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Sa carrière professionnelle débute sous la république de Weimar et atteint son apogée sous le Troisième Reich. Peu après la prise de pouvoir de Hitler, il devient secrétaire d'Etat, d'abord au ministère prussien de la Justice (1933-1934), puis au ministère de la Justice du Reich (1934-1942), et joue un rôle de premier plan dans la formation du système judiciaire nazi qui supprime les principes de l'État de droit. En tant que l'un des quinze participants à la conférence de Wannsee, il est également impliqué dans l'organisation de la Solution finale.
Juge pénal le plus connu du Troisième Reich, il devient le symbole de la justice injuste par excellence. D' à sa mort, il est président du tribunal du peuple (Volksgerichtshof), la plus haute cour du régime nazi pour les affaires pénales politiques. Freisler est personnellement responsable de près de 2 600 condamnations à mort, souvent prononcées dans des procès-spectacles et visant la plupart du temps des résistants au nazisme, parmi lesquels les principaux membres de La Rose Blanche et plusieurs conjurés du 20 juillet 1944 (l'attentat manqué contre Hitler).
Il aime humilier les accusés et les priver de leurs droits et ses réquisitoires sont marqués par la malveillance, l'irascibilité et la partialité[1],[2].
Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Roland Freisler interrompt ses études de droit pour servir sur le front en tant qu'engagé volontaire (Kriegsfreiwilliger). À l'automne 1914, il participe à la bataille d'Ypres, lors de laquelle il est blessé au combat et séparé de son régiment[3]. Une fois sa convalescence terminée, il est envoyé sur le front de l'Est pour servir comme aspirant au sein du 167e régiment d'infanterie. À l'automne 1915, il est capturé par les Russes lors de combats en Volhynie[4],[5] et envoyé dans un camp de prisonniers pour officiers près de Moscou, où il passe le restant du conflit. À la suite de la signature du traité de Brest-Litovsk, les prisonniers de guerre allemands sont libérés mais Freisler, qui a appris le russe pendant sa détention, décide de rester sur place pour se joindre aux révolutionnaires bolcheviks, qui le nomment commissaire à la distribution de nourriture[6]. Du fait de cette expérience, Hitler, qui le surnommait « le vieux bolchévik », ne lui fera jamais pleinement confiance, ce qui le priva sans doute du poste de ministre de la Justice du Reich[7].
« Sur le plan rhétorique, il est notre meilleur orateur […]. C'est surtout sur les foules qu'il exerce une influence, alors qu'il est généralement rejeté par les hommes doués de raison. Le camarade de parti Freisler n'est utilisable qu'en tant qu'orateur. Comme chef, il n'est pas à sa place, car peu fiable et trop sujet à des sautes d'humeur. »
Le , il épouse Marion Russegger, avec qui il aura deux fils : Harald (né en 1937) et Roland (né en 1939).
Entre 1932 et 1933, il siège au parlement prussien. Durant cette période, il devient également conseiller d'État et directeur ministériel prussien. En 1933, il est secrétaire d'État au ministère de la Justice prussien dirigé par Hanns Kerrl[8]. Il fait remplacer la guillotine, que la Prusse avait adopté comme méthode d'exécution en 1919, par la décapitation à la hache. Il justifie cette décision par le fait que la guillotine serait « totalement étrangère au peuple allemand »[9]. Devenu secrétaire d'État du ministère de la Justice du Reich le , il avance de nouveaux arguments en faveur de la hache, affirmant que « la décapitation par la force musculaire contient quelque chose de primaire, de masculin, de naturel », là où la guillotine « paraît morte, sans âme, impersonelle »[10]. Malgré son opposition, les exécutions à la hache seront quand même abolies dans toute l'Allemagne en 1936, l'argument d'Ernst Hanfstaengl selon lequel elles nuiraient « à la réputation culturelle allemande » faisant mouche auprès de Hitler.
Jusqu'en 1942, il reste l'un des deux secrétaires d'État du ministère de la Justice du Reich (l'autre étant Franz Schlegelberger). Il est notamment son représentant attitré à la conférence de Wannsee[11]. .
Le , Freisler est nommé président du tribunal du peuple (Volksgerichtshof) par Adolf Hitler[11],[12], succédant ainsi à Otto Thierack, lui-même nommé ministre de la Justice du Reich. Fondé en 1934 pour traiter des cas de haute trahison, le champ de compétence du tribunal de peuple est par la suite étendu à d'autres crimes visant la sûreté de l'État.
Sous la présidence de Freisler, le nombre de condamnations à mort qu'il prononce grimpe en flèche ; environ 90 % des procès se soldent par une condamnation à mort ou à la prison à vie, souvent décidée avant même le commencement de l'audience[12]. Entre 1942 et 1945, plus de 5 000 peines capitales sont prononcées par le tribunal du peuple, dont environ 2 600 sous la présidence de Freisler. En trois ans d'activité au tribunal du peuple, Freisler prononce autant de condamnations à mort que toutes ses autres chambres réunies de 1934 à 1945[12].
Ses actes les plus connus sont les condamnations des principaux membres de la Rose blanche (Hans et Sophie Scholl, Alexander Schmorell, Kurt Huber et Willi Graf) et de plusieurs conjurés du 20 juillet 1944 à la peine de mort[12],[13]. Admirateur d'Andreï Vychinski, le procureur des procès de Moscou, il singe ses méthodes lors des audiences en invectivant violemment les accusés[14]. Selon une légende[15], il aurait même traité le maréchal déchu von Witzleben d'« espèce de vieux dégoutant » alors que ce dernier, privé de bretelles, essayait désespérément de retenir son pantalon trop large[16]. Cependant, bien que Hitler appelle lui-même Freisler « notre Vychinski », son approche et surtout ses résultats diffèrent grandement des siens. En effet, à aucun moment, les individus jugés par Freisler ne cherchent à se repentir devant lui[17]. Au contraire, certains (Hans Scholl, Caesar von Hofacker, Erwin von Witzleben, Erich Fellgiebel) vont même jusqu'à le menacer tandis que d'autres (Fritz-Dietlof von der Schulenburg par exemple) n'hésitent pas à se montrer sarcastiques à son égard.
Il est tué dans le bombardement américain de Berlin du . Néanmoins on ne connait pas les circonstances de sa mort avec exactitude. Selon la plupart des historiens, il est mort exsanguiné après avoir été touché par des éclats d'obus sur le chemin de l'abri antiaérien du tribunal du peuple au 15 Bellevuestraße. Selon Fabian von Schlabrendorff, il est mort d'un traumatisme crânien provoqué par l'effondrement d'une poutre de l'abri antiaérien. Le médecin dépêché pour constater son décès se trouve être le frère de Rüdiger Schleicher, qu'il venait de condamner à mort la veille. Wilhelm Crohne lui succède temporairement dans ses fonctions et acquitte von Schlabrendorff (que Freisler jugeait avant le bombardement) du crime de haute trahison, ce qui lui évite la peine de mort.
Dans les arts et la culture populaire
Littérature
Roman
Freisler est dépeint en tant que « juge Freisler » dans Jeder stirbt für sich allein (1947) de Hans Fallada, qui raconte le procès et la condamnation à mort d'Otto et Elise Hampel, dont l'histoire authentique inspira le roman de Fallada.
Il apparaît dans Les fils d'Odin de Harald Gilbers, sur la vie à Berlin pendant la guerre.
↑(ru) Vladimir Zakharov et Valeri Koulachov, В преддверии катастрофы : Германия 1933-1939 годы, Moscou, Коллекция «Совершенно секретно», , 2e éd., 429 p. (ISBN5-89048-115-0 et 978-5-89048-115-3, OCLC56440326), p. 60
↑(en) Mariken Lenaerts, National Socialist Family Law : The Influence of National Socialism on Marriage and Divorce Law in Germany and the Netherland, Leyde, Brill Nijhoff, coll. « Legal History Library » (no 16), , 348 p. (ISBN978-90-04-27931-5, 90-04-27931-8 et 1-322-30974-4, OCLC895257171, lire en ligne), chap. 3 (« National Socialist Racial and Family Law in Germany »), p. 72
↑(en) Gestapo Interrogation Transcripts: Willi Graf, Alexander Schmorell, Hans Scholl, and Sophie Scholl : NJ 1704 - Volumes 1-33 [i.e. 21], Exclamation! Publishers, (ISBN978-0-9710541-3-4, lire en ligne)
↑Johann Chapoutot, Comprendre le nazisme, Paris, Tallandier, coll. « Texto », , 448 p. (ISBN979-10-210-4269-8, OCLC1145348945), chap. 5 (« L’échec des divisions blindées du droit. Les procès politiques du nazisme Leipzig 1933, Berlin 1944 »), p. 211
(de) Gert Buchheit : Richter in roter Robe. Freisler, Präsident des Volksgerichtshofes. Munich, 1968.
(de) Beatrice und Helmut Heiber (Hrg.): Die Rückseite des Hakenkreuzes. Absonderliches aus den Akten des Dritten Reiches. Munich: dtv dokumente, 1993. (ISBN3-423-02967-6)