, ce qui leur a permis de maintenir cette position pendant longtemps. À partir de là, ils pouvaient viser les troupes alliées, infligeant de lourdes pertes à quiconque tentait de franchir la ligne Gustav »[11].
Le , l'église abbatiale reconstruite est consacrée par le pape Paul VI[12].
Dans les années 1980, une série de fresques a été commandée à Pietro Annigoni par l'archevêque Fabio Bernardo D'Onorio(it). Plusieurs élèves du maître ont participé à la réalisation du cycle pictural, dont Romano Stefanelli(it), Ben Long(en) et Silvestro Pistolesi(it). Le papeBenoît XVI s'est rendu au Mont-Cassin le , à l'occasion du 65e anniversaire de la destruction de l'abbaye. Le pontife - qui au moment de son élection au trône de Pierre avait également choisi son nom d’après la figure de saint Benoît de Nursie - a prié sur la tombe du saint, en se souvenant de son importance dans la formation culturelle européenne.
Ouverte au public, l'abbaye accueille 300 000 visiteurs par an. Il est aussi possible d'y faire des retraites. La production des moines, issue de la vigne et de l'herboristerie, est vendue dans la boutique[1].
C’est la zone où se trouvait autrefois le temple consacré à Apollon. Saint Benoît l'a adapté en oratoire et l'a dédié à saint Martin. Au centre du jardin se trouve une sculpture en bronze représentant la mort de saint Benoît réalisé en 1952 par Attilio Selva(it), donnée par le chancelierallemandKonrad Adenauer. Sous le portique, la mosaïque représentant le Christ entre la Vierge et saint Martin conçue par le frère Vignarelli.
Le cloître de Bramante ou cloître Sainte-Anne
Le cloître fut construit en 1595 dans un style Renaissance au centre de l’abbaye, comme c'est l'usage. Au centre du cloître, il y a une citerneoctogonale, flanquée de colonnes corinthiennes qui soutiennent l'entablement. Au pied de l'escalier, il y a deux statues de Pier Paolo Campi(en) : à gauche saint Benoît, pièce originale de 1736, et à droite une copie d’une statue de sainte Scholastique, avec les inscriptions « Béni est celui qui vient au nom du Seigneur » et « Viens, ma colombe, viens, tu seras couronnée ». La loggia surplombant la vallée de la Liri s'appelle Paradis.
Le cloître des Bienfaiteurs ou cloître septentrional
Il a été construit en 1513 probablement d'après un dessin d'Antonio da Sangallo le Jeune caractérisé par deux théories de statues représentant des papes et des souverains, mécènes du sanctuaire au cours des siècles, œuvres créées à partir de 1666[13] :
Le , le pape François, appliquant le motu proprio Catholica Ecclesia du pape Paul VI ()[14], a réduit le territoire de l'abbaye territoriale à l'église abbatiale et au monastère, avec dépendances immédiates[15]. Le reste de l'ancien territoire passa au diocèse de Sora-Aquino-Pontecorvo, qui changea simultanément son nom en celui de Sora-Cassino-Aquino-Pontecorvo[16].
Il séjourne entre 989 et 992, dans l'abbaye du Mont-Cassin. C'est sans doute avec l'aide de moines de cette abbaye qu'il fonde le premier monastère bénédictin de Bohême, celui de Břevnov.
C'est un homme d'Église, chroniqueur ayant rédigé en latin une histoire des Normands en Italie méridionale et en Sicile, des années 1010 aux années 1080.
Il est le dernier fils de Landolphe d'Aquin, grand justicier de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen pour les terres de Campanie, le futur saint y passe son enfance entre 1230 et 1239[17].
↑Ken Ford, Les quatre batailles de Cassino, la percée de la ligne Gustav, Éditions Osprey Publishing, 2009, p. 55 : « Pour protéger le vénérable bâtiment, les nazis avaient déclaré une "zone neutre" une bande de trois cents mètres autour de lui et n'a ordonné à aucune de leurs troupes d'entrer.».
↑Ken Ford, Les quatre batailles de Cassino, La percée de la ligne Gustav , Éditions Osprey Publishing, 2009, page 56 : « Le matin du 15 février, 142 bombardiers lourds et 114 bombardiers moyens ont détruit l'ancienne abbaye de Mont-Cassin. Le bombardement a tué un grand nombre de civils qui avaient cherché refuge dans le monastère et encore plus d'Allemands dans les positions sur les collines environnantes, ainsi que quarante hommes de la division indienne dans leurs abris le long du monastère qui n'existait plus, et avec lui toutes les restrictions ont pris fin : maintenant la guerre totale pouvait descendre sur le Mont-Cassin ».
↑Ken Ford, Les quatre batailles de Cassino, la percée de la ligne Gustav, Éditions Osprey Publishing, 2009, p. 55 : « Cependant, à mesure que les combats se sont rapprochés, la zone a rétréci, jusqu'à ce que von Senger ait donné l'ordre de construire des postes juste à côté des murs ».
(it) Mariano Dell'Omo(de), Montecassino. Un'abbazia nella storia, Montecassino, 1999.
Mariano Dell'Omo, Didier et le Mont-Cassin: Benoît et son héritage artistique, sous la direction de Roberto Cassanelli et de Eduardo López-Tello García, Cerf, Paris, 2009, p. 111-120 ; Le Mont-Cassin au Moyen Âge dans le miroir de l’art. Les livres et les monuments (VIIIe et XIIe siècles), ibid., p. 121-138.
Abbaye de Montecassino, Genova (Italy), Pubblicazioni Cassinesi, , 71 p.
Victor Dammertz, Saint Benoît père de l'Occident : Benoît-Patron de toute l'Europe, t. Titres de Benoît, Anvers, Fonds Mercator, , 477 p.
(it) Storia della Letteratura Italiana / diretta da Enrico Malato. La ricerca bibliografica / Le istutuzioni culturali, vol. XIII, t. I Le Biblioteche italiane, Rome-Milan, Salerno-Il Sole 24 ore, , p. 209-216
Abbaye de Montecassino, Pubblicazioni Cassinesi, , 52 p.
Aperçus historiques ; La visite du Monatère ; Le musée.