Dans le système de numération grecque, rhô vaut 100 ; par exemple ‹ ρʹ › représente le nombre 100.
Comme la plupart des autres lettres grecques, le rhô est parfois utilisé en dehors de son contexte alphabétique grec dans les sciences. ρ sert par exemple en physique à noter la masse volumique ou la résistivité, et en mathématiques à noter le rayon dans les coordonnées sphériques. En mathématiques, la notation désigne le rayon spectral.
Histoire
Origine
La lettre rhô tire son origine de la lettre correspondante de l'alphabet phénicien, . Celle-ci provient peut-être de l'alphabet protosinaïtique, une écriture utilisée dans le Sinaï il y a plus de 3 500 ans, elle-même probablement dérivée de certains hiéroglyphes égyptiens ; le hiéroglyphe sur lequel la lettre phénicienne est basée signifierait « tête » . L'alphabet phénicien atteint une forme plus ou moins standard vers le XIe siècle av. J.-C. Sa 20e lettre est une consonne (l'alphabet phénicien est un abjad qui ne note pas les voyelles) correspondant probablement au son [r].
La lettre correspondante de l'alphabet sudarabique est , ra, correspondant à la lettre ረ, nä, de l'alphasyllabaire guèze. Dans les alphabets sémitiques, la lettre phénicienne conduit au syriaque ܪ, à l'hébreu ר, à l'araméen 𐡓, à l'arabe ﺭ et au berbère ر.
Alphabets archaïques
L'alphabet grec dérive directement de l'alphabet phénicien. Sa 20e lettre est utilisée pour noter un son proche du phénicien ; la position exacte du rhô dans l'alphabet dépend de l'emploi ou non des lettres digamma, san, koppa ou xi suivant les dialectes.
Dans les alphabets grecs archaïques, le haut du rhô peut être courbe plutôt qu'anguleux, approchant un P latin. On trouve les variantes suivantes[1] :
La forme actuelle de la lettre provient de l'alphabet utilisé en Ionie, qui est progressivement adopté par le reste du monde grec antique (Athènes passe un décret formel pour son adoption officielle en 403 av. J.-C. ; son usage est commun dans les cités grecques avant le milieu du IVe siècle av. J.-C.). La lettre prend à ce moment la 17e position de l'alphabet, entre pi et sigma.
L'alphabet grec reste monocaméral pendant longtemps. Les formes minuscules proviennent de l'onciale grecque, une graphie particulière créée à partir de la majuscule et de la cursive romaine vers le IIIe siècle et adaptée à l'écriture à la plume, et sont créées vers le IXe siècle. Pendant la Renaissance, les imprimeurs adoptent la forme minuscule pour les policesbas-de-casse, et modèlent les lettres capitales sur les formes des anciennes inscriptions, conduisant le grec à devenir bicaméral.
Nom
Tout comme la plupart des noms des autres lettres, « rhô » ne signifie rien de particulier en grec et n'est qu'un emprunt direct au nom de la lettre en phénicien. Il est supposé que le nom de la lettre phénicienne correspondante signifierait « tête ».
En grec, la lettre est appelée ρω (rô) ou ρο (ro), prononcée /ɾo/. En grec ancien, la lettre est appelée ῥῶ (rhỗ), prononcée vraisemblablement /r̥ɔ́͜ɔ/.
Dérivés
L'alphabet étrusque est dérivé de l'alphabet grec employé en Eubée — alphabet que les Étrusques apprennent à Pithécusses (Ischia), près de Cumes. L'alphabet eubéen utilise une variante du rhô possédant un trait diagonal à droite, et cette forme est reprise par les Étrusques. L'alphabet latin descend directement de l'alphabet étrusque ; le rhô conduit ainsi à la lettre R.
Dans la Grèce antique, les lettres grecques n'existent qu'en capitales et ne comportent aucun signe diacritique. Ceux-ci sont inventés progressivement à partir de l'époque hellénistique et deviennent systématiques dès le IXe siècle. Les esprits sont inventés dès le IIIe siècle av. J.-C. pour transcrire la présence d'une consonne [h] au début d'un mot. Lorsque l'esprit rude prend sa forme définitive, le grec n'utilise plus le phonème /h/ depuis longtemps : l'invention et la perfection de ces diacritiques sont un archaïsme grammatical, permettant de rendre compte d'une prononciation correcte dans des textes anciens.
Dans le dialecte ionien-attique d'Athènes (qui donne naissance, en devenant la koinè, au grec moderne), le phonème /r/ est toujours sourd à l'initiale : ῥόδον (« (la) rose ») se prononce ['r̥odon] et non ['rodon]. Il existe également des dialectes grecs anciens à psilose (disparition de l'aspiration) ; c'est le cas de l'éolien de Sappho, par exemple.
En orthographe polytonique, tout rhô initial comporte un esprit rude. Sa transcription est toujours rendue par « rh » en français : ῥεῦμα (« flux ») est transcrit rheûma (« flux ») et les mots français dérivant d'un terme grec à rhô initial sont orthographiés débutant par un « rh » (« rhume », « rhinocéros », etc.). Pour les textes provenant de dialectes grecs à psilose, les éditions modernes utilisent parfois spécifiquement l'esprit doux sur le rhô initial.
Deux rhôs successifs peuvent se rencontrer à l'intérieur d'un mot. Dans ce cas, l'orthographe polytonique permet de marquer le premier d'un esprit doux et le second d'un esprit rude : -ῤῥ-, comme dans πολύῤῥιζος (polýrrhizos), « qui a plusieurs racines ». Cet usage n'est généralement pas employé dans les éditions françaises des textes grecs, où le mot est écrit πολύρριζος. La transcription est cependant rendue par « rrh », graphie que l'on retrouve dans des mots français tels que « catarrhe » , du grec κατὰ (katà), « de haut en bas », et ῥέω (rhéô), « couler ».
Typographie
La forme bas-de-casse du rhô possède deux variantes typographiques, héritées de l'écriture manuscrite médiévale. La première, de très loin la plus courante en typographie moderne, ressemble à un rhô capitale en plus petit : ρ. La deuxième dérive d'une variante de l'écriture cursive où la barre verticale est recourbée sur la droite : ϱ[2]. Cette variante est appelée rhô cursif ou rhô à queue[3] ; elle est parfois utilisée dans des contextes techniques comme symbole.