Petr Pavel l'emporte au second tour avec une très large avance, le candidat réunissant près de 59 % des suffrages, pour un taux de participation de 70 %, le plus haut jamais enregistré pour une élection présidentielle en Tchéquie.
Les élections législatives de 2021 relèguent Andrej Babiš dans l'opposition. ANO 2011 affronte, en effet, deux coalitions de l'opposition, Ensemble (SPOLU) et Pirates et maires (PaS), qui décrochent à elles deux la majorité absolue des sièges, tandis que le Parti social-démocrate et le Parti communiste, soutiens du gouvernement sortant, perdent toute représentation à la Chambre des députés.
Après un mois de négociations, les membres de SPOLU et PaS forment début novembre un nouveau gouvernement, mené par Petr Fiala. Allié de Babiš, le président est un temps jugé susceptible de tenter de reconduire celui-ci[13],[14]. Le calendrier de formation d'un gouvernement est cependant subitement perturbé par l'hospitalisation de Miloš Zeman. Âgé de 77 ans, ce dernier est, en effet, placé en soins intensifs pour des problèmes de foie peu après une rencontre avec Babiš, laissant les principaux acteurs politiques dans l'expectative[15],[16]. Réputé alcoolique depuis de nombreuses années, le président était affaibli au point d'avoir dû voter depuis son domicile[17],[18],[19]. Lors de son hospitalisation, Zeman finit par accepter de rencontrer Petr Fiala[20], qui parvient à former un gouvernement de coalition fin malgré une nouvelle hospitalisation du chef de l'État, cette fois pour cause de Covid-19[21],[22].
Le nouveau gouvernement projette notamment la légalisation du mariage homosexuel, qui pourrait intervenir une fois le mandat de Miloš Zeman achevé. Déposé en , l'amendement au Code civil fait, en effet, l'objet d'une menace d'un veto par le président de la République, incitant la Chambre à attendre la fin de son mandat[23]. Le gouvernement est surtout confronté, début 2022, à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui amène l'Union européenne à apporter son soutien à l'Ukraine du président Volodymyr Zelensky et à sanctionner lourdement la Russie. Cette situation amplifie notamment la crise énergétique et la forte hausse de l'inflation que connaît alors l'Europe.
Système électoral
Le président de la République tchèque est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois de manière consécutive. Est élu le candidat qui remporte au premier tour la majorité absolue des suffrages exprimés. À défaut, un second tour est convoqué dans les quatorze jours qui suivent afin de départager les deux candidats arrivés en tête au premier. Est alors élu le candidat qui réunit le plus de voix au second tour. Dans les deux cas, le président du Sénat proclame élu le candidat vainqueur.
L'élection a lieu au suffrage universel direct depuis une révision constitutionnelle effectuée en 2012, appliquée pour la première fois en 2013. Auparavant, le président tchèque était élu au suffrage indirect par les deux chambres du Parlement[24].
Conditions de candidatures
La Constitution de la Tchéquie, loi fondamentale du pays, détermine les conditions d'une candidature à l'élection présidentielle, régies par l'article 57(1) de ladite Constitution, qui dispose que « tout citoyen éligible au Sénat peut être élu président de la République », c'est-à-dire tout citoyen détenant la nationalité tchèque, le droit de vote et ayant atteint au moins l'âge de quarante ans.
Toute candidature, pour qu'elle soit validée, doit obtenir l'appui d'au moins vingt députés, ou dix sénateurs ou les signatures de 50 000 électeurs. Les candidats ayant recueilli ces parrainages doivent ensuite les remettre au plus tard soixante-six jours avant le scrutin au ministère de l'Intérieur, qui doit les examiner, les approuver ou les rejeter si elles ne devaient pas être conformes à toutes les exigences légales. Ces dispositions juridiques concernent également le président de la République sortant en cas de sollicitation d'un second mandat.
Convocation du scrutin
La convocation de l'élection présidentielle est régie par l'article 56 de la Constitution, qui prévoit notamment que « l'élection du président de la République se déroule dans les soixante derniers jours du mandat » du président sortant. En cas de vacance de la présidence en cours de mandat pour cause de décès, démission ou révocation, ce délai est porté à quatre-vingt-dix jours. La convocation de l'élection présidentielle est une compétence du président du Sénat.
Les trois favoris — Babiš, Pavel et Nerudová — se rejoignent sur plusieurs questions, dont surtout la critique de l'agression menée en Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, ainsi qu'une position en faveur de la légalisation du mariage homosexuel[26],[27].
Andrej Babiš
La campagne se focalise en partie sur la candidature de l'ancien chef du gouvernement et milliardaire Andrej Babiš, à la tête du premier parti d'opposition, ANO 2011. Souvent qualifié de populiste, il bénéficie d'une grande popularité en province, qui se réduit fortement dans les grandes villes dont la capitale, Prague, où il est perçu comme un affairiste opportuniste[25]. Après avoir fait campagne en 2017 sur le thème de la lutte contre la corruption, il voit depuis sa popularité diminuer à la suite d'un scandale l'accusant d'avoir manipulé les avoirs de sa société de holding Agrofert afin de bénéficier d'une aide européenne de deux millions d’euros pourtant destinée aux petites entreprises[28]. Il est finalement acquitté le par un tribunal de Prague, qui juge que le transfert d'avoir ne constitue pas un acte délictueux[29].
Il bénéficie du soutien médiatique du président français Emmanuel Macron qui l'invite à l'Élysée trois jours avant le scrutin, suscitant de vives critiques en Tchéquie[30],[31].
Le passé militaire du candidat se révèle pourtant également son point faible. Petr Pavel se voit, en effet, reprocher ses activités dans l'armée du temps de la dictature communiste, avant le retour de la démocratie en 1989. Il avait alors donné des cours de renseignement militaire au profit du gouvernement de l'époque, placé sous l'égide du Parti communiste tchécoslovaque[28].
Danuše Nerudová
L'économiste et universitaire Danuše Nerudová se positionne en « challenger » du duel annoncé entre Babiš et Pavel, fort du soutien des jeunes électeurs. Ces derniers sont notamment attirés par ses prises de positions en faveurs des droits LGBT et de l'écologie dans le contexte du besoin urgent pour le pays d'effectuer une transition énergétique pour se sevrer du gaz russe[25]. Elle bénéficie notamment le du retrait en sa faveur de Josef Středula, un candidat indépendant soutenu par le Parti social-démocrate tchèque.
Classée à gauche, elle souffre du déclin de son bord politique dans le pays, seul le Parti pirate tchèque ayant remporté une poignée de sièges lors des élections législatives de 2021, le reste des partis présents à l'assemblée se situant au centre ou à sa droite[28].
Elle pâtit également d'accusations de corruption. La candidate est, en effet, accusée d'avoir participé lorsqu'elle était rectrice de l'université Mendel de Brno à l'attribution rapide de doctorats en dépit de thèses largement plagiées, en échange de sommes d'argent[32],[33].
Le premier tour voit arriver en tête Petr Pavel, qui devance légèrement Andrej Babiš, les deux hommes se retrouvant en situation de ballotage deux semaines plus tard. S'il reconnaît lui-même que son avance est très mince, Petr Pavel bénéficie d'une dynamique favorable. La plupart des autres candidats lui apportent leur soutien, dont Danuše Nerudová, arrivée troisième, qui le félicite au soir du premier tour. L'ancien général déclare ainsi aspirer à « restaurer la dignité de la fonction présidentielle » après les deux mandats de Miloš Zeman, qu'il accuse d'avoir mené sa présidence dans un esprit de confrontation[35],[36]. Outre le soutien de Danuše Nerudová, Pavel reçoit dans l'entre-deux-tours ceux de Pavel Fischer, Marek Hilšer, Karel Diviš et Tomáš Zima[37],[38].
S'il bénéficie quant à lui d'une base d'électeurs très forte au premier tour, Andrej Babiš dispose théoriquement de très peu de réserves de voix. La situation est cependant comparable à l'élection présidentielle précédente, qui avait vu Miloš Zeman l'emporter au second tour sur Jiří Drahoš malgré des reports de voix jugés favorables à ce dernier. L'issue du scrutin demeure ainsi incertaine malgré l'avance détenue par Pavel dans les sondages d'opinion[39]. Après avoir félicité son adversaire pour sa courte avance au premier tour, il l'accuse d'avoir menti au cours des débats et de « n'avoir rien fait pour notre pays », avant de le comparer au président russe Vladimir Poutine en faisant référence à son passé dans le renseignement militaire. Andrej Babiš s'estime par ailleurs victime d'une « campagne de diffamation » de la part des « journalistes alliés de Pavel »[36]. Sa remarque sur le passé de son adversaire est critiquée comme « ridicule » au regard du passé d'informateur de Babiš auprès de la Sûreté de l'État à la même période[37].
Petr Pavel sort largement vainqueur du second tour, auquel un peu plus de 70 % des inscrits participent. Le scrutin enregistre ainsi le record de la plus forte participation pour une élection présidentielle tchèque depuis le passage au suffrage universel direct, dix ans plus tôt. Pavel obtient ses meilleurs résultats dans les grandes villes dont la capitale, Prague, où il remporte plus des trois quarts des voix. Andrej Babiš reconnait sa défaite dans l'après-midi du 28 janvier et félicite Pavel, tandis que le président du gouvernement, Petr Fiala, se déclare « réjoui à l’idée de travailler avec le nouveau président de la République ». La passation de pouvoir entre Miloš Zeman et Petr Pavel intervient le [40],[41],[42].