De 1900 à 1904, Noguchi vit pour l'essentiel à New York. Avec l'aide de son éditrice et future maîtresse Leonie Gilmour(en), il y termine son travail sur son premier roman, The American Diary of a Japanese Girl(en) et une suite, The American Letters of a Japanese Parlor-Maid.
Cette situation change au début de la guerre russo-japonaise en 1904, quand les écrits de Noguchi sur divers aspects de la culture japonaise sont soudainement très en demande parmi les éditeurs de magazines. Il réussit à publier un certain nombre d'articles fondamentaux à ce moment, dont « Une proposition aux poètes américains », dans lequel il conseille aux poètes américains d'« essayer le hokku japonais »[1].
En en ayant (pense-t-il) terminé avec un bref mariage secret avec Léonie Gilmour dans les premiers mois de 1904, Noguchi prévoit de rentrer au Japon avec l'intention d'épouser une autre maîtresse, Ethel Armes, journaliste au Washington Post. Il retourne au Japon en et devient professeur d'anglais au Keio Gijuku l'année suivante, mais ses plans de mariage tombent à l'eau quand Leonie Gilmour donne naissance au fils de Noguchi (le futur sculpteur Isamu Noguchi) à Los Angeles. Il achète une maison dans le quartier Koishikawa de Tokyo en et publie une anthologie de poésie en prose en anglais, The Cloud Summer, peu de temps après.
En 1907, Léonie et Isamu rejoignent Noguchi à Tokyo, mais les retrouvailles s’avèrent de courte durée, principalement parce que Noguchi a déjà épousé une japonaise avant leur arrivée. Lui et Leonie se séparent pour de bon en 1910[2], bien que Léonie et Isamu continuent à vivre au Japon.
Noguchi continue à publier largement en anglais après son retour au Japon, devenant ainsi l'un des principaux interprètes de la culture japonaise auprès des Occidentaux, et de la culture occidentale auprès des Japonais. En 1909, son recueil de poèmes Le pèlerinage est généralement très bien reçu, tout comme une collection d'essais de 1913, À travers le torii. En 1913, il effectue son deuxième voyage en Angleterre (via Marseille et Paris) pour donner des conférences sur Matsuo Bashō et le haïku au Magdalen College (Oxford) à l'invitation du poète lauréat, Robert Bridges.
Il est salué dans les pages du magazine Poetry comme un pionnier du modernisme, grâce à son plaidoyer de vers libre et son association avec des écrivains modernistes tels Yeats Ezra Pound, Richard Aldington et John Gould Fletcher. Tandis qu'il réside à Londres, il rencontre George Bernard Shaw, H. G. Wells, Edward Carpenter et d'autres figures littéraires remarquables. En avril l'année suivante, alors qu'il est à Paris, il rencontre également Tōson Shimazaki qui se trouve voyager en Europe à cette époque. Noguchi retourne au Japon en passant par Berlin et Moscou en utilisant le Transsibérien. En 1919-20, Noguchi fait une tournée transcontinentale de conférences en Amérique.
Au début des années 1920, cependant, le travail de Noguchi connaît la disgrâce critique et il consacre ensuite ses efforts en anglais à l'étude de l'ukiyoe tout en commençant une carrière quelque peu tardive comme poète de langue japonaise. Le succès de Noguchi en tant que poète japonais est remis en question par les érudits japonais ; Norimasa Morita affirme que Noguchi « a du mal à se faire une réputation littéraire pour lui-même au Japon » et que « la plupart de ses poèmes japonais n'ont reçu aucune reconnaissance critique ou populaire »[3]. D'autres spécialistes comme Madoka Hori désignent comme preuve du succès de Noguchi le numéro spécial Yonejirō Noguchi de du magazine Nippon Shijin (« le poète japonais »)[4]. Tous les livres ultérieurs de Noguchi, en japonais et en anglais, sont publiés au Japon car Noguchi rencontre une vive résistance auprès des éditeurs américains dans les années 1930, malgré le soutien de quelques éditeurs sympathiques comme Marianne Moore[5].
Dernières années
Les vues politiques de Noguchi ont tendance à suivre les orientations japonaises en vigueur. Dans les années 1920, après le virage à gauche de la démocratie Taishō, il publie des revues de gauche comme Kaizō, mais dans les années 1930, il suit le tournant du pays vers la droite. En partie en raison de son amitié avec les grands intellectuels indiens comme Rabindranath Tagore, Sarojini Naidu et Rash Behari Bose(en), Noguchi est envoyé en Inde britannique en 1935 pour aider à obtenir des soutiens pour les objectifs japonais en Asie de l'Est, mais au moment du tristement célèbre échange de lettres entre Noguchi et Tagore en 1938, il semble qu'il existe peu d'espoir de gagner la compréhension internationale pour l'impérialisme de plus en plus militant du Japon. Durant la Seconde Guerre Mondiale, Noguchi soutient la cause japonaise, prônant un assaut sans ménagement sur les pays occidentaux qu'il a autrefois admiré.
Les évaluations critiques de Noguchi, tout en variant considérablement, soulignent souvent le caractère énigmatique de son œuvre. Arthur Symons le désigne comme « une personnalité difficilement compréhensible »[6]Arthur Ransome l'appelle « un poète dont les poèmes sont si distincts qu'une centaine d'entre eux ne sont pas suffisants pour son expression »[7]. Ezra Pound, à la première lecture de Le pèlerinage en 1911, écrit : « Ses poèmes semblent être plutôt beaux. Je ne sais pas trop quoi en penser »[8]. Junzaburō Nishiwaki écrit quant à lui « La plupart de ses premiers poèmes ont toujours semblé si terribles, si déconcertants, qu'ils surprennent toute raison ou système » [9]
Noguchi peut être considéré comme un écrivain interculturel, transnational ou cosmopolite. Son œuvre peut également être envisagée, mais de façon un peu plus problématique, au sein des littératures nationales du Japon et des États-Unis (voir Littérature japonaise, Littérature américaine). Noguchi a récemment attiré l'attention dans les études américaines asiatiques en raison de l'intérêt croissant pour le mondialisme.
↑Norimasa Morita, "Yone Noguchi (1875-1947)" in Britain and Japan: Biographical Portraits, v. 8, ed. Hugh Cortazzi (Folkstone, Kent: Global Oriental, 2013), p. 415.
(en) Yone Noguchi et Ikuko Atsumi (ed), Collected English Letters, Yone Noguchi Society,
(en) Amy Sueyoshi, Queer Compulsions : Race, Nation, and Sexuality in the Affairs of Yone Noguchi, Honolulu, University of Hawaii Press, (ISBN978-0-8248-3497-5)