Née d'un père malien, célèbre journaliste et proche du président burkinabéThomas Sankara, Mohamed Maïga, décédé à l'âge de 33 ans le à Ouagadougou dans des circonstances troubles, et d'une mère sénégalaise et gambienne[1], Aïssa Maïga doit aussi faire face au décès de son frère : « Il est mort vraiment trop jeune, il était adolescent. Il est mort d’une leucémie, il est parti extrêmement vite »[2].
Elle passe les quatre premières années de sa vie à Dakar[3] avant de s'installer à Fresnes jusqu’à ses neuf ans, puis à Paris. Elle fréquente le lycée Voltaire[4],[5], dans le 11e arrondissement. Elle côtoie différentes cultures : « J’ai eu la chance d’avoir reçu une éducation musulmane, catholique et laïque. J’étais à l’école coranique en vacances au Mali avec ma grand-mère. Puis j’ai été élevée par un oncle laïc à l’extrême. Et enfin j’ai eu une grand-mère adoptive fervente catholique… Je crois que c’est exceptionnel[5] ». « J’ai également eu une grand-mère adoptive qui venait d’Indochine. J’ai donc évolué avec cette culture vietnamienne[6] ».
Elle est naturalisée française l'année de son baccalauréat[7].
Très jeune, elle s’intéresse au cinéma et rêve de devenir actrice : « Tout est venu de ma prof de français, au collège, qui a monté une comédie musicale à laquelle j’ai participé, à l’âge de 14 ans. Tous les week-ends, pendant trois ans, j’étais sur scène. J’ai su alors que ma place était là[8] ». Elle prend alors ses premiers cours de théâtre au collège avec sa professeure de français Daisie Faye, aujourd’hui, directrice artistique du festival de Jazz et comédie. Elle joue ensuite dans la comédie musicale de son professeur, La Nuit la plus longue[9] (1992), pendant trois ans et fait ses premiers pas au théâtre Mogador et aux Folies Bergère.
Après trois années de cours de théâtre et l’obtention de son baccalauréat, Aïssa Maïga participe à un projet artistique au Zimbabwe, Le Royaume du passage d’Eric Cloué (1986). Elle a alors 19 ans. Aux côtés d’artistes zimbabwéens, elle découvre le théâtre d’intervention et les pièces engagées des artistes locaux. Elle décide de se consacrer à la comédie.
Carrière
Débuts d'actrice (1996-2004)
En 1996, aux côtés d’Yvan Attal et Richard Bohringer, elle tourne son premier long-métrage, Saraka Bo, de Denis Amar, une enquête policière autour d’un meurtre dans une communauté africaine[1]. Elle éprouve ensuite de grandes difficultés à trouver un nouveau rôle[10] avant de tourner Code inconnu (2000) de Michael Haneke, aux côtés de Juliette Binoche où elle interprète une jeune fille rebelle.
En 1999, elle travaille avec Alain Tanner, réalisateur suisse issu de la Nouvelle Vague, et incarne Lila dans Jonas et Lila, à demain, qui procède du film culte Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000 (1975)[10]. « Dans l’intrigue, le père adoptif de Lila lui offre un billet pour qu’elle aille au Sénégal, son pays d’origine. Il se trouvait que moi j’avais 25 ans comme Lila et que c’était avec ce film, la première fois que je retournais au Sénégal en 20 ans (...) Ça a été, à titre personnel, un voyage très fort »[10].
Par la diversité de ses rôles, Aïssa Maïga entend cultiver une versatilité de jeu. Par la suite, Aïssa Maïga donne la réplique à Jean-Hugues Anglade dans la comédie Le Prof (1999) d’Alexandre Jardin, où elle joue une élève brillante. Puis, on la retrouve dans Marie-Line, aux côtés de Muriel Robin et Fejria Deliba, témoignant sur la solidarité entre femmes de ménage malgré leurs difficultés.
En 2004, Aïssa Maïga est à l’affiche avec deux longs-métrages : elle se distingue avec le rôle de Kassia, dans Les poupées russes de Cédric Klapisch, et dans L’un reste, l’autre part de Claude Berri[11]. Le rôle de Kassia - celui d'une jeune femme qui séduit le héros Xavier, interprété par Romain Duris - lui permet de se faire connaître du grand public.
C'est un an après que le drame Bamako, d'Abderrahmane Sissako, lui permet de décrocher une nomination dans la catégorie meilleur espoir féminin aux Césars 2007. Elle y tient le rôle principal, celui de Melé, une chanteuse de bar désabusée, et y interprète la chanson Naam de Christie Azuma, sans en connaître la langue.
En 2013, elle refait le même grand écart : elle tient le premier rôle féminin du film indépendant One Man's Show, mais tient aussi un second rôle dans l'ambitieux et très attendu L’Ecume des Jours, de Michel Gondry confirmant son statut d’actrice reconnue. Enfin, elle double l'héroïne du film d'animation Aya de Yopougon, et tient le premier rôle féminin du téléfilm Mortel Été, réalisé par Denis Malleval, où elle forme un couple avec Bruno Solo.
L'année 2014 est marquée par la sortie de la comédie romantique Prêt à tout, de Nicolas Cuche, dont elle partage l'affiche avec Max Boublil.
L'année 2016 est marquée par la sortie de deux comédies populaires dont elle tient les premiers rôles féminins : tout d'abord Bienvenue à Marly-Gomont, de Julien Rambaldi. Elle y incarne Anne, une mère de famille zaïroise et relate l’immigration d’intellectuels africains à travers l’histoire de famille du comédien Kamini[15]. Ensuite, elle partage l'affiche de la comédie Il a déjà tes yeux avec Lucien Jean-Baptiste, qui en signe aussi la mise en scène. Le film connait un joli succès critique et commercial. Enfin, elle tient un second rôle dans la comédie Rupture pour tous, d'Éric Capitaine.
En mars 2018, elle partage l'affiche du téléfilm en deux parties Le Rêve français avec la valeur montante Yann Gael. Cette fiction, réalisée par Christian Faure pour France 2, raconte la migration de près de 160 000 ressortissants d'outre-mer, au début des années 1960[17].
Elle a été en couple avec Stéphane Pocrain, avec qui elle a eu deux fils, Sonni (né en 1996), et Kwameh (né en 2002)[19].
Engagements
Elle est la marraine depuis plusieurs années de l'ONG africaine l'Amref, vouée à la formation de personnel médical pour les soins de la mère et l'enfant. En 2012, elle se rend en Ouganda pour un projet humanitaire[20],[21].
En 2021, elle fait partie du jury des Y'a bon awards, une cérémonie satirique créée par Rokhaya Diallo qui décerne des trophées en forme de banane à des individus pour des propos que l'association considère comme racistes ou discriminants[22].
Bien que refusant d'être une porte-parole politique (« J'ai beaucoup de respect pour les personnes réellement engagées, mais ça n'est pas mon cas. J'ai juste une conscience et une liberté de parole »), elle exprime occasionnellement ses convictions par exemple en tweetant « Je suis Nigériane » pour dénoncer les massacres du groupe islamiste Boko Haram ou, le jour de l'attentat contre Charlie Hebdo, « Fille d'un journaliste mort pour ses idées, enfant de la laïcité et de la liberté d'expression, solidaire des familles des victimes, recueillie en mémoire des journalistes assassinés, et de toutes les victimes… Je suis Charlie »[8].
Pour la diversité au cinéma
Après son premier film, elle reste plusieurs années sans tourner : « J'ai commencé à cette époque là, à aller dans des castings où ils cherchaient des jeunes filles de 20 ans. C'était soit mon agent qui s'en prenait plein la gueule, soit moi-même. Les gens lui disaient par exemple : « t'es conne ou quoi, on t'a demandé une comédienne de 20 ans, on t'a pas demandé une noire ». Ce qui était très différent pour eux [...] J'ai une palette de jeu aussi riche qu'une actrice blanche. Partant de là, je peux tout jouer : je ne suis pas juste une sans-papier[10]. »
En 2013, elle se déclare alors optimiste pour la progression de la diversité dans le cinéma : « Si la problématique n'a pas disparu, je trouve que de façon générale cela va mieux. Je pense que l'événement créé autour de l'arrivée de Harry Roselmack au JT de TF1 n'arrivera plus. On a pris conscience du retard [...] Si nous ne sommes pas tous d'accord sur les formulations, les choses ont été nommées, relayées… Alors que, lorsque j'ai commencé, il y avait un déni total ! [...] Personnellement, je refuse depuis longtemps d'être dans la complainte. Non pas qu'il n'y a pas de problème, je suis née en tant que comédienne avec cette problématique-là. En revanche, j'ai vu que cela ne me réussissait pas du tout d'être dans une posture, quoi qu'on en dise, un peu « victimaire »[5]. »
Toutefois, lassée de voir que quelques années plus tard les rôles proposés aux actrices noires restent limités en nombre et souvent stéréotypés[23], elle est à l'origine [5] d'un collectif de seize actrices noires ou métisses qui publient en 2018 le livre Noire n'est pas mon métier pour dénoncer l'éventail trop restreint de rôles qui leur est proposé (fréquemment infirmière, rarement avocate par exemple)[24]. Parmi elles, Aïssa Maïga pointe que « l'imaginaire des productions françaises est encore empreint de clichés hérités d'un autre temps. [...] Les choses évoluent mais tellement lentement [...] Le sursaut que j'attends pour une représentation plus juste n'ayant pas lieu, j'ai besoin de m'exprimer[25]. »
Lors de la cérémonie des Césars 2020, marquée par la controverse autour de Roman Polanski, Aïssa Maïga fait un plaidoyer remarqué pour plus de diversité dans le cinéma français[26]: « Dès que je me retrouve dans une grande réunion du métier, je ne peux pas m'empêcher de compter le nombre de noirs et de non-blancs dans la salle [...] J'ai toujours pu compter sur les doigts d'une main le nombre de non-blancs. »
Aïssa Maïga est également depuis 2019 membre du comité d'orientation[28] du Club XXIe siècle, une association dont l'objectif est la promotion positive de la diversité et de l'égalité des chances[29].
En , dans le prolongement de sa réflexion sur les discriminations subies par les actrices noires et du livre collectif Noire n'est pas mon métier, Aïssa Maïga coréalise avec Isabelle Simeoni le film documentaire Regard noir[30].
Filmographie
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2018 : Les Routes de l'esclavage (série documentaire), épisode De 1789 à 1888: Les nouvelles frontières de l'esclavage de Daniel Cattier, Fanny Glissant et Juan Gélas : narratrice additionnelle
2016 : Pourquoi nous détestent-ils ? (série documentaire), épisode Pourquoi nous détestent-ils, nous les Noirs ? de Lucien Jean-Baptiste et Maud Richard
2021 : Regard noir (documentaire) d'elle-même et Isabelle Simeoni
Théâtre
En 1997, elle interprète le rôle de Bintou, dans la pièce "Bintou" de Koffi Kwahulé, mise en scène par Gabriel Garran, au TILF (Théâtre international de langue française) en collaboration avec Pascal N’Zonzi.
Cette pièce évoque l'histoire d'une jeune femme à laquelle sa famille impose l'excision qui la conduit à la mort.
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