Le Z3 fut achevé à Berlin en 1941. L'Institut de recherche aéronautique allemand l'utilisait pour réaliser des analyses statistiques sur les vibrations des ailes. Il fut détruit par des bombardements aériens en 1943. Une réplique entièrement opérationnelle fut construite dans les années 1960 par la société de Zuse, Zuse KG, et reste exposée au Deutsches Museum à Munich.
Zuse demanda au gouvernement allemand de lui fournir des tubes électroniques mais sa demande fut rejetée car considérée comme « non indispensable à l'effort de guerre »[2].
Conception et développement
Zuse conçut le Z1 entre 1935 et 1936 et le construisit entre 1936 et 1938. Le Z1 était entièrement mécanique et ne pouvait fonctionner que quelques minutes. Helmut Schreyer(en) conseilla à Zuse d'utiliser une technologie différente. En tant que doctorant à l'université technique de Berlin en 1937, il travaillait sur l'implantation d'opérations booléennes dans des dispositifs à base de tubes à vide. En 1938, Schreyer fit la démonstration d'un circuit construit avec ces tubes à une petite audience et exposa sa vision d'un calculateur électronique. Cependant, le plus grand système électronique opérationnel contenait trop peu de tubes rendant cette idée irréalisable[3].
Zuse décida alors de créer une nouvelle machine avec des relais. La réalisation du Z2 fut soutenue financièrement par Kurt Pannke, qui fabriquait de petits calculateurs. Le Z2 fut terminé en 1939 et présenté au Deutsche Versuchsanstalt für Luftfahrt (« Laboratoire allemand pour l'aviation ») en 1940 à Berlin-Adlershof. Zuse eut de la chance car ce fut l'une des rares fois que le Z2 fonctionna et il convainquit le DVL de financer sa prochaine machine[3].
Pour améliorer le Z2, il construisit le Z3 en 1941, qui était un projet hautement secret du gouvernement allemand[4]. Jenissen, membre du Reichsluftfahrtministerium (ministère de l'Air) se comporta comme le superviseur officiel du projet.
Le Z3 fut terminé en 1941 et était plus rapide et beaucoup plus fiable que les Z1 et Z2. Le Z3 pouvait supporter les valeurs infinies et son programme était stocké sur un enregistrement externe, ce qui permettait de changer de programme sans avoir à modifier les connexions. Les nombres entrés en base décimale étaient convertis en binaire à virgule flottante. Le , il fut présenté à une audience de scientifiques dont A. Teichmann et C. Schmieden[5] du Deutsche Versuchsanstalt für Luftfahrt (German Laboratory for Aviation), à Berlin[6].
Zuse se concentra par la suite sur le Z4 qui ne put être terminé qu'après la guerre.
La première conception de calculateur programmable fut celle de la machine analytique de Charles Babbage au XIXe siècle. Ce concept n'a jamais pu être réalisé avant, sûrement parce qu'il était décimal et donc bien plus compliqué que la simplicité de la conception binaire du Z3. Tout de même en 1991, à partir des plans originaux de Charles Babbage, le moteur de soustraction de sa machine fut réalisé et fut pleinement fonctionnel. Et si Ada Lovelace, l'amie de Babbage, fut la première programmeuse théorique d'une machine inexistante, Zuse fut pour sa part le premier programmeur d'une machine réelle en pratique.
Les 10 ordinateurs britanniques Colossus[9] furent les premiers ordinateurs électroniques à l'exception du Atanasoff–Berry Computer non programmable. Ils utilisaient des tubes à vide et des représentations binaires des nombres. La programmation était réalisée par l'intermédiaire de câbles et de relais. Son développement fut gardé secret durant plusieurs décennies ce qui rendit les revendications de « premières » informatiques incorrectes.
L'ENIAC fut terminé après la guerre. Il s'agissait du premier ordinateur électronique conçu spécifiquement comme Turing-complet. Il utilisait des tubes à vides en guise de commutateurs, alors que le Z3 utilisait encore des relais électromécaniques. En revanche, il utilisait le système décimal et jusqu'en 1948, pour le programmer il fallait changer de nombreuses connexions par câbles.
Le Small-Scale Experimental Machine de 1948 et l'EDSAC de 1949 furent les premiers ordinateurs à architecture de von Neumann, c'est-à-dire que les programmes étaient stockés dans l'ordinateur lui-même. Ce concept a été nommé d'après John von Neumann même si ce dernier reprenait des travaux d'Alan Turing et que l'idée avait été émise par Konrad Zuse en 1936 dans un brevet qui fut rejeté.
Caractéristiques des premiers ordinateurs des années 1940
Programme stocké dans une mémoire à ligne de délai
Oui
Relation au concept de machine de Turing universelle
Il était possible de réaliser des boucles sur le Z3 mais il n'existait pas d'instructions conditionnelles. Néanmoins, le Z3 était Turing-complet, la manière d'implanter une machine de Turing sur le Z3 fut démontrée par Raúl Rojas(en) en 1998[10],[11]. Rojas écrivit que l'« on peut par conséquent dire que d'un point de vue théorique, le Z3 est équivalent aux ordinateurs actuels en revanche d'un point de vue pratique, la manière dont il fut programmé le place à part des ordinateurs modernes. »
D'un point de vue pragmatique, le Z3 fournissait un jeu d'instructions pour les applications des années 1940. Zuse était d'ailleurs un ingénieur civil qui construisit des ordinateurs pour faciliter son travail dans sa profession principale.
Caractéristiques techniques
Vitesse moyenne de calcul : addition 0,8 seconde ; multiplication 3 secondes
Unité arithmétique : binaire à virgule flottante avec des mots de 22 bits
↑(de) Hans-Willy Hohn, Kognitive Strukturen und Steuerungsprobleme der Forschung. Kernphysik und Informatik im Vergleich, Francfort-sur-le-Main, Schriften des Max-Planck-Instituts für Gesellschaftsforschung Köln, (ISBN978-3-593-36102-4), p. 148
↑Leibnitz G.G., 1703, Explication de l’arithmétique binaire, qui se sert des seuls caractères 0 et 1 avec des remarques sur son utilité et sur ce qu’elle donne le sens des anciennes figures chinoises de Fohy. Mémoires de mathématique et de physique de l’Académie royale des sciences, Paris.
↑(en) Colossus: The Secrets of Bletchley Park's Codebreaking Computers, Oxford University Press, (ISBN978-0-19-284055-4)
↑(en) R. Rojas, « How to make Zuse's Z3 a universal computer », IEEE Annals of the History of Computing, vol. 20, no 3, , p. 51–54 (DOI10.1109/85.707574)