Rhoda Scott, est une organiste et chanteuse de jazzaméricaine née le , à Dorothy(en), dans l'État du New Jersey. Elle est surnommée « The Barefoot Lady » (la dame aux pieds nus).
Biographie
Famille et jeunesse
Rhoda Scott naît à Dorothy(en) dans le New Jersey[1]. Elle est la fille aînée d'un pasteur itinérant noir et d'une mère blanche, ce qui ne l'empêche pas d'être confrontée au racisme dans les États-Unis ségrégués[2]. Elle a six frères et sœurs[3].
Ses deux parents sont musiciens, chanteurs, pianistes et organistes amateurs[2], et son père l'emmène dans des petites églises noires, où elle entend gospel et spirituals[4]. Rhoda Scott tiendra d'ailleurs l'orgue pendant quarante ans dans sa paroisse du Perche[4].
La « légende familiale » veut que sa mère prenait Rhoda sur ses genoux quand elle jouait à l'église, et que cette dernière rejouait d'oreille les airs entendus[2]. Elle écoute du jazz, du rhythm and blues, du Ray Charles, et reproduit ce qu'elle entend au piano. Elle apprend seule à déchiffrer les partitions, et joue tout ce qui lui passe sous la main[2]. Alors qu'elle a huit ans, quand son père est envoyé dans une église dans laquelle se trouve un orgue Hammond, elle est fascinée par l'instrument et les possibilités qu'il offre[3].
Vers 12 ou 13 ans, elle est répétitrice au piano dans son pensionnat où elle accompagne la chorale, rôle qu'elle continue à tenir au lycée[3]. Elle gagne une bourse qui lui permet d'étudier au Westminster Choir College, à Princeton, alors qu'elle a seize ans[3]. Les cours de piano étant complets, elle entre dans la classe d'orgue et découvre les œuvres de Jean-Sébastien Bach[3]. Faute de financement, elle doit arrêter ses études, et travaille comme assistante comptable dans une maison de couture[3].
Débuts professionnels
Alors qu'elle a vingt ans, elle commence à jouer de l'orgue dans un groupe de rhythm and blues[3]. Elle fonde rapidement ses propres groupes, jouant en banlieue de New York jusqu'à finir par faire à Newark (New Jersey) la première partie de Count Basie, qui l'invite à jouer dans son club de Harlem[5]. En 1963, elle enregistre son premier album Live! at the Key Club (Tru-Sound/Prestige TSLP-15014). Elle rencontre Eddie Barclay, qui achète pour 75 $ un morceau, devenu un tube, Hey Hey Hey[6].
Petit à petit, elle tourne dans tous les États-Unis, mais se lasse de son groupe :
« De façon générale, mes deux partenaires étaient très attirés par les paillettes, […] et plus ça allait, plus ils insistaient pour que je m'habille de façon plus sexy, avec des robes fendues, des hauts talons, du maquillage, et je me suis sentie de moins en moins à l'aise dans ce contexte, comme dépossédée de moi-même »
Rhoda Scott décide de s'inscrire à la prestigieuse Manhattan School of Music, où elle étudie entre ses 24 et 28 ans, sans s'arrêter de jouer en club[6]. Elle sort diplômée de théorie musicale, l'école ne délivre pas de diplôme en orgue et son niveau de piano n'étant pas assez bon[6].
Quand on lui propose d'enseigner à la Manhattan School of Music, elle décide de perfectionner son apprentissage et d'aller étudier au Conservatoire américain de Fontainebleau (France) avec Nadia Boulanger[1]. Rhoda Scott arrive ainsi en France en 1967, pays pour lequel elle a un coup de foudre[6]. Malheureusement la rencontre avec la compositrice ne se passe pas aussi bien qu'espéré :
« Nadia Boulanger était la représentante d'un monde dont je ne connaissais rien, c'était à la fois impressionnant et effrayant. Elle avait une telle culture musicale et une telle rigueur que c'était totalement inhibant. Elle essayait de me parler et j'étais incapable de lui dire un mot. J'avais de très bons résultats aux tests théoriques, mais je ne supportais pas la petite cour d'étudiants qui l'entourait, je ne savais pas comment évoluer dans ce milieu, et j'ai vite compris que la rencontre n'aurait pas lieu. »
Elle retourne aux États-Unis au bout d'un an, où elle prend des cours de français[6].
Les années Barclay
Elle retourne en France en plein mai 68[6]. Elle fréquente les clubs de jazz de Paris, rencontre le pianiste Art Simmons, et recroise la route d'Eddie Barclay, qu'elle connaissait de ses années en club à Harlem et avec qui elle signe un contrat qui durera jusqu'aux années 1980[6]. Au bout de quelques semaines, elle est engagée au Bilboquet, un club de Saint-Germain-des-Prés, où la foule se presse pour l'entendre[6].
Rapidement, Rhoda Scott devient une star, et Yves Saint Laurent lui conçoit des tenues de scène[6]. Elle joue, notamment, à l'Olympia, en première partie d'un tour de chant de Gilbert Bécaud au début des années 1970, puis enregistre un concert peu de temps après dans ce même music-hall, accompagnée par Joe Thomas (flûte/saxophone ténor) et Cees Kranenburg Jr. (batterie). Elle est invitée par Denise Glaser à Discorama en 1969[8], ce qui augmente encore sa notoriété[9].
Elle rompt son contrat avec Barclay dans les années 1980. Après une petite période de silence, elle réenregistre chez Verve des disques plus proches du jazz[9].
Elle crée, sur proposition de Jean-Pierre Vignola, le directeur du Festival de Vienne, le « Lady Quartet », avec Sophie Alour (saxophone ténor), Airelle Besson (bugle) puis Lisa Cat-Berro (saxophone alto) et Julie Saury (batterie)[10]. Après un premier concert au Festival de Vienne 2004, elle tourne dans les clubs de jazz et enregistre un album le au Sunset[11].
En 2010, à l'occasion du festival musical du Printemps des orgues, elle accompagne le Chœur des Mauges de Beaupréau sous la direction de Katika Blardone[réf. souhaitée].
Elle enregistre Blanc Cassé (2017) avec le saxophoniste Christophe Monniot et le batteur Jeff Boudreaux. Elle se casse le col du fémur après l'enregistrement, et ne peut pas tourner avec lui ensuite[10].
En 2020 paraît Movin' Blues en duo avec le batteur Thomas Derouineau, reprise de la formule qui a assuré sa reconnaissance, avec un répertoire alliant compositions originales et reprises de Duke Ellington, d'Antônio Carlos Jobim ou de Michel Legrand[14],[4].
Rhoda Scott aime beaucoup la France et possède une propriété à Coulonges-les-Sablons dans l'Orne, où elle réside régulièrement.
Style
Elle est surnommée « The Barefoot Lady » (la dame aux pieds nus), de l'habitude qu'elle a prise toute petite pour jouer du pédalier sans abimer son bois, et qu'elle a perpétué sur scène[1].
Elle est adepte de la formule orgue-batterie, qu'elle pratique surtout avec Lucien Daubat, mais aussi avec Daniel Humair, Kenny Clarke, Steve Phillips ou Victor Jones[9].
À son arrivée en France, on lui reproche de ne pas jouer de la musique commerciale, et pas suffisamment « jazz », un reproche qui lui semble d'autant plus injuste que le public adore quand elle joue Hello Dolly ou Isn't She Lovely?[6],[9].
1963 : Live! at the Key Club (Tru-Sound/Prestige TSLP-15014)
1969 : À l'Orgue Hammond: Take a Ladder (RSB [Scott's label] 331; réédité en 1970 sur Barclay 920.168, puis en 1982 sous le titre Moanin', Barclay 200.425)
1970 : À L'Orgue Hammond, Vol. 2 (Barclay 920.126)
1971 : À L'Orgue Hammond, Vol. 3: Come Bach To Me (Barclay 920.240)
1971 : Live at the Olympia (Barclay 920.379/80 [2LP] ; réédité Gitanes Jazz 549879 en 2001)
1973 : À L'Orgue Hammond: Ballades no 1 (Barclay 920.430 ; réédité : Barclay 80.574 en 1975)