La préhistoire de la Grèce est la période comprise entre les premières traces laissées par l’Homme et l’apparition des premiers documents écrits sur le territoire actuel de la Grèce.
Historique
Pendant longtemps, les occupations les plus anciennes de la Grèce n'ont bénéficié que de peu d'intérêt. Pourtant, le pays se situe sur l'une des routes possibles de diffusion des populations humaines du Proche-Orient vers l'Europe, et dans l'une des trois péninsules méridionales d'Europe, avec l'Espagne et l'Italie, qui servirent de territoire refuge aux humains lors des pics de froid les plus aigus des périodes glaciaires successives.
Un crâne fossile assez complet (sans sa mandibule), noté Apidima 2, et un fragment de calotte crânienne fossile, noté Apidima 1, furent découverts en 1970 dans la grotte d'Apídima, située sur la côte, dans le sud du Péloponnèse (sud de la Grèce). Apidima 2 avait été attribué à l'époque à l'Homme de Néandertal, ce qui a été confirmé en 2019, assorti d'une datation de 170 000 ans (datation par l'uranium-thorium). Apidima 1, fragmentaire, restait non attribué. Une analyse par tomodensitométrie et morphométrie 3D, menée par Katerina Harvati et son équipe, soulignant notamment la rondeur de l'os occipital et l'absence de fosse sus-iniaque, a permis en 2019 de l'attribuer à Homo sapiens, avec une datation de 210 000 ans (datation par l'uranium-thorium). Cette datation recule de quelque 160 000 ans l'âge de l'arrivée des premiers Homo sapiens en Europe (et de 25 000 ans l'âge de leur arrivée en Eurasie)[1],[2].
Homo sapiens n'a pas pu à l'époque se maintenir en Europe où il a probablement été supplanté par l'Homme de Néandertal[réf. nécessaire], mieux adapté au froid des cycles glaciaires successifs, avant que l'Homme de Cro-Magnon réussisse bien plus tard son implantation, à partir de 48 000 ans avant le présent.
La grotte de Kalamakia (Péloponnèse) a livré des fossiles néandertaliens datés en 2013 entre 100 000 et 39 000 ans.
Le Mésolithique dure en Grèce environ 3 000 ans. La technologie lithique du site paléolithique final d'Ouriakos sur Lemnos (10 500 avant notre ère) et Maroulas, une colonie mésolithique de Kythnos, une île des Cyclades occidentales (8500–6500 avant notre ère) indiquent des contacts culturels avec les chasseurs-cueilleurs des sites des grottes d'Öküzini, Direkli et Girmeler respectivement dans le sud-ouest de l'Anatolie. Cela soutient l'hypothèse d'un mouvement côtier de chasseurs-cueilleurs à travers le sud-est de la Méditerranée parallèlement à la montée des communautés sédentaires en Anatolie centrale[4].
Les exemplaires connus en 2022 ne montrent aucun exemple de l'haplogroupe mitochondrial U5, qui est la lignée prédominante des chasseurs-cueilleurs d'Europe occidentale et est observée à haute fréquence dans les phases ultérieures du néolithique d'Europe centrale ainsi que dans l'Italie mésolithique et néolithique et les portes de fer mésolithiques. Cette absence est remarquable, car elle suggère que la population locale de chasseurs-cueilleurs de la mer Égée et du nord de la Grèce était peut-être génétiquement distincte de celle du nord des Balkans et d'autres parties de l'Europe, comme le confirment les preuves d'ADN mitochondrial de la grotte de Theopetra en Thessalie[4].
Néolithique
Le Mésolithique cède la place au Néolithique vers 6 700 ans av. J.-C., quand des populations venues d'Anatolie commencent à se diffuser en Grèce et dans les Balkans en apportant avec elles la pratique de l'agriculture et de l'élevage[4]. Ainsi, au VIIe millénaire av. J.-C., les premières communautés agricoles émergent dans la mer Égée, où les premières preuves ont été découvertes sur l'île de Crète correspondant au niveau d'occupation le plus ancien sous le palais ultérieur de Cnossos[5].
Ces populations du néolithique égéen forment ainsi l'origine de l'ensemble des premiers agriculteurs européens[6]. Les découvertes archéologiques les plus récentes et les dates au radiocarbone du nord de la Grèce suggèrent que la néolithisation initiale s'est vraisemblablement produite presque simultanément des deux côtés de la mer Égée. De là, la dispersion néolithique a atteint le nord des Balkans et l'Europe centrale en suivant trois voies principales : le bassin de la Strouma, la Thrace et la mer Noire[4].
En Grèce, on considère que l'agriculture s'est propagée rapidement, la plupart des colonies étant établies entre 6600 et 6400 avant notre ère. On observe notamment un nombre croissant de sites, contrastant avec la période mésolithique précédente peu peuplée[4].
Il a été démontré que ces populations néolithiques de la mer Égée portent des allèles associés à une pigmentation cutanée réduite, à une sensibilité au diabète de type 2, ainsi qu'un certain nombre de loci associés à des maladies inflammatoires[7].
À partir du Néolithique moyen (6000/5600-5300 av. J.-C.), on observe une augmentation remarquable du nombre d'établissements, même dans des environnements moins favorables. La formation de communautés de plus en plus grandes et l'utilisation des produits secondaires des animaux, y compris la traction et le lait, ont favorisé des structures sociales plus complexes et des réseaux économiques plus larges. Les communautés n'étaient pas isolées et des réseaux de communication sont déjà observés dès le début du Néolithique[4].
Au Néolithique ancien, cependant, la mise en réseau déduite de la distribution de la céramique est révélatrice d'échanges locaux entre communautés voisines, alors qu'au Néolithique récent, des réseaux stables s'établissent sur un rayon d'au moins 200 km. L'intensification de cette tendance au Néolithique final a posé l'une des bases essentielles du développement de la prochaine grande transformation culturelle, à savoir celle de l'âge du bronze (BA)[4].
Âge du bronze
La seconde transformation majeure de la préhistoire égéenne a eu lieu au début de l'âge du bronze (environ 3100-2000 av. J.-C.). Des sociétés complexes émergent, caractérisées par une architecture sophistiquée, une métallurgie et l'intégration de la mer Égée dans les réseaux d'échange de la Méditerranée orientale de l'âge du bronze[5].
À la fin du troisième millénaire avant notre ère, la Grèce continentale connaît une grave rupture civilisationnelle (à la fin du début de l'Helladique II) avec un impact durable jusqu'à la fin de la période helladique moyenne du début du deuxième millénaire. Cette perturbation a été attribuée à divers facteurs, parmi lesquels des changements climatiques dramatiques et l'arrivée de nouveaux groupes. La Crète ne semble pas avoir subi une période de déclin comparable. Avec l'émergence des premiers palais au XIXe siècle av. J.-C. à l'époque minoenne moyenne, les sociétés de l'île se sont transformées avec une sophistication jusque-là inconnue dans l'art, l'architecture et les pratiques sociales[5].
À l'âge du bronze moyen, le continent grec voit l'arrivée de populations dont l'ascendance se situe en Europe centrale / orientale. Ces signatures génétiques apparaissent également progressivement en Crète du XVIIe au XIIe siècle av. J.-C., une période où l'influence du continent sur l'île intensifié[5]. La découverte d'une ascendance « nordique » dans les populations de l'âge du bronze moyen et de l'âge du bronze final de la Grèce continentale ne soutient pas un déplacement de population à grande échelle, mais le gradient nord-sud indique la directionnalité de cette migration[5]. Comme ailleurs en Europe, il existe un biais concernant cette ascendance steppique suggérant l'arrivée de davantage d'hommes que de femmes[5].
↑(en) Katerina Harvati, Carolin Röding, Abel M. Bosman, Fotios A. Karakostis, Rainer Grün et al., « Apidima Cave fossils provide earliest evidence of Homo sapiens in Eurasia », Nature, (DOI10.1038/s41586-019-1376-z).
↑(it) Tiné V., 2009, Favella. A Neolithic Village in the Sybaris Plain, in Tiné V., Favella, Un villaggio neolitico nella Sibaritide, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Roma, p. 581-602